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Chypre : entre le marteau et l’enclume

Par Fabrice Cousté

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Depuis cinq jours, la zone euro subit un nouvel accès de fièvre. Et c’est le pays économiquement le plus modeste du système monétaire, Chypre, qui fait trembler les marchés. Après l’annonce de taxes sur les dépôts bancaires des ménages chypriotes, une mesure aujourd’hui écartée par Parlement national, les négociations vont bon train afin d’obtenir le plan de soutien européen et permettre au pays d’éviter ainsi la faillite.

Entre manne énergico-financière russe et plan d’aide européen imposant des réformes drastiques, Chypre jouera son avenir économique dans les prochaines heures.

Un temps évoqué en fin de semaine dernière, non sans conséquences sur la liquidité du système bancaire chypriote et sur les marchés boursiers en Europe (l’indice de volatilité VSTOXX a bondi de +30% lors de cinq dernières séances), l’idée de taxer les dépôts des Chypriotes semble aujourd’hui abandonnée.

Comme lors du précédent grec, les négociations vont bon train afin de débloquer l’aide européenne, en contrepartie de laquelle l’État doit présenter 5.8 Mds d’euros à la Troïka composée de ses bailleurs de fonds, l’UE, la BCE et le FMI. L’enjeu, assurer tout simplement la solvabilité du pays.

Les solutions proposées sont diverses et plus ou moins réalistes, certaines d’entre elles seraient lourdes de sens : nationalisation des fonds de pension - pour un montant de 4.2Mds€ -, fusion et revente des actifs sains des deux principales banques du pays Laiki et Bank of Cyprus à la banque russe VTB, émission obligataire auprès des particuliers sous la garantie des futurs revenus gaziers de l’île (échelonnement de la dette de 2.5 Mds sur 5 ans, ainsi que 5 Mds supplémentaires apportés par Gazprombank, en échange d’un droit d’exploitation des champs gaziers)...

La Russie joue donc de tout son poids pour influencer Nicosie et préserver ainsi ses propres intérêts économiques dans la petite île méditerranéenne, entre présence massive de sociétés russes, avoirs bancaires, exilés fiscaux, mais aussi un appétit sans égal pour les sous-sols chypriotes qui regorgent de gisements gazeux.

Au total, c’est environ 20% du système bancaire de Chypre qui est redevable des participations russes dans le pays. Des premières concessions ont déjà été obtenues par Moscou, puisque la taxe sur les dépôts initialement suggérée par l’Eurogroupe ne sera pas appliquée.

De leur côté, les membres de la zone euro maintiennent la pression pour inciter fermement Chypre à ne pas tourner le dos à l’Europe. La BCE vient de lancer un ultimatum enjoignant le gouvernement chypriote à proposer de nouvelles solutions, faute de quoi les vannes de liquidités de la Banque Centrale se fermeraient pour les banques de l’île, dès lundi prochain. Encore moins patiente, la très « orthodoxe » Allemagne de Wolfgang Schaüble estime que le modèle économique de Chypre n’est plus « tenable » et doit être tout bonnement restructuré.

Pour première esquisse de dispositif, Chypre vient de proposer la création d’un « fonds d’investissement de solidarité » dont les modalités restent à fixer. Eloigné ces derniers mois, le spectre d’une sortie d’un état membre de la zone euro relancerait les risques de contagion du système financier européen. Les pertes en termes capitalisation, et la fuite de capitaux qui s’en suivrait, seraient alors bien plus élevés que les quelques milliards demandés pour maintenir à flot ce micro état !
 
Fabrice Cousté
Directeur Général de CMC Markets France


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