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Je suis sidéré par les monceaux de commentaires ahurissants autour de la
faillite de Dexia, de son prétendu sauvetage en 2008, du soi-disant sauvetage de
ses créanciers maintenant, et de l'absence de contradiction apportée par la
presse aux cuistres qui nous expliquent que ce n'est qu'un petit accident de
rien du tout, que la nationalisation va tout arranger, etc...
Flashback
En 2008, Dexia est en quasi faillite. Les états franco-belges injectent 6,4
milliards d'euros pompés à crédit sur leurs contribuables, et 150 milliards de
garanties diverses. Ils nous annoncent tout fiérots que Dexia est sauvée, que
les collectivités auront toujours leur banque de prêts, que la reprise va
revenir, que tout va bien.
"Zéro Stress"
Juillet 2011 : Dexia réussit les "stress test" - Zéro stress, tout va bien.
Octobre 2011 : Dexia est en faillite. La blague du moment : "Dexia, la
banque qui a tout raté, sauf les stress tests !"
Malgré plus de 70 milliards de cessions d'actifs entre 2008 et 2010 - une bonne
action du management, mais totalement insuffisante par rapport aux pertes sur
les investissements accumulées pendant les années bulle -, le bilan est encore
gorgé de 120 milliards d'actifs de qualité dégradée, selon la presse, pour 577
milliards de bilan total au 31/12/2010. Avec 12 milliards de fonds propres (cf.
rapport Dexia 2010, PDF) pour 577 milliards de bilan à cette date, personne
n'a trouvé que le niveau des fonds propres (2,11%) risquait d'être insuffisant
en cas d'incertitudes sur certaines classes d'actifs. Et les "stress testeurs"
ont trouvé la banque en pleine forme.
Incompétents ou menteurs ?
Rappelons une fois encore qu'en 2008, les gouvernants nous ont fait croire que 6
milliards suffiraient à sauver une banque qui avait 120 milliards de cadavres
potentiels dans son bilan. Ils nous ont juré, la main sur le coeur, que le
contribuable, à long terme, ferait une bonne affaire, que dès que la confiance
serait revenue sur les marchés, les 6 milliards de participation en vaudraient
bien plus.
Et bien, aujourd'hui, ils affirment qu'à long terme, les actifs pourris qui
seront placés dans une structure de "défaisance" retrouveront des couleurs et
que le contribuable ne sera pas lésé. Pensez donc... 92% des placements
cantonnés dans la "bad bank" sont "investment grade", c'est à dire éligibles au
portefeuille des institutions les plus réglementées. A peine 10 milliards de
pertes tout de suite, et à terme, on vous le dit, l'état fe-ra-des-bé-né-fices.
Un peu comme les 6 milliards d'il y a trois ans, quoi... Qui en valent,
aujourd'hui, euh...
Mais "ayez confiaaaance", l'état contrôle la situation. Mais non, il n'a pas
fait preuve d'incompétence crasse en 2008. C'est juste que... euh... Ah oui,
"les conditions ont changé, l'économie n'est plus la même"... Effectivement, le
pourcentage des dettes publiques a explosé un peu partout. Nos politiciens
sont-ils seulement des incompétents adeptes de l'auto persuasion, ou pire ?
Comment peuvent-ils dire que "l'économie a changé" sans admettre qu'ils en sont
la cause directe ?
Les créanciers doivent manger leur chapeau
Notre ministre des finances (avec son collègue Belge, M. Reynders) a claironné
que tant les créanciers que les déposants de Dexia seraient garantis. Là, je
pouffe, ou je hurle, selon mon humeur. Car à de tels niveaux de pertes, il est
évident que, sauf intervention du con-tribuable, les deux ne peuvent être
garantis. L'état va donc augmenter notre dette de quelques milliards, et plus
probablement quelques dizaines, pour renflouer Dexia... au lieu de forcer une
recapitalisation par "debt to equity swap", ou encore de liquider la banque
selon la méthode "serbe"
exposée ici même.
Car, oui, au risque d'avoir l'air de me répéter, des solutions existent, qui
permettent de solder les comptes des mauvaises banques sans accomplir d'acte
contre-nature vis à vis du séant des contribuables.
Dans le cas de l'échange "dette contre capital", la banque est recapitalisée par
les créanciers, qui voient leurs créances converties en actions. Si la rupture
de flux financiers induits par le "swap" met à son tour en faillite le créancier
(on ne sait jamais), on lui applique le traitement, et ainsi de suite.
Dans le second (méthode "Dinkic"),
la banque est liquidée, la vente des actifs garantit les dépôts, qui sont
transférés vers d'autres banques au choix des déposants, la banque centrale
assurant la liquidité (mais pas la solvabilité) pendant la période transitoire
de 6 mois. Mais les créanciers, eux, ne touchent que le reliquat de la
liquidation, si reliquat il y a. Deux grandes banques (à l'échelle du pays)
serbes et une grande banque Slovaque furent liquidées ainsi au tournant du
millénaire, sans panique, sans effet domino ou crise systémique.
