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Je vais essayer de rester neutre en écrivant cet article, même si je dois
confesser que je vais probablement échouer... car je reste ahuri devant
l'absence de jugement d'un peuple entier. Certes, j'ai bien conscience que le
peuple japonais en a fait autant il y a 25 ans, que les Australiens frisent les
tops d'idiotie avec leur bulle immobilière alors qu'ils disposent d'une densité
humaine parmi les plus faibles au monde ou que dans le futur, quand je serais
mort, enterré et bouffé par les vers de terre du Costa Rica, d'autres
populations se mettront le crâne au carré pour acheter des m².
Pour autant, malgré l'erreur collective massive des Français, restons froid et
observons les faits.
92% des français considèrent que l'achat de leur logement principal est une
meilleure formule que la location. C'est le résultat d'un sondage récent. 92%,
il s'agit d'une écrasante et absolue majorité ! Imaginez trois secondes la
quantité de nouilles qui se trimballent dans nos rues si d'aventure, il se
trouve qu'ils ont tort... ce qui est fortement probable, puisqu'en matière
économique, il existe toujours une minorité qui ramasse la mise sur le dos d'une
grosse majorité d'andouilles béates et pétries de certitudes.
Commençons par noter la question foireuse du sondage. "Meilleure formule"....
Cela veut dire quoi exactement, meilleure formule ? Est ce sur un plan financier
pur ? Gestion de la trésorerie ? Ou cela intègre-t-il au contraire la jouissance
du bien sur un plan émotionnel ? Le côté vague de la notion a probablement un
rapport direct avec l'énorme score de 92%.
Je vais me cantonner dans cet article à ce qui est mesurable, les aspects
financiers. Ce papier s'adresse en priorité aux primo accédants, puisque nous
sommes certains que ces derniers n'ont pas pu bénéficier d'acquisition
immobilière dans le passé avant bulle immobilière ayant entraînées des
plus-values.
La moyenne des déménagements est de 7 ans. Je vais voir large et prendre 10 ans
pour adoucir la sauce. Je me place dans l'univers POST 2007 sans projeter la
folie de 1998 / 2005 qui est non reproductible dans la décennie à venir, à moins
de croire à un scénario très inflationniste malgré un gros départ démographique
prévu entre 2010 et 2030 à la retraite, phénomène qui est par nature
terriblement déflationniste.
Quand on achète un bien, on doit payer autour de 7% de frais de notaire, qui
sont en fait des impôts pour la majeure partie, mais qu'on met sur le dos des
riches notaires. L'agent immobilier se charge généralement de vous alléger votre
portefeuille d'au moins 4 à 5% de la valeur du bien. Ce qui porte à 11% de la
valeur totale de l'achat, l'argent qui est mis à la poubelle.
Prenons un appartement de 200.000 euros dans la ville de Toulouse au pif.
D'habitude, je prends Rennes, mais aujourd'hui, va pour Toulouse.
Je file sur seloger.com.
Je trouve pour ce budget quelques dizaines d'annonces. Surface du bien : entre
50 et 80m². Partons sur l'idée qu'on peut acheter un appartement de 70m² avec
200.000 euros Frais d'Agence Inclus, donc 214.000 euros avec les frais de
notaire dans un quartier normal sans luxe.
Dix ans de possession immobilière coûte dix ans de taxe foncière : à raison de
750 euros par an, cela donne une nouvelle charge de 7500 euros, donc un coût
total de 221.500 euros.
Je refile sur Seloger.com et j'obtiens qu'on peut louer pour 625 euros par mois
un 70 m².
Le locataire va dépenser et mettre à la poubelle en dix ans 75.000 euros.
L'acquéreur d'un appartement de 70m² va emprunter 214.000 euros. Avec
l'assurance et le reste, voici le tableau basique à horizon 20 ans.
Le montant des intérêts est de 55.500 euros par décennie. Il faut lui rajouter
les 7500 euros de taxe foncière. Soit 63.000 euros au total d'argent dépensé à
la poubelle. La différence en faveur de l'acquisition est bien positive de
12.000 euros.
Mais , maintenant, venons-en aux faits. D'un côté, nous avons un locataire qui
dépense 625 euros par mois contre un propriétaire qui rembourse 1357 euros par
mois. Cela représente un différentiel de 732 euros tous les mois.
