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Le Trading de news, un exercice d’expert

Par Traders mag;

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Vous aurez probablement souvent entendu cette expression, trading de news ou trading de statistiques, terme utilisé par les traders officiant sur le forex. De quoi s’agit-il exactement ? Il convient de revenir sur l’un des éléments structurels même du marché du forex. Si sur le marché actions, ce sont les chiffres d’une entreprise qui sont analysés pour valoriser l’entité, sur le forex, ce sont les chiffres statistiques attenants à une économie qui sont analysés et qui provoquent une revalorisation de la devise à court ou moyen terme dépendamment de l’importance de la statistique.

Lorsque l’on trade la statistique, les intervenants ont souvent en tête une réaction logique : une bonne performance économique aura pour effet de renforcer la devise en question, et inversement lorsque le chiffre est en baisse. Or ce raisonnement certes logique peut conduire à une mauvaise interprétation, car les marchés ont une nature changeante et la crise de 2008 les aura fait entrer dans une nouvelle ère avec un interventionnisme exacerbé et une baisse drastique des taux d’intérêt des banques centrales.

En effet, il faut toujours relier deux volets essentiels du marché ; si la statistique en appelle à un facteur fondamental du marché et d’une devise, il faut y adosser le facteur psychologique qui lui se décline sous deux tons, l’appétit pour le risque et son opposé, l’aversion pour le risque.

Comment analyser une statistique économique ?

Il faut d’abord aborder le volet fondamental de la statistique en analysant le chiffre publié par rapport au consensus publié au préalable sur la majorité des calendriers et également par rapport au chiffre précédent. Un chiffre supérieur au consensus et/ou précédent appellera à un achat de la devise concernée. Si le chiffre est inférieur au consensus, la devise s’en retrouvera dépréciée car les positions acheteuses des intervenants seront coupées, et certains n’hésiteront pas à passer vendeur car l’économie aura montré des signes de faiblesses ou ralentissement. Il arrive qu’un chiffre économique soit anticipé et que la devise s’apprécie avant la publication car les traders auront anticipé un bon chiffre ; c’est lors de ce genre de situation que l’on utilise la maxime « acheter la rumeur et vendre la news ».

Dans ce cas, un bon chiffre économique ne créera pas de fortes impulsions à la hausse car la bonne performance économique aura été intégrée dans les cours et les traders qui auront bien anticipé clôtureront leurs positions acheteuses ; on retrouve également ce genre de configuration lorsque le chiffre est légèrement différent de ce qui était attendu, le statut quo laissant place à des prises de bénéfices créant un repli.

Le second volet de l’analyse a attrait au facteur psychologique du marché se déclinant autour de deux termes communément appelé « appétit pour le risque » et « aversion pour le risque ». Le premier est un signe de confiance des opérateurs tandis que son inverse appelle à une frilosité voire une peur de la situation économique actuelle. S’en suit le classement des actifs par panier, les actifs refuge étant privilégiés lorsque la peur s’empare des marchés ; les autres actifs dits risqués quant à eux auront tendance à s’apprécier lorsque la confiance est présente sur les marchés. On retient principalement comme actifs refuge, le dollar américain, le yen japonais et le Franc suisse. Les autres devises que sont l’Euro, la Livre Sterling, les dollars canadiens, australiens et néo zélandais étant quant à eux des actifs dits risqués.

Il est possible de mesurer l’appétit ou l’aversion au risque (la confiance ou la frilosité) au travers de divers indicateurs comme le VIX, le TED spread ou encore plus simplement par les indices américains. Ainsi, des indices US en hausse sont le reflet d’un sentiment optimiste des opérateurs, ce qui invite à une prise de risque supérieure ; inversement, lorsque la peur s’empare des marchés, les intervenants sont moins enclins à prendre des risques et ceux-ci se dirigent instinctivement vers les actifs refuges. Il est important d’étudier cet aspect du trading car lors des périodes de forte aversion au risque, une bonne statistique peut ne pas créer un renversement de vapeur et conduire à la poursuite de la baisse.

Quels actifs trader ?

