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Investir dans les banques : bonne ou mauvaise idée pour se protéger contre l'inflation ?

Par Sovanna Sek, le 13/10/2022

Sovanna Sek

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Alors que nous sommes passés d'une ère déflationniste à un contexte inflationniste, les banques ont repris des couleurs sur le plan boursier depuis leurs points bas de mars-avril 2020. Néanmoins, cela reste relatif d'un continent à un autre. Car en Europe, BNP Paribas, ING Group, HSBC et consorts peinent à redorer leur blason depuis l'éclatement de la bulle des subprimes. Alors qu'aux États-Unis mis à part Wells Fargo et Bank of America, les grands mastodontes enchaînent des plus hauts historiques.

Sauf qu'à présent, les craintes inflationnistes amplifiées par la crise géopolitique Russie-Ukraine ont stoppé leur dynamique haussière. De ce fait, les banques européennes et américaines se retrouvent sous pression. Une majorité d'entre elles se cotent sous les niveaux d'avant-Covid. Mais d'un autre côté, leurs valorisations attractives avec des niveaux de capitaux propres renforcés, resteraient porteuses à un investissement pour se protéger contre l'inflation.

C'est ce que je vais essayer de vous décortiquer. Histoire de savoir si investir dans les banques représenterait une bonne alternative avec les matières premières et l'immobilier coté dans ce nouveau paradigme économique et monétaire. Ou bien cela s'avèrerait une fausse bonne idée.

La hausse des taux d'intérêt, vraiment un facteur favorable ?

On nous vend souvent que la hausse des taux d'intérêt profite aux banques. Elles gagnent sur les prêts facturés à des taux d'intérêt plus élevés à ce qu'elles rémunèrent à ses clients. Si la FED monte les Fed Fund (ou taux directeurs), c'est tout bon pour JP Morgan, Wells Fargo, Bank of America et les banques régionales de l'Oncle Sam. Toutefois, cela fonctionne dans un environnement économique sain à condition que les taux d'intérêt augmentent graduellement.

Car lorsque les taux d'intérêt galopent à vitesse grand V comme c'est le cas en cette année 2022, les banques voient leurs coûts de financement augmenter plus rapidement que leurs marges réalisées sur les prêts. D'autre part, elles doivent être attentives au risque de crédit si des ménages et des entreprises ont souscrit des prêts à taux variables.

Si nous restons dans un environnement de taux élevés avec le spectre d'une inflation durable, même les banques ayant privilégié les coûts d'intérêt fixes, devraient se refinancer aux taux élevés en vigueur. Et de facto, cela dégraderait leur bilan d'actifs majoritairement exposé en obligations.

En somme, investir dans les banques pour profiter d'un cycle de hausse de taux requiert un juste équilibre qui demeure fragile par les temps qui courent. D'où l'importance de surveiller l'écart entre les taux directeurs et l'inflation. Force est de constater que nous en sommes loin tant en Amérique du Nord qu'en Europe au moment de la rédaction.

Fortunes diverses dans les années 1970

Lors des années 1970 marquées par une stagflation mélangeant entre croissance faible et inflation élevée, la finance avait bien performé à cette époque avec l'énergie et les REIT (ou l'immobilier coté). Sauf qu'en regardant entre les lignes, les fortunes étaient diverses chez les banques traditionnelles. Et si je me réfère aux deux graphiques ci-dessous, il valait mieux investir dans les compagnies d'assurance (Aflac) et les banques régionales (US Bancorp).

aflac

Evolution du cours de l'action Aflac 1973-1982

bancorp

Evolution du cours de l'action US Bancorp 1972-1983

À l'inverse, investir dans JP Morgan ou Bank of America durant cette période ne fut pas couronné de succès. Il fallait attendre les années 1980 pour que les investisseurs retrouvent leur mise de départ.

jp morgan

Evolution du cours de l'action JP Morgan 1969-1981

bank of america

Evolution du cours de l'action Bank of America 1972-1983

Vous vous demandez pourquoi une telle divergence de performances entre les différents sous-secteurs de la finance. En réalité, cela s'explique par le dérapage de l'inflation aux Etats-Unis en 1974-1975 et 1979-1981. Une inflation élevée peut affecter négativement la valeur des actifs détenues par les banques, si la Fed la considère comme une menace. Tandis que les services financiers bénéficient d'un certain pricing power pour préserver leurs marges sur des produits de première nécessité comme l'assurance habitation, de santé et automobile.

En ce sens, ce n'est pas parce que la finance se comporte bien en période d'inflation qu'il faut foncer tête baissée sur n'importe quelle valeur du secteur. La preuve en est que les banques et même les compagnies d'assurance souffrent actuellement en 2022. D'autant qu'elles peinent à encaisser l'impact brutal de la hausse des taux. Et pour cause, cela ressent sur leurs performances boursières.

Ce qu'il faut retenir

Investir dans les banques nécessite un parfait alignement des planètes pour que ça soit une bonne idée d'investissement. Non seulement, cela vaudrait la peine si les taux montaient crescendo. Mais à la condition sine qua non que de l'autre côté, l'inflation serait gérable. Malheureusement, c'est le contraire qui se passe actuellement si bien que nous assistons à un cycle de hausse de taux le plus rapide de l'histoire depuis le début des années 1980. Et à partir de constat, la question que nous devrions se poser dans un futur proche ne serait pas quand acheter de nouveau les banques, mais plutôt sur leur exposition sur les obligations et les produits dérivés de taux.

taux fed

Historique de la vitesse des dernières hausses de taux de la FED (Source Visual Capitalist)

Le moins que nous puissions dire est que leurs ratios Core Tier 1 que bon nombre d'experts de marchés financiers les revendiquent comme solides des deux cotés de l'Atlantique, pourraient avoir du plomb dans l'aile. En effet, les obligations considérées comme des actifs sans risque, risqueraient de perdre cette réputation construite depuis plusieurs décennies. D'autant plus que les banques en détiennent majoritairement dans leur bilan.

Ainsi, leur rentabilité se dégraderait plus que nous l'aurions pensé si les taux obligataires venaient à remonter sur des niveaux depuis le milieu des années 2000 en plus d'une inflation susceptible d'être anxiogène. Ce qui n'arrangerait pas les affaires du secteur public et privé lourdement endettés. Avec un coût de capital qui se renchérirait dans un contexte de récession, il faudrait s'attendre à une contraction du volume de crédits octroyés. Sans compter qu'un enlisement du bear market sur les indices actions signifierait moins de commissions à la clé. Ce qui constituerait une double peine pour les banques universelles, plus particulièrement chez BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole.

En conclusion, si vous voulez mon avis, il est impensable que j'en détienne dans mes portefeuilles en dépit de leur rendement soi-disant alléchant. La réalité que les banques n'ont fait que déplacer le problème des subprimes pour en créer d'autres. À votre place, je préférerais rester à l'écart et me réfugier sur des secteurs à forte visibilité comme la consommation défensive et la santé. Mais si vous souhaitez avoir des actions bancaires, faites-le sous un angle tactique et non dans une projection du type Buy & Hold.


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