Sur une période de 10 ans, ce différentiel se monte à 87.840 euros.
Le locataire encaisse donc sur 10 ans un gain direct de 75.000 euros (il était
négatif de 12.000 euros avant de prendre en compte le différentiel de trésorerie
mensuelle de 625 euros contre 1357 euros de remboursement). S'il s'amuse à
placer son argent, le score dépassera en dix ans les 100.000 euros. De vous à
moi, un épargnant classique se doit de doubler son épargne tous les 10 ans. Mais
je vais me mettre dans la peau des épargnants peu performants. C'est volontaire.
Pour simplifier la démonstration, j'ai enlevé le fait que le loyer était
réévalué chaque année en fonction de l'inflation. Je compense cette
approximation avec le petit +50% en dix ans. De plus, toujours pour simplifier,
j'ai zappé le fait qu'on touche tous les mois et que le capital de 75.000 euros
n'est que partiel pendant les dix ans et effectif qu'à la fin des 10 ans.
100.000 euros représentent la plus-value MINIMALE que le propriétaire doit
encaisser pour compenser ses pertes par rapport à la location. Par rapport à un
investissement de 214.000€, il faut que son bien s'apprécie de +47%, soit 4,7%
en moyenne sur dix ans.
Avec +47% de plus-value, un propriétaire ne gagne pas. Rien du tout. Il fait
juste jeu égal avec le locataire. En revanche, le fait de posséder apporte des
émotions supplémentaires.
j'avais estimé que le montant annuel de plus-value devait être de +4,25% par an.
Sur cet exemple à Toulouse, c'est conforme aux chiffres nationaux, à 0,5% près,
Toulouse vendant assez chèrement ses m² !
Depuis la fin de la bulle immobilière, à part à Paris, les prix sont
parfaitement incapables de grimper sur ce niveau moyen minimal de gains annuels.
En outre, du fait que les prix sont totalement décorrélés des revenus des
Français, la probabilité à horizon 10 ans que nous assistions à une hausse
miracle, est très faible. Il faudrait que les Etats parviennent à fabriquer de
l'inflation, le Japon ayant démontré qu'il n'y parvenait pas malgré des efforts
gigantesques...
Tous les Français qui ont acheté pour ne pas mettre leur argent à la poubelle
depuis 2007, ont encaissé plusieurs années à progression nulle pour la valeur de
leur bien. Autant dire qu'ils ont un prix de revient qui EXIGE désormais une
hausse d'au moins 6% par an. Après le miracle, c'est quoi le mot qui convient ?
Scénario impossible ?
Quand on pense aux millions de propriétaires convaincus qu'étant propriétaires,
ils l'ont joué fine par rapport aux locataires, ignorant totalement la quantité
de pertes qu'ils réalisent par leur choix patrimonial erroné depuis 4 ans...
alors qu'en face, au même moment, des locataires jouissant d'un niveau de vie
largement supérieur, regrettent de ne pas être propriétaires... la situation est
ubuesque !
Si on ajoute qu'on change plusieurs fois de jobs en dix ans et que posséder un
appartement nuit aux carrières professionnelles en sclérosant la mobilité des
personnes, je considère à titre personnel qu'il est parfaitement stupide de se
ruiner à posséder des m² dans cette période de l'histoire où le pouvoir d'achat
immobilier des Français est revenu au niveau de 1912 / 1914.
92% pense à l'envers de cette démonstration financière. C'est encourageant de
savoir qu'au moins 8% des Français ont encore la cervelle alerte et sont
capables de discuter et ne pas se faire piéger par les grandes manipulations
étatiques et commerciales. On ne fait pas la révolution et on ne descend pas
dans la rue quand on possède un bien immobilier qui a exigé 20 ans de sacrifices
financiers...