Outre qu'il est immoral que des créanciers qui ont pris de mauvaises décisions
d'investissement soient sauvés par des contribuables qui n'y sont pour rien
-mais la morale, de nos jours, aucun politicien ne sait ce que c'est ! - sauver
les banques en endettant les états est la pire des façons d'utiliser l'épargne
des français : l'argent ainsi pris aux forces vives de la nation manque
cruellement pour fournir de la ressource financière aux entreprises nouvelles ou
moyennes, celles dont la capacité d'innovation pourrait apporter aux économies
les gains de productivité dont elle a besoin pour surmonter sa montagne de
dettes.
Ultime preuve d'incompétence
Ceux qui ont juré que le sauvetage des banques en 2008 était indispensable, nous
ont affirmé que cela était le seul moyen de faire en sorte que les banques
continuent de prêter. C'était la condition indispensable, nous disaient-ils,
pour éviter un "credit crunch".
Hélas, trois ans après, et comme je l'avais expliqué à l'époque, le crédit aux
PME se tarit : Eurostat, cité par contrepoints, nous apprend que dans 19 pays
sur 20, le pourcentage de prêts refusés aux PME ou de prêts seulement
partiellement octroyés est en hausse parfois sensible. Pas étonnant : les
banques ont engrangé des pertes, leurs fonds propres sont impactés négativement,
et donc elles doivent impérativement réduire leur effet de levier, et ce, aussi
bien du fait des normes Bâle III que du simple bon sens.
Une fois de plus, les milliards du contribuable n'ont pas amené les effets que
nos gouvernants avaient annoncé. Alors quand ils parlent de "trouver une
solution", vous les croyez encore ?
Dexia fois 21 égale ???
Mais quand un remède ne fonctionne pas, tout docteur Knock vous le dira, il faut
augmenter la dose. Mardi dernier, Joaquim Almunia, le bras droit de Jose Manuel
Barroso, a annoncé dans un discours qui restera sans doute un modèle de grand "foutage
de gueule" politicien, que l'Europe étudiait un plan de "recapitalisation" de 21
banques, nombre susceptible de croitre le cas échéant. Recapitalisation est en
l'occurrence une façon élégante de ne pas prononcer le mot de "nationalisation".
Autrement dit, votre argent servira à sauver les petites fesses rondes de
banquiers et financiers bien dodus, qui n'assumeront que très légèrement à vos
dépens les conséquences de leur incurie.
La fin du discours d'Almunia est à peine croyable :
"And in the meantime, let's hope that markets will calm down ; that banks will
resume lending to the real economy ; that growth will take again a sustainable
path ; that new jobs will be created again ; and that the taxpayers will recover
the resources they have been obliged to put on the table to prevent an even
worse crisis."
"Et pendant ce temps, espérons que les marchés vont revenir au calme, que les
banques vont recommencer à prêter à l'économie réelle, que la croissance va
reprendre un chemin durable, que de nouveaux emplois seront créés, et que les
contribuables vont récupérer les ressources qu'ils ont été obligés (! !!) de
mettre sur la table pour empêcher une crise encore pire"
"Espérons" ! Ces gens ne font plus qu'espérer un miracle, et nous parlent d'un
retour à la confiance de l'économie alors qu'ils prétendent soigner un mal de
dette par plus de dettes, et allouer nos ressources en voie de raréfaction aux
agents économiques les plus nullissimes !
Multiplier l'endettement pour payer les dettes...
Et pour ce faire, ils envisagent... de transformer l'EFSF en banque européenne
avec un effet de levier de 4 à 5 ! C'est à dire que forts de la garantie de
l'Allemagne, nos eurocrates envisagent d'émettre plus de 1000 milliards d'Euros
d'obligations de l'EFSF, qui renflouera les 21 Dexia, et les états souverains en
difficulté.
Les bras m'en tombent. Ces idiots espèrent qu'un machin dont l'objectif est de
ramasser les créances les plus pourries de l'union européenne, les "subprimes de
la dette souveraine", ou de rentrer au capital de banques exsangues, sera
capable de générer assez de cash pour rembourser toutes les dettes qu'elle aura
souscrites... Et dont les "fonds propres" de 440 milliards auront été constitués
grâce à de nouvelles dettes des états membres !
Bref, les pertes de l'EFSF « leveragé » iront grossir l'ardoise des
contribuables d'Europe.
A vos mouchoirs ! Ceux qui nous gouvernent prouvent chaque jour que ceux qui les
conseillent ne comprennent rien à l'économie, mais persistent aveuglément dans
l'erreur, nous entrainant vers la ruine aussi sûrement que le capitaine du
Titanic vers le naufrage.
"La législation peut nous aider à atteindre ces deux objectifs, mais elle doit
avoir conscience de ses limites. Tout d’abord, les entreprises doivent être
incitées à avoir des pratiques raisonnables. La meilleure motivation est de
rendre possible la faillite. Nous avons donc besoin d’un système de liquidation
des entreprises financières rapide et efficace."