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Je reprends le boulot en douceur en revenant à "THE" sujet qui n'intéresse
absolument personne à part moi en ce moment, mais qui pourrait nous valoir
quelques sueurs froides (aussi) d'ici la fin de l'année, j'ai nommé les suites
du Foreclosure Gate, et de l'avenir de la banque symbole de ce scandale, Bank Of
America, dont je vous dépeignais il y a déjà 10 mois un portrait assez sombre...
Bank of America : le deal est contesté
Je vous parlais il y a peu de l'imminence d'un deal entre bank of America (BAC)
et la plupart des investisseurs de papier RMBS s'estimant floués par les
pratiques frauduleuses de Countrywide, rachetée par Bank of America en 2008,
dans ce qui restera sûrement dans l'histoire du capitalisme comme la plus
désastreuse opération de rachat de l'histoire.
Ce deal se montait à 8,5 milliards de paiements immédiats de dommages, et
pouvait monter à 14 milliards en cas de poursuite de la dégradation du climat
économique. J'écrivais alors que ce deal était approuvé semble-t-il par les 22
plus gros investisseurs présents au sein de la "class action", mais, toujours
prudent, j'ajoutais que :
"(...) l'accord doit encore être approuvé par TOUS les investisseurs présents
dans la class action. Les éventuelles objections (par exemple, de petits
investisseurs trouvant l'accord insuffisant) doivent être présentée avant le 31
octobre et la date d'un éventuel jugement d'approbation est fixée au 17
novembre."
Et bien il semblerait qu'un groupe d'investisseurs, et pas des moindres, ait
beaucoup à redire sur les estimations des dommages calculées par les experts
mandatés par les différentes parties prenantes de la négociation, dont certains
semblent avoir des conflits d'intérêts qui font désordre.
La "coopérative de refinancement des petites banques" contre attaque
6 des 12 Federal Home Loan Banks, accompagnées de quelques petits investisseurs,
ont déposé un recours devant le tribunal de New York contre les termes de
l'accord (reuters). Elles estiment que les 22 "négociateurs principaux" délégués
pour mener la transaction n'ont pas suffisamment protégé leurs intérêts, et
estiment qu'un montant plus équitable serait de l'ordre de 22 à 27 milliards, et
encore, avec des "hypothèses assez conservatrices". Soit 2 à trois fois plus !
Le détail des contestations, que vous trouverez sur le site Zero Hedge, porte
d'une part sur le pourcentage de "prêts menteurs" octroyés par Countrywide, que
l'accord estimerait à 40%, alors que divers audits ont montré que les "erreurs"
de représentation de la banque se situaient plutôt entre 60 et 90% des prêts
octroyés, et d'autre part, qu'un tribunal accorderait sûrement aux plaignants un
remboursement intégral par Bank Of America de TOUS les prêts comportant une
"faute de représentation", et non seulement les 40% actuellement en défaut de
paiement.
Qui sont les FHLBs ? Ce sont 12 entités "à soutien gouvernemental" (Government
Sponsored Enterprises) créées lors du New Deal pour permettre aux petites
banques de refinancer leurs crédits immobiliers, aux particuliers, ou aux
entreprises, ou aux exploitants agricoles. Leurs actionnaires sont 7800
institutions financières à travers le pays, principalement des petites banques.
Le statut est celui d'une sorte de coopérative interbancaire, les parts sociales
ne sont pas échangeables, et les emprunts des FHLB sur les marchés sont garantis
par l'état fédéral. En contrepartie d'un avantage fiscal, les FHLB doivent
consacrer un certain pourcentage de leurs opérations à du logement que nous
qualifierions de "social" en France. Le total de leur bilan est de 858 milliards
de dollars. Bref, encore une monstruosité pratiquant le mélange des genres entre
public et privé pour subventionner l'endettement des classes modestes... Et on
nous dira que les USA sont un pays "ultra-libéral"... Mais passons.
