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Bourse et motivation

Par Christophe Gautheron;

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Il se dit que la plupart des intervenants sur les produits financiers, qu’ils fussent privés ou institutionnels, laissent des carcasses d’oiseaux carbonisées, de manière récurrente sur tous les marchés de la planète.
Les remarquables papiers de certains chroniqueurs livrent un éclairage absolument édifiant à ce propos.
Pour ceux qui doutent vraiment de la puissance de ces remarques, faites simplement un tour sur les forums boursiers afin de jauger l’ambiance et les sujets de prédilection.
Voyez ce qui s’y échange … tout corrobore leurs dires.
Lorsque l’on rapporte le résultat financier des opérateurs à l’énergie qu’ils dépensent, il semblerait bien que le boursicotage soit semblable à un moteur à explosion.
C'est-à-dire un produit de rendement particulièrement faible, et l’essentiel de l’énergie qui s’évapore en rien de vraiment exploitable : de la chaleur en grande partie.
Face à une telle gabegie, il convient de se demander pourquoi l’homo-financiarus se donne-t-il tant à une tâche si vaine ?

Pour répondre à cette question, je vous propose une petite plongée au royaume de la motivation !
J’imagine qu’une partie non négligeable des lecteurs de cette chronique connaissent la pyramide de Maslow.
Aux alentours de 1950, le psychologue américain Abraham Maslow proposa une modélisation expliquant la motivation des êtres.
Il associa la motivation des individus au besoin pour ceux-ci de combler des manques qui vont des plus élémentaires et concrets (besoins de bases), à toute une cascade de besoins de plus en plus psychologiques et abstraits (besoins de rayonnement, de réalisation).
La simplicité du propos, sa force évocatrice puissante, probablement liée à sa représentation pyramidale dirait un sémiologue, ainsi que la dimension « homme » en devenir de « surhomme », font que ce modèle est toujours enseigné à tous les étudiants de France, de Navarre, d’Amérique, et autres Soleils Levant.
Rappelons que chez les Egyptiens, la pyramide était une tombe … tenter d’expliquer la hargne à gagner de l’investisseur moderne par ce biais est simple, peu consommateur de réseaux de neurones, mais vain.
Et, que dit Maslow du trader de base ?
Un truc du genre … il cherche d’abord à gagner de l’argent pour survivre, puis au fil du temps, et à l’extrême, en passant rapidement sur les étapes intermédiaires, il cherche à ce que son talent soit reconnu par la terre entière, à devenir un gourou … un être profondément accompli.
Bien que peu enseignées, les anomalies inhérentes à la théorie de Maslow sont nombreuses (les choses simples sont rarement les bonnes explications), ce qui rend son champ d’action inadéquat aux diverses problématiques modernes concernant la motivation du trader.

Alors, à l’instar du célèbre agent du FBI : Fox Mulder dans la série culte X-files, il convient de faire notre son aphorisme préféré : « La vérité est ailleurs ». Alors, changeons la focale …
A la même époque, un autre chercheur Américain : Clark Hull, par le biais de la loi dite « du renforcement », élabora une théorie alternative qui mérite que l’on s’y attarde car elle fournit un éclairage saisissant des phénomènes scandaleux qui animent la finance depuis 12 mois.
Il s’agit là, de renforcer un comportement par des alternances de privations et de récompenses … vous voyez où je veux en venir ?
Ce système s’applique à tous les cadres de la finance de marché et de l’investissement. Par exemple, un trader n’est que faiblement payé pour le service qu’il apporte (et que l’on nomme besoin de base).
Mais, il est considérablement renforcé par une « prime », le désormais fameux BONUS lorsqu’il atteint certaines cibles fixées d’avance.
Cette méthode, à l’instar d’une Divinité, semble omnipotente.
Elle s’applique désormais à tous, en tous lieux, et pour tous les temps … la messe est dite : tous crucifiés de manière globale sur l’autel de la loi du renforcement.
Et, à l’exception du monde de la finance, la théorie du renforcement semble satisfaire correctement l’appétit de cupidité de l’ensemble du genre humain qui la côtoie.
Pourtant, si cette théorie éclaire correctement les agissements des spécialistes de la finance, elle n’est d’aucun secours pour appréhender les ressorts de la quête des sans grades, les « tout le temps perdant », si souvent mis en exergue par le regard compassionnel de certains chroniqueurs boursiers qui tentent de vous mettre en garde.
Pierre Dac affirmait : « Il est préférable d’être ailleurs lorsque autre part n’est plus ici ».
Alors, suivons les conseils du maître à rire, et posons nos guêtres là où les idées nous enrichissent.
Au cours des Sixties, des psychologues Américains ont discerné une autre forme de motivation.
Elle pousse à s’adonner à une tâche sans besoin de récompense.
Nous touchons là au cœur du réacteur nucléaire qui fournit une énergie infinie aux boursicoteurs qui s’acharnent à tenter de battre le marché.
On appelle cela : « motivation intrinsèque ».

