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Grappiller de la volatilité sur les marchés financiers, voilà le métier des «
day traders », et des « scalpeurs ». Leur tâche est de détenir des actions pour
une durée très limitée afin de profiter des anomalies de cours, ou des ruées sur
une valeur.
En termes militaires, ils ne cherchent pas à tenir des places fortes, mais à
faire de la guérilla. Je frappe ici, puis là, peu importent les fondamentaux des
valeurs qui sont surfées.
L’important, c’est de prendre très souvent de petites plus-values sur des sommes
d’argent d’autant plus grandes que l’horizon de spéculation est minime.
Les « day traders » tentent de profiter de mouvements dont la durée est au
maximum la journée. Les « scalpeurs » visent des impulsions soudaines de
quelques minutes à peine.
Cette manière d’aborder la bourse est particulièrement périlleuse, et ceux qui
s’y sont essayés savent à quel point ce jeu psychologique est aussi un art.
La difficulté à capter des mouvements fugaces n’est pas liée à de la technique,
car celle-ci s’apprend bien avec de la discipline, mais elle tient plutôt au
fait que ce mode de fonctionnement est totalement contre intuitif pour nos
encéphales.
Nos cerveaux, comme ceux des animaux terrestres, sont adaptés à l’observation
des caractéristiques des mouvements qui nous entourent.
Si la pluie tombe du ciel, nous la voyons descendre au sol sous l’effet de la
pesanteur. Pourquoi ne s’interloque-t-on pas de voir les choses tomber vers le
sol ? Tout simplement car nous sommes programmés pour cela.
Le sens « haut vers bas » est plus naturel pour nos encéphales que l’inverse.
Chercher à profiter d’un mouvement haussier, c’est intellectuellement réussir à
projeter dans l’avenir l’inverse de ce que tout notre être attend.
C’est imaginer très vite un mouvement opposé à celui pour lequel nous sommes
configurés par dame nature.
La visualisation mentale d’un mouvement « bas vers haut » est donc génératrice
de conflits mentaux, et de stress.
Des astronautes américains confirment que même après plusieurs semaines en
apesanteur le cerveau continue à privilégier les effets de la gravité.
Ce réflexe d’imaginer de la pesanteur, même là où il n’y en a pas, provoque des
gestes systématiquement en avance sur les objets en mouvement, et des mouvements
oculaires désynchronisés des mains.
De plus, le cerveau est doté d’un algorithme puissant d’évaluation de la vitesse
et de l’accélération des choses.
Des psychologues expérimentalistes mettent en évidence que nous effectuons des
approximations dites « de premier ordre » pour estimer le moment ou un objet
atteindra sa cible.
Cela signifie que nous divisons inconsciemment la distance entre, par exemple,
une balle de ping-pong, et une raquette, par la vitesse estimée de la balle.
Cela fournit le temps de trajet, et permet d’évaluer une stratégie de riposte.
Le hic, c’est que cette approximation fait abstraction de toute variation de
vitesse, c'est-à-dire de toute accélération éventuelle de l’objet mobile.
L’évaluation de premier ordre est avantageuse car économe sur le plan cognitif,
et rapide au plan de l’influx nerveux.
Cependant, elle n’est pas pertinente du tout pour évaluer correctement les
situations dans lesquelles l’accélération est à l’œuvre.
Or, un cours de bourse qui se décale « de visu, en direct à l’écran » est une
courbe qui subit continuellement des accélérations, des ralentissements, des
hausses, puis des baisses.
Le cerveau du « day trader » doit donc sentir la future direction des cours,
ainsi que les accélérations, alors même qu’il n’a pas la configuration mentale
initiale correcte pour effectuer ce genre d’exercice.
C’est là que vient se nicher l’art et l’expérience du « day trader » car il aura
appris au fil du temps à son logiciel mental inconscient : l’évaluation de «
second ordre », c'est-à-dire la prise en compte implicite de la projection des
mouvements suite aux variations non homogènes de vitesse de déplacement des
cours.
A cela s’ajoute le fait, que le cerveau projette naturellement la continuation
des mouvements sur la base de l’inertie initiale de l’objet scrutée, alors que
les cours eux, peuvent s’inverser violement, sans décélération préalable.
Le cerveau n’est pas préparé à ce genre de figures « anti-naturels ». Le trader
débutant se trouve donc démuni sur le plan décisionnel.
Surprit, il ne coupe pas sa position, se met en mode espoir, pense à des points
aberrants mais temporaires … et finit ruiné à la cave.
Ce type de mouvement qui défie les lois de la physique est fort connu des
pilotes d’avions qui attribuent de tels déplacements dans l’espace aux
observations d’OVNI (Objets volants non Identifiés).
Je cite « Les mouvements des phénomènes lumineux que j’ai rencontré sont en
totale contradiction avec nos techniques de vol et nos modes de propulsion. Au
vu des accélérations vertigineuses, des freinages brutaux, des vols
stationnaires, et des virages à angles droit, que j’ai pu voir, je me demande
bien à quoi j’ai été confronté » … les spécialistes de « day trading et scalping
» resteront frappés dans cette description par l’analogie avec les mouvements «
intraday » de prix sur les actions !
Les traders à succès ne sont même plus étonnés des circonvolutions aléatoires de
leurs OFNI (Objets Financiers Non Identifiés), ils ont même apprit à en
exploiter les déplacements pour leur propre compte en s’infiltrant dans la
traînée aérodynamique, et en y restant aussi longtemps que leurs intérêts le
leur dictent.
Les traders « court terme » ont réussi à transformer leur manière de pressentir,
et d’anticiper les mouvements, notamment lors des changements de célérité … et
les inversions soudaines de polarités.
Si vous ne vous sentez pas capables de ces prouesses, vous pouvez néanmoins
imaginer les mêmes vertiges et sensations qu’eux. Il vous suffit de devenir
amoureux.
Le poète ne disait-il pas que « l’amour est une accélération et un changement de
direction de la vie ? ».