A noter que la FHLB d'Atlanta faisait partie des 22 "négociateurs principaux",
mais que les 6 FHLB contestataires ne sont en rien liées contractuellement à
leur consoeur d'Atlanta, ce qui leur donne la liberté de contester l'accord.
Epine supplémentaire dans le pied de Bank of America, il semblerait que
l'attorney Général de New York, Eric Schneidermann, partage au moins en partie
les vues des contestataires, ce qui rendrait l'approbation de l'accord à 8,5
Milliards très problématique.
L'enjeu
Rappelons qu'à ce jour, les fonds propres de Bank Of America, du moins tels
qu'officiellement publiés, sont de 208 Milliards de dollars. L'on pourrait donc
croire que 8 milliards ou 27 sont certes des sommes importantes, mais ne
remettent pas en cause la survie de la banque, même s'il vaut toujours mieux
perdre la plus petite des deux sommes.
Toutefois, le marché ne croit pas du tout que la valorisation des actifs de la
banque de Caroline du Nord soit très sérieuse (moi non plus), et la
capitalisation boursière de la banque vient de passer en dessous de 100
milliards, les investisseurs anticipant de nouvelles dépréciations d'actifs. De
surcroit, si les ardoises s'accumulent, Bank Of America devra réduire
considérablement son bilan pour respecter les normes "Bâle III"... Mais on se
demande bien quels actifs la banque pourra revendre sans devoir inscrire de
nouvelles pertes à son bilan. Bref, les investisseurs commencent à être très
nerveux sur le titre.
Le 17 novembre : une date à surveiller
La séance du 17 novembre sera cruciale non seulement pour Bank of America mais
aussi pour l'ensemble du secteur bancaire US. A moins, bien sûr, que d'ici là,
l'éclatement de la bombe des dettes souveraines ne rende tout ceci très
secondaire...
Si l'accord est approuvé par la juge, aucun des contestataires ne pourra plus
individuellement faire bande à part et quitter la class action, et la facture,
pour BAC, sera au maximum de 14 milliards, dont 8,5 certains. Mais si l'accord
est rejeté, ou bien BAC renégocie un nouvel accord sur des bases plus élevées,
ou bien la banque va vers un ou plusieurs procès au civil, avec le risque que
des commissions rogatoires lancées dans ce cadre révèlent des documents internes
ou des mels compromettants... Qui rendraient les juges plus sévères, et qui
encourageraient d'autres plaignants à se manifester.
Mais surtout, si l'accord est accepté tel quel, il fixera une norme acceptable
pour l'ensemble de la profession et les autres grands Loan Servicers, comme Citi,
JPM et Wells, qui font face à des procédures de même nature, quoique moins
importantes en montant. Par contre, si de nouvelles investigations montrent que
ce qui peut être reproché à BAC va plus loin que ce que l'on croyait au départ,
il sera difficile aux autres banques d'échapper à des suspicions de même nature.
Certains analystes pensent que BAC sera la première grande banque "systémique" à
expérimenter le dispositif de mise en redressement bancaire prévu par la récente
loi Dodd Franck. Je ne suis pas madame soleil, mais l'hypothèse se tient... en
tout cas, compte tenu de sa décote actuelle, le titre BAC est devenu très
spéculatif... Avis aux joueurs !
En revanche, je ne crois pas que la chute de Bank Of America provoque sur les
marchés un "freeze" à la Lehman Brothers. L'affaire Lehman est survenue juste
après une série de faillites rapprochées qui avait mis les nerfs de tout le
secteur financier à vif : Countrywide, Fannie Mae, Freddie Mac, AIG, etc...
Autant d'événements qui avaient pris tout le secteur financier de court. Trois
ans plus tard, une éventuelle faillite de BAC, largement anticipable, et les
moyens que la loi Dodd Frank, même imparfaite, donne pour la résoudre, devraient
certes provoquer quelques turbulences, mais pas de raz de marée... A moins,
évidemment, qu'elle ne se produise en même temps qu'un autre désordre financier
d'importance que l'instabilité financière actuelle rend de plus en plus
inéluctable. Mais c'est une autre histoire.