    - Cela existe vraiment ?
    - Bien entendu ! Le moteur qui anime les artistes, c’est quoi à votre avis ?

Deux combustibles sont nécessaires au fonctionnement de la motivation intrinsèque : le besoin de se sentir compétent, et le besoin de choisir librement ses actes.
Vous noterez que ces deux variables sont grandement subjectives … ce qui n’aide pas les apprentis financiers à trouver leurs marques !
Par conséquent, vous observerez que les deux notions emblématiques que sont l’autodétermination et l’expertise sont les sujets centraux des forums boursiers sur internet … et pour toujours à mon humble avis, car cela relève de la nature humaine profonde.
L’étrangeté est que les récompenses, les prix d’excellence, l’argent, et la notoriété diminuent considérablement la motivation intrinsèque.
D’ailleurs, vous constaterez que les traders médiatisés, salués pour leur talent, finissent toujours pauvres, seuls … surtout malheureux, aux mieux terminent-ils dans l’anonymat le plus intégral, sans leur formidable baraka, la proie du doute, et esclaves de la peur.
Pourquoi donc ?

Tout simplement car les honneurs sont toujours vécus comme une forme de pression, de surveillance, d’attente précise.
Un corpus d’éléments qui ne manquent pas de brouiller la perception et la jouissance, pour finir par corroder les fins rouages de la performance.
Le talent et la réussite donnent des ailes. On trouve tatoué sur chacune d’entre-elles, non pas HATE et LOVE, comme c’était le cas sur chaque doigt de chaque main du machiavélique Robert Mitchum dans le film « La nuit du chasseur », mais un succédané moderne plus précis encore : PLAISIR et DESIR.
Un des deux s’émousse, et c’est la descente en torche.
Icare et son cortège de vérités philosophiques ne sont pas loin …
Le trader de salon est destiné à ne ressentir, ne vivre, et ne durer qu’au travers du plaisir et du désir.
Il est donc un être fragile et sauvage à la fois.
C’est ainsi que s’exprime son équilibre, et son hymne fétiche pourrait être celui des bikers du film « Easy riders » … « Born to be wild » …

Je vous remémore que les deux mamelles de la motivation sont : le besoin de se sentir compétent, et le besoin de choisir librement.
Les marchés financiers sont un fléau pour ces deux besoins, car, si d’aventure la sensation de compétence baisse, ou si la contrainte s’accroît, alors l’édifice de la motivation vacille.
C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, solitaire et actif, il est particulièrement difficile de perdurer sur les marchés financiers.
En effet, sous le joug perpétuel des changements de règles, le plus souvent, on arrête de pratiquer pour le plaisir, à mesure que la confiance en soi s’érode.
A ce stade, le découragement vient poindre.
Et, sur les forums boursiers, on voit continûment de touchants intervenants qui s’expriment à ce propos.
Ils cherchent désespérément les mots qui les aideront à trouver un pôle magnétique vers lequel s’activer à nouveau.
D’autres sentiments vont alors se déclencher en cascade … comme la résignation. Celle-ci résultera de l’apprentissage de l’impuissance dans la durée.
Là encore, de nombreux participants s’expriment sur le sujet au sein des forums boursiers, parfois maladroitement, et le plus souvent, ils avancent masqués.
Car, la résignation possède une face B : c’est la rébellion.
De nombreuses études montrent que souvent cette rébellion est le fruit faisandé des plus forts, des plus brillants, de ceux qui ont échoué … de ceux qui dérivent tout en étant persuadés (à juste titre) de leurs qualités intellectuelles supérieures.
Observez vos tribuns préférés sur les forums boursiers. Je suis certain que vous en ciblerez aisément quelques uns.
La finance finira toujours, par l’entremise de la diversité des environnements qui s’y alternent, par révéler à un moment de son histoire, l’être courageux et talentueux qui est en vous.
Mais attention, ce n’est qu’une situation transitoire, même si le transitoire peut durerrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr parfois fort longtemps, gardez cela à l’esprit.
L’élément structurant de votre réussite est en vous.
Fixez votre regard sur lui.
Il est là juste devant.
C’est le bel être mélancolique qui s’éloigne lentement vers le couchant en imprimant délicatement : « Born to be wild » sur le bord de ses lèvres !
Et, n’oubliez jamais que, quand on n’a pas le repos en soi-même, il est inutile de le chercher ailleurs, surtout pas dans la sphère financière.

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