Demain, le trading gratuit pour tous ?

Gijs NAGEL, le fondateur de DEGIRO, le dernier né des courtiers en ligne en Europe (2008), a publié une tribune intéressante sur l'avenir du trading. Vous en retrouverez le texte en intégralité ci-dessous.

La révolution du trading gratuit : Mais qu’attendons-nous?

Uber, Airbnb, Spotify. Ils ont tous profondément modifié le fonctionnement de leurs industries respectives et n’ont laissé que deux options aux géants historiques : s’adapter ou capituler. L’histoire est écrite par les vainqueurs et, quand s’estompe la poussière de la bataille, l’ancien régime est rarement regretté.

Honnêtement, qui préfère les walkmans et les minidisques?

Et à qui cela va-t-il manquer de payer des frais de courtage inutiles et anormalement élevés? Personne. Donc, le jour où les investisseurs en ligne diront «assez» et exigeront une révolution du trading gratuit, quel regard porterons-nous sur l’industrie de l’investissement en ligne actuelle? Très probablement un regard méprisant car trop cher, inaccessible et dépassée.

Aujourd’hui, les investisseurs individuels payent pour le droit d’accéder aux bourses en ligne via un système de frais complexe et opaque. Certains sont justifiables, d’autres non. Le fait est que le trading et l’investissement en ligne pourraient devenir moins chers et plus justes en opérant un simple changement : supprimer les frais de courtage et rendre le trading gratuit.

Ce n’est pas impossible. En 1994, la première agence de voyage en ligne est créée. La même année, les premières plateformes de trading en ligne sont lancées. En 1996, Booking.com avait déjà transformé l’industrie du voyage en rendant l’accès au voyage gratuit. Pour l’investissement en ligne, nous attendons toujours. Mais le jour où cela arrivera, personne ne pourra l’arrêter.

Comment cela est-il possible? Les marchés financiers ne sont pas des organismes de bienfaisance et ceux qui fournissent l’accès à ces marchés méritent de pouvoir faire des profits, tout autant que leurs clients. Mais il y a une réponse à cette question. Elle est là, à portée de main, nous la voyons tous les jours, dans la rue, sur internet, devant notre télévision : la publicité.

Pensez Spotify, qui a révolutionné l’industrie de la musique en offrant la possibilité à ses utilisateurs d’accéder et d’utiliser ses services gratuitement, en contrepartie de quelques secondes de publicité, plutôt que de mettre la main à la poche. A présent, il existe deux modèles économiques pour accéder à la musique, un gratuit avec de la publicité et un payant sans publicité (avec quelques fonctionnalités en option). Pourquoi ne pas appliquer ce modèle au trading ?

Après tout, les traders et les investisseurs de cette génération sont très recherchés. Par définition, ils ont des revenus disponibles et, sont susceptibles d’avoir un haut niveau de formation et d’être sensibles aux améliorations technologiques. Par conséquent, ils constituent une parfaite audience pour les marques haut de gamme, dont les investissements publicitaires sont conséquents.

Les sociétés de services financiers peuvent elles-aussi bénéficier de l’accès à cette génération d’individus qui passent un temps certain devant leurs écrans. Imaginez comment les émetteurs de fonds, d’ETFs et d’autres produits financiers pourraient optimiser leurs budgets publicitaires s’ils pouvaient cibler par appétit au risque, comportement précédent ou habitudes d’investissement, directement depuis une plateforme de trading ou un portail d’investissement. Ces sociétés pourraient ainsi cibler les bonnes personnes, au bon moment, avec des produits qui correspondent à leurs stratégies d’investissement plutôt que de financer des campagnes publicitaires hors de prix au retour sur investissement incertain.

Toutefois, cette révolution n’est pas « Big Brother ». Pour la mener à bien, il est nécessaire de faire de la sécurité des données personnelles et de la confidentialité, une priorité absolue. C’est une situation gagnant-gagnant. Les institutions financières obtiennent un meilleur retour sur leurs investissements publicitaires en commercialisant leurs produits au bon public, et les investisseurs accèdent gratuitement aux marchés financiers.

Bien sûr, des coûts moindres sont souvent associés à une diminution de la qualité. Tout le monde connaît le journal local gratuit, riche en publicité, pauvre en nouvelles. Mais basculer vers un modèle publicitaire ne change pas la manière dont on accède aux marchés financiers. Cela permet juste de faire ce que Booking.com a fait aux agents de voyage : proposer le même service gratuitement car il n’y avait plus de raison que cela ne le soit pas.

C’est ça le futur. Et ce n’est pas seulement bénéfique pour les investisseurs, ça l’est aussi pour les courtiers. Un meilleur service, moins cher, permettrait d’attirer de nouveaux investisseurs en ligne, et donc de générer plus d’activité.

En effet, certains courtiers ont déjà fait d’importants efforts pour rendre le trading et l’investissement moins cher pour leurs clients. Mais tous devraient se ranger derrière cette mouvance du trading gratuit et faire ainsi pression pour un meilleur service pour eux, et pour leurs clients.

En outre, ceux situés de l’autre côté de la table des négociations ne perdront pas non plus. La pression tarifaire exercée sur les fournisseurs de services sera compensée par une meilleure allocation de leur budget marketing.

Donc, le modèle du trading gratuit profite à tous. Il offre un accès gratuit aux marchés pour les investisseurs, un accès à une audience ciblée pour les publicitaires et, un nouvel accès à des frais réduits et plus d’utilisateurs pour les courtiers. Les seuls perdants ici ? Les courtiers traditionnels qui refuseront de s’adapter.

La révolution arrive, elle est en chemin. Le trading va devenir gratuit et quand il le sera, il ne s’agira que du début. Alors, comment jugerons-nous le modèle d’investissement en ligne traditionnel depuis l’autre côté ? Seul le temps le dira, mais probablement pas gentiment.

Gijs NAGEL
fondateur de DEGIRO