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Encore de la hausse pour les actions, malgré l'économie

Par Samuel Rondot;

samuel rondot

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Essayons d’y voir clair.

La dernière fois que je me suis prêté à cet exercice dans ces colonnes c’était le 6 juin avec un CAC à 3200, depuis il a pris 20%. Plus que la technique ou les fondamentaux j’avais basé mon anticipation sur le fait que le consensus était trop concentré et comme il n’a jamais raison, l’issue risquait d’être celle que la minorité attendait, un fort rebond des bourses sur rumeurs de redémarrage de l’économie.

Les indices et marchés actions ont rebondi de plus de 50% depuis leur plus bas.
C’est beaucoup et ca peut nécessairement laisser penser que c’est déjà cher.
Il faut donc chercher la cause pour vérifier si l’effet peut perdurer.

Sans aucun doute, l’absence de solution d’investissement fiable à conduit le cash disponible (en forte augmentation grâce aux injections des banques fédérales dans la soit disant économie). A ce prix là, il est vrai que certaines actions n’étaient quand même pas chères payées.

Ensuite, il y a tout ceux qui jouent une fin de crise bien plus tôt que n’importe quel optimiste il y a quelques semaines. Pour l’instant, difficile de dire s’ils ont raison, les bilans des entreprises ont été tellement nettoyés que forcément le T3 sera conforme. Ce n’est à mon avis qu’à partir du T4 qu’on y verra vraiment quelques choses à ce sujet là.

A l’inverse, la croissance du chômage a un rythme jamais rencontré dans l’histoire, phénomène qui risque de poser un sérieux problème à ce scénario. On le sait, la croissance a besoin de la consommation pour être solide et avec un tel danger qui plane sur ceux qui ont un travail et de telles difficultés pour les autres, il est quasiment impossible de la voir reprendre son rythme d’avant crise (d’autant qu’elle était largement financée à crédit et que ce sera difficile à reproduire).

Pourtant le marché monte inéluctablement, pourquoi ?

Laissez moi vous rappeler mes souvenirs de 1999, ils sont très vifs.
Depuis 4 ans au contact de la finance, je croyais encore que les fondamentaux ou les perspectives de fondamentaux étaient ce qui guidaient les décisions boursières.
Jour après jour, je regardais mes clients expliquer qu’ils ne voulaient pas acheter ce marché déjà trop cher, je voyais la presse nous détailler avec chiffres et tableaux que les valorisations étaient largement farfelues.

Et chaque jour la bourse montait.

J’ai la désagréable sensation de vivre exactement la même chose.

Même les plus optimistes ont du mal à justifier la montée des cours. Et pour cause, c’est probablement injustifiable.

Le problème c’est que tout ce petit monde à une fois de plus oublié une évidence majeure : la bourse baisse ou monte parce que des capitaux viennent ou partent, ce qu’on appelle le « moneyflow ».

C’est simple, si les capitaux qui viennent se placer sont tous les jours supérieurs aux capitaux qui s’en retirent, vous pouvez faire le bilan économique que vous voulez, le fait est que la bourse ne peut pas baisser.

La bourse ne sanctionne pas une situation économique, elle valide l’équilibre de l’offre et de la demande. Elle reflète le moneyflow.

Mettez vous quelques secondes à la place des géants de placements Chinois, Brésiliens ou Anglais.

La seule chose a peu près sûre dans tout cette cacophonie c’est que le dollar ne sera plus une devise de référence.

Au détriment de qui, comment, à quelle vitesse ? Je n’en sais rien du tout. Mais ce qui est certain (et ce que tous les opérateurs de change du monde sont en train de jouer) c’est que le dollar roi est probablement fini et pour longtemps.

La crise a fait naître une certitude et probablement une seule, le dollar ne peut plus et ne doit plus être la réserve de change unique pour tous les autres pays.