Le poids des marchés américains, la puissance de l’économie américaine, et le statut de devise mondiale de réserve du dollar américain (qui est de ce fait très liquide) ont fait des statistiques américaines les plus importantes, la majorité des mouvements étant faits par rapport au dollar américain. Il convient donc de privilégier des paires qui comportent un actif risqué et le billet vert refuge, c'est-à-dire des actifs tels que l’EUR/USD, GBP/USD, AUD/USD, NZD/USD, USD/CAD. On mettra de côté des paires qui comportent deux actifs de même classe car les oscillations à l’issue de la publication du chiffre sont moins franches (exemple USD/JPY, AUD/NZD...). Les indices et les matières premières inversement corrélées au dollar sont également indiqués pour ce type d’annonces dans la mesure où les mouvements sur le billet vert auront forcément un impact sur ces actifs.

On peut ainsi résumer en plusieurs étapes ce dont il faudra s’assurer dans une checklist avant de trader une statistique :

- Prendre connaissance du consensus du marché et du chiffre précédent
- Jauger le sentiment de risque ambiant au travers des indices US.
- Prendre connaissance de la tendance de l’actif
- Déterminer l’actif à trader, sachant que la diversification est un outil fabuleux pour le trader. Cette étape est importante car dans le cas d’un consensus et d’une configuration haussière, on aura tendance à privilégier des actifs robustes comme les dollars des antipodes ou les indices US, tandis que dans le cas d’un consensus appelant à une baisse, on s’attardera sur des actifs en sous-performance (cas actuel de l’euro).
- La dernière étape a attrait à une part de subjectivité du trader, celui-ci déterminant des bornes de statu quo vis-à-vis de la publication.

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Quelles sont les statistiques à trader ?

Comme indiqué plus haut, les statistiques américaines restent les plus importantes compte tenu du poids de ces marchés dans les échanges mondiaux, et de ce fait influencent l’ensemble des actifs du forex. Mais en parallèle chaque devise est impactée par les statistiques attenantes à son économie nationale ou régionale. Une particularité pour la monnaie unique qui sera sensible principalement aux chiffres de la Zone Euro dans son ensemble et de l’Allemagne dans la mesure où c’est la plus grande économie de la Zone.

Depuis la montée en force de l’économie chinoise et de sa part dans la croissance mondiale, les statistiques de l’empire du milieu prennent une part croissante dans les échanges ; l’économie mondiale reste en convalescence depuis 2008, et les signes de ralentissement en Chine ont souvent tendance à déclencher des vagues d’aversion au risque plus ou moins grandes. Il est possible de ranger les statistiques en plusieurs groupes quelle que soit la zone géographique concernée.

1. Les chiffres de croissance

- Le PIB reste l’une des meilleures mesures de croissance économique. Ainsi un PIB positif et en hausse entrainera une appréciation de la devise en question. Lorsqu’il s’agit du PIB américain, la structure actuelle des marchés fait monter l’ensemble des actifs risqués, poussés par les indices US au détriment du dollar américain. Ce PIB est publié de façon trimestrielle et a une incidence sur la majorité des paires en dollars. Il est possible de trader le PIB de la Zone Euro ou celui de l’Allemagne.

- Les chiffres du chômage font également partie des statistiques tradées. Le premier vendredi de tous les mois, les traders sont à l’affût du NFP, représentant les créations d’emplois non agricoles aux USA. C’est de loin l’un des chiffres les plus importants des marchés financiers et la volatilité à l’issue de la publication, du rapport est relativement grande. Si le taux de chômage est également affiché à cette occasion, c’est le chiffre NFP qui est le plus regardé. Il est généralement anticipé à partir du chiffre ADP publié le mercredi précédent, chiffre qui représente les créations d’emplois dans le secteur privé uniquement ; ainsi un chiffre ADP en bonne performance fera spéculer les opérateurs sur un NFP dans la même lignée. On peut trader les chiffres du chômage d’autres pays également, notamment ceux des pays des antipodes et de l’Angleterre ; quant à la Zone Euro, ce sont les chiffres allemands qui sont tradés.

- L’Indice des prix à la consommation, l’inflation fait également partie des chiffres de croissance créant des mouvements sur les marchés, dans la mesure où c’est un agrégat qui sert à l’ajustement de la politique monétaire. En ce qui concerne son interprétation, cela dépend de la situation de chaque région. Pour les Etats Unis par exemple, le pays faisant face à un risque de déflation, la montée des prix à la consommation est un signe de bon fonctionnement de la politique monétaire et a tendance à réduire la spéculation sur un assouplissement quantitatif, provoquant ainsi une baisse des indices et une montée du dollar.

