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Apple défie la gravitation. Et si Newton s'était trompé ?

Par Samuel Rondot

samuel rondot

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En ce début 2012, nous assistons à la remise en question de la loi sur la gravité de Newton. La pomme ne tombe pas de l'arbre attirée par les forces de la gravitation, elle s'envole vers le ciel sans que personne ne puisse déterminer de limites.

Le titre Apple est en hausse de 48 % depuis le 1er janvier. Il a doublé depuis son introduction. Vous allez me dire que ce n'est pas si extraordinaire que ça... Sauf qu'on ne parle pas d'une vulgaire start-up introduite pour lever des fonds.
 
On parle d'une société :

-> qui a été introduite pour une valorisation juste en dessous de 280 milliards de dollars.
-> qui dépasse de 25 % en capitalisation son challenger dans la liste des plus grosses sociétés au monde (Exxon est second).
-> qui a décidé d'annoncer il y a quelques jours le versement de dividende (le second plus gros de l'histoire pour presque 10 milliards de dollars).
-> qui a contribué cette année de 10 % à la progression du SP à elle toute seule, de 25 % de l'indice SP techno.
-> qui a dépassé 500 milliards de capitalisation et il n'y a eu que cinq sociétés dans toute l'histoire des Bourses (Microsoft, GE, Intel, Cisco, Exxon) qui ont agi de même.

Attardons-nous quelques instants sur les raisons qui font que la pomme défie aussi facilement la gravité.
 
Outre ses bonnes performances d'entreprise que les niveaux de valorisation actuels reflètent, il y a au moins deux raisons techniques qu'il faut avoir à l'esprit.
 
1/ Le SP500, qui sert de repère à la plupart des grands gérants de la planète, est un indice pondéré. Ça veut dire que les titres qui le composent ont un poids dans le calcul de cet indice. Ça veut dire aussi que lorsqu'un gérant essaie de suivre cet indice, il doit composer un portefeuille qui reflète cet indice et donc reflète le poids des valeurs dans cet indice.

Avec un poids actuel de 4,2 % dans l'indice SP500, ça veut dire que tous les gérants dont on va étudier la performance au regard de la Bourse ont plus qu'intérêt à se forcer à avoir cette proportion de titres de la pomme dans leur portefeuille. Et ça va du gérant de SICAV au gérant des fonds de retraite en passant par ceux qui ont des fonds spécialisés sur les technologiques.
 
Le petit souci technique dont je parlais est le suivant :

Prenons un matin où la pomme fait 4,2 % de l'indice. Les gérants doivent en avoir 4,2 % au moins dans leur portefeuille. Le soir, le SP500 fait une hausse de 1 %. Dans la même séance, la pomme monte de 3 %. Mécaniquement, la pomme grossit dans l'indice. Donc le lendemain matin, la pomme pèsera 4,3 ou même 4,4 % de l'indice. Et tous les gérants qui veulent suivre l'indice vont devoir acheter des pommes.

Et ça va faire quoi sur un marché qui n'est pas vraiment vendeur de pommes ? Eh bien, ça va faire monter les pommes plus que l'indice. Donc ce soir, il y a de grandes chances que nos pommes clôturent plus en hausse que le SP, et si vous avez tout suivi, que demain matin le poids des pommes dans l'indice ait encore progressé menant à encore plus d'achats de pommes.

Vous commencez à voir le souci ?
 
2/ De tous les classements mondiaux, il y en avait un duquel les pommes étaient absentes. C'était celui des entreprises qui versent des dividendes puisqu'elles n'en payent pas. Sauf que voilà, il y a quelques jours, les pommes ont annoncé que ça allait changer et leur premier dividende n'est ni plus ni moins que le second plus gros dividende de l'histoire des Bourses mondiales.

Bilan, les fonds qui privilégient des entreprises qui versent des dividendes doivent acheter des pommes. En plus, le cycle économique est parfait pour acheter ce type d'entreprise. Donc ces fonds sont déjà gros et n'arrêtent pas de grossir depuis plusieurs mois.

Une rapide étude historique nous rappelle un douloureux précédent.

Le cas était encore plus extrême, car il se déroulait sur une Bourse qui est loin d'être la première mondiale (la France) et qu'à l'époque, le problème avait été accentué, car au lieu de compter seulement le flottant (les actions cotées), on calculait le poids dans l'indice avec toute la capitalisation de l'entreprise en question (je me demande d'ailleurs quel est le cas sur SP). On peut quand même se demander si on n'a pas une ou deux leçons à apprendre de ce précédent.
 