Oui, posséder une maison est une source assez grande de plaisir, mais il faut
aussi observer quel est le prix de la souffrance des efforts qu'il faut payer
pour accéder à ce plaisir... En ce moment, depuis 2006, le jeu n'en vaut pas la
chandelle. Tous mes amis trentenaires ont plongé dans ce gouffre en m'expliquant
que j'avais tort... tous mes amis trentenaires aujourd'hui sont incapables de se
payer un voyage lointain, tous contents d'être enchaînés pour le meilleur et le
pire à leurs quelques mètres carrés qu'ils possèdent. Alors, ils n'ont plus
comme solution que de se mentir devant leur incapacité financière. Si ce n'est
pas possible financièrement, ce n'est pas parce qu'ils ont fait un mauvais choix
patrimonial et financier, mais parce que l'économie va mal, leurs diplômes ne
sont pas bons, les banquiers volent le peuple.... bref, ce n'est pas leur faute
à eux s'ils ont ruiné pour 20 ans leur budget vacances et liberté dans la
possession immobilière, c'est la faute aux autres, aux Chinois, aux traders, aux
Américains, au pétrole, à l'Euro et à l'Europe... C'est pathétique.
Vous l'aurez compris. Si je le pouvais, je me mettrais en face pour encaisser
l'argent et les efforts de ces dizaines de millions de français qui n'ont qu'une
envie inconsciente destructive, celle de se faire tondre financièrement par le
biais de l'immobilier qui ne fait que monter à long terme... Les banques et
l'Etat français le font avec excellence. Pas un article qui sort dans les médias
en expliquant par A plus B comment on se fait plumer sa vie en achetant un
logement principal. Que de la propagande de masse...
Je fais un rajout, car une erreur est très répandue. Elle consiste à penser
qu'au bout de 20 ans, le propriétaire ne paye plus de remboursement à la banque,
alors que le locataire est lui coincé et continue à sortir de l'argent tous les
mois. C'est totalement faux. Un locataire qui récupère un différentiel de 732
euros par mois pendant 20 ans se retrouve à la tête d'un capital financier qui
au-delà de 20 ans est tout à fait capable de supporter un loyer tout en
continuant à s'apprécier. Je crois que les propriétaires de logement évacuent
l'idée stressante qu'ils auraient pu tous les mois acheter des valeurs de
rendement, voire d'attendre des trous de marché comme je l'ai fait l'an dernier,
pour se charger le portefeuille avec un niveau de rendement de 9% par an à long
terme.
Je crois que peu de personnes se rendent bien compte du pouvoir des intérêts
composés sur une aussi longue période pour un patrimoine financier.
Le seul cas de figure où l'immobilier a le pouvoir de discuter l'option
patrimoine financier, c'est dans une situation d'hyper inflation comme dans les
années 70... où les baby boomers entraient en phase active de la consommation et
du travail. Le Japon et les USA montrent aujourd'hui que l'immense création
monétaire ne parvient qu'à inflater les prix alimentaires et l'énergie. Les prix
qui excluent ces deux secteurs, sont en hausse de 2% après deux gigantesques
plans de monétisation des dettes US. Pas de quoi stimuler une bulle immobilière
et des taux d'intérêts... Donc le scénario d'hyper inflation est très peu
probable à l'avenir, limitant sérieusement la possibilité de gagner
financièrement pour les propriétaires par rapport aux locataires. Mais en toute
honnêteté, une hyper inflation est favorable à l'immobilier et très défavorable
aux actions / dividendes. Si elle a lieu et surtout, si elle dure, les
locataires perdront le match, à moins qu'ils parviennent à gérer correctement
leur épargne en basculant sur des supports adéquats.
Enfin, dernière précision, je ne suis pas anti propriétaire. Je prétends juste
qu'il y a des cycles et que depuis 2007, ils sont défavorables à l'achat. Tous
ceux qui ont eu la chance d'acheter dans les années 90 ont réalisé de juteuses
opérations immobilières. Un jour, dans l'avenir, il sera temps à nouveau de
posséder. Et je changerais mon discours.
Quant à la durée de détention, de 10 ans, de 20 ou de 30 ans, elle n'impacte pas
le débat. J'affirme juste qu'il est suicidaire d'acheter et d'abandonner son
bien sur une courte période inférieure à dix ans. C'est la ruine de plusieurs
années de salaires...
Enfin, et surtout, l'immobilier n'est pas un marché centralisé. Je ne doute pas
que certains, vivant au bon endroit, avec un ratio correct entre le prix des m²
loués ou achetés, parviendront à tirer leur épingle du jeu en tant que
propriétaire.