- Les commandes de biens durables et les ventes au détail aux USA, la croissance américaine étant en majeure partie composée de consommation. C’est d’ailleurs le fait que les USA soient le plus grand marché de consommation au monde qui explique en partie la prépondérances des chiffres de son économie sur celles du reste du monde. A noter que les ventes au détail sont un agrégat étudié en Angleterre.

- Les indices de confiance des consommateurs, sachant que l’interprétation autour de ce chiffre est que des consommateurs en confiance attiseront la croissance économique et de ce fait l’appréciation de la devise ; une frilosité des consommateurs invite inversement à un pessimisme et à des échanges dirigés vers les actifs refuge.

2. Le ZEW, l’IFO et l’ISM

- L’indice ZEW ou IFO sont des indices compilés en Allemagne après des interviews auprès d’experts et entreprises pour connaitre leur évaluation de l’économie en Allemagne. Ces deux publications ne concernent que la monnaie unique et ces enquêtes ont pour but d’avoir une idée du sentiment des entreprises, sachant que celles-ci seront moins enclines à prendre des risques si elles anticipent un ralentissement économique. Ces deux enquêtes ZEW et IFO ont tendance à avoir moins d’impact ces dernières années, en raison de nombreux autres facteurs qui se sont intégrés dans les échanges de la monnaie unique.

- L’ISM des secteurs manufacturiers et non manufacturiers ne concernent quant à elle que les USA. La plus importante est celle qui concerne le secteur manufacturier.

3. Les décisions de politique monétaire

S’il y a bien un type de statistiques difficiles à trader c’est bien celles-ci ; la crise des marchés a accentué l’importance des actions des officiels des banques centrales. On peut décliner ce dernier type d’évènements sous divers volets :

- Les actions sur les taux d’intérêt : une hausse de taux a pour effet d’apprécier la devise et l’inverse est vrai. Si le taux d’intérêt de référence de la banque centrale est abaissé, la devise est de façon automatique dépréciée.

- Le QE ou Quantitative Easing : terme contemporain de plus en plus récurrent, il s’agit de l’acronyme anglais désignant la planche à billets. On peut assimiler cette action de banque centrale à une baisse de taux. La dernière crise financière a rendu populaire cette façon de procéder par les banques centrales, la Réserve Fédérale américaine étant la championne des banques centrales majeures à imprimer de la monnaie. Cette manœuvre de politique monétaire a donc pour effet de doper les indices et de dévaloriser la devise sur laquelle est appliquée cette décision.

- Les interventions de banque centrale : Elles concernent principalement la Banque du Japon et la Banque Nationale Suisse. Ces deux banques centrales sont particulièrement attentives à la valeur de leur devise et il arrive qu’elles interviennent sur le marché des devises pour ajuster leur monnaie dans des bornes qui leur conviennent. Une intervention est toujours une surprise, n’est jamais planifiée à l’avance. Mais il existe des repères pour les traders qui veulent jouer ce type d’intervention, sachant que le sens de l’intervention est toujours connu ; le Japon, gros pays exportateur voit d’un mauvais la forte appréciation du yen qui pénalise les échanges et a tendance à intervenir lorsque le taux de change USD/JPY se rapproche dangereusement des plus bas historiques.

Quant à la BNS, après un seuil plancher à 1.50 (appelé la ligne dans le sable) sur la paire EUR/CHF, celle-ci a désormais indiqué un seuil plancher à 1.20 CHF, ce qui ouvre la voie à une intervention de la BNS chaque fois que la paire EURCHF passera sous cette région.

4. Les rumeurs

C’est un autre facteur inhérent au trading mais complexe à gérer ; bien que le coté imprévisible de ce facteur limite son intégration dans le trading, l’adosser à l’étude du sentiment de marché et des tendances en place permet de mieux éviter les pièges du marché. Ne pas oublier la maxime acheter la rumeur et vendre la news.

Tous ces aspects mettent bien en avant l’exercice difficile que constitue le trading de statistiques. C’est un aspect du trading réservé aux scalpeurs et traders expérimentés, mais qui offre la possibilité à ceux qui le souhaitent de mieux appréhender les mécanismes de marché et détecter les pièges.


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