Je veux bien sûr parler de l'action France Télécom au moment de la bulle des technos. Après une introduction juste au-dessus de 30 euros, on voit bien l'accélération et l'effet d'emballement dans la bulle des technos où le cours est passé de 65 euros à plus de 220 euros.
Bien évidemment, on ne peut pas rater l'effet inverse qui s'est accéléré lors de la baisse des marchés et l'éclatement de la bulle.

La caractéristique d'une bulle c'est qu'on sait quand on est dedans avec quasi-certitude, qu'on ne sait pas trop jusqu'où elle peut aller et qu'un jour elle va sûrement éclater.
 
Mais pendant ce temps-là, il n'y a rien de plus beau qu'une bulle. Ça attire tout le monde, petit ou grand, une belle bulle avec ses reflets moirés. Et puis une belle bulle, ça fait les gros titres des journaux, ça attire les regards vers la Bourse, ça attire les investisseurs, ça les rassure, ça les laisse rêver, ça leur donne envie, ça leur fait miroiter ces gains si faciles et si rapides. Qui aurait intérêt à faire exploser cette bulle quand tout le monde à y gagner à court terme, hein, dites-moi ?

Pourrait-on essayer de deviner un niveau vers lequel la pomme pourrait de nouveau devoir respecter la loi de la gravité ?

Méthode numéro un, j'ai pris une pomme, je suis sorti et je l'ai lancée le plus haut possible pour voir jusqu'où elle monte. Difficile à dire comme ça, mais j'ai appris une chose : quand elle redescend, l'atterrissage n'est pas beau à voir.

Méthode numéro deux, on regarde ce qui est déjà arrivé précédemment.

General Motors a par le passé été la plus grosse entreprise au monde en termes de capitalisation boursière par rapport aux autres entreprises : 6,4 % au plus haut de son poids dans le SP500. Aujourd'hui, je le redis, la pomme pèse 4,2 % dans l'indice. Si on devait aller à ce poids-là, on parlerait d'une surperformance de la pomme sur l'indice de l'ordre de 50 %, ce qui nous amène autour des 1 000 dollars pour battre ce record.
 
Microsoft a atteint la plus grosse capitalisation pour une entreprise avec 604 milliards en 1999. Là, ça devrait être rapidement atteint au rythme où vont les choses puisqu'à la louche, ça nous fait un cours à 650 dollars.

Mais il y a un élément qui pourrait peser plus que le reste. Dans la plupart des gestions au monde, il y a une règle prudentielle quasi unanime : un titre ne doit pas dépasser 5 % de la gestion pour éviter de faire prendre trop de risque à tout le portefeuille. Là, on touche un argument clé, car beaucoup de fonds ont anticipé le succès de la pomme et son augmentation en poids dans l'indice et sont déjà à 5 %. La hausse pourrait perdre un peu de sa vitesse de ce fait.

Nous voudrions tous profiter d'une bulle. Qui ne se souvient pas de son voisin ou de son chauffeur de taxi qui en 1999 nous expliquait qu'il avait commencé à investir la semaine dernière et qu'il avait déjà fait 20 %. Moi, je me souviens surtout de mon voisin qui avait mis 100 000 euros le 1er mars 2000 et qui à la fin de l'été n'avait même plus 15 000 euros. Mais la mémoire est sélective.

On parle déjà beaucoup de la pomme et je peux vous assurer d'une certitude : si je ne connais pas le plus haut, c'est que d'ici là on va beaucoup en parler et que beaucoup de gens vont acheter des pommes.

Mais je suis plus sûr encore que lorsque la course aux pommes va s'arrêter et que les mêmes forces qui se sont exprimées à la hausse s'exerceront à la baisse avec encore plus de force, la plupart de ces mêmes gens auront oublié de sortir.

Pendant des années, je me suis demandé comment trader une bulle. C'est le mouvement le plus ample, le plus lisse et le plus beau que les Bourses connaissent. Ma réponse : avec un robot, c'est le seul moyen. C'est le seul qui n'aura pas de sentiments et qui ne se fera pas avoir par ses émotions, car une bulle c'est justement le summum de l'émotion collective et de l'aveuglement.

Samuel RONDOT


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