Alors mettez vous 60 secondes à la place de ce gérant qui a 1 milliard à mettre sur le marché pour son fond de retraite. Il a des actifs en dollar à ne plus savoir quoi en faire, vous croyez qu’il va en prendre d’autres au moment ou il est quasiment acquis qu’il va déjà se faire dévaluer son portefeuille dans les prochains mois ou les prochaines années de plusieurs dizaines de pourcents alors qu’il vient déjà de dérouiller ?

A mon avis, beaucoup ont compris la leçon.

Pour l’anecdote, votre minute dans la peau du gérant vous a rapporté 5 euros. Et oui 5 euro par minute c’est le bonus moyen des gérants de fond de retraite…

N’oublions pas non plus que si vous êtes un fond de retraite américain et que vous placez en euro, vous pouvez gagner 2 fois si vous êtes convaincus de la poursuite de la baisse du dollar. Vous gagnerez une fois car les autres marchés sont trop petits pour accepter de tels volumes et cela va nécessairement pousser les marchés à la hausse, et vous gagnerez car le dollar va continuer à baisser alors que votre investissement sera fait en euro.

Même si le poids ne sera pas le même, n’oublions pas la clientèle privée. Fidelity Investment annonce ce jour même une nouvelle plateforme internationale de trading : une grande première aux Etats Unis. En plus d’avoir accès à 18 places mondiales, la plateforme leur offre la possibilité de choisir la devise dans laquelle seront compensées leurs opérations.

Soit c’est l’équivalent du chauffeur de taxi qui se met à faire des commentaires sur la bourse ce qui annonce souvent la fin d’une ère (et donc la fin de la faiblesse du dollar), soit c’est la confirmation que même outre atlantique, personne ne croit plus à la position du dollar.

Pour tous ces intervenants, quelles sont les alternatives de placement ?

    - Les matières premières qui vont exploser jusqu’au ciel ? Peut être sauf que c’est en dollar.

    - L’immobilier n’importe ou dans le monde ? A part aux Etats-Unis où les gouvernements n’ont pas pu faire grand chose pour stopper la catastrophe, partout ailleurs les pouvoirs publics ont sorti tout leur attirail pour enrayer un phénomène normal. Aller se placer sur un marché qu’on sait manipuler et dont il est impossible de connaître la vraie valeur, cela m’étonnerait que beaucoup de gérant s’y risque (plus encore avec toutes les nouvelles peu encourageantes qu’on nous sort tous les jours sur l’immobilité commercial. Et là y’a fort à parier que les états n’y mettent pas leur grain de sel).

    - Les devises ? Entre dette monstrueuse, déficit commercial à faire pâlir n’importe quel économiste qui aurait quitté la terre il y a 20 ans et qui s’aviserait d’y faire une petite visite, situation politique à la limite…. Il faudrait vraiment ne pas avoir d’autres choix pour ca.

Alors il leur reste des actions en euros (tout sauf le dollar en fait).

Elles sont chères ! Oui et alors ? Elles sont rares.

Pour le moment, tant qu’aucune autre alternative plus rassurante et moins risquée ne s’offrira à eux, pourquoi feraient t’il d’autres choix ? Et en plus ils peuvent diversifier leur risque devises.

Sans élément technique ce scénarii peut être discuté et contre argumenté autour du zinc d’un bar du coin pendant des heures.

Mais il y a un comportement de marché que je n’avais pas vu depuis cette fameuse année 1999 : chaque matin le marché est poussé vers le haut.
Quelque soit les nouvelles de la clôture américaine, quelque soient les résultats publiés après séance là bas, le marché est poussé à la hausse dès l’ouverture.

Après la hausse inéluctable de 1999 il était communément admis que le comportement des fonds indiciels et des gérants liés aux benchmarks avaient largement amplifié le phénomène de hausse.

La modification de la pondération des valeurs chaque jour dans l’indice poussait mécaniquement tous ces acteurs du marché à acheter chaque matin quelque soit le cours de bourse pour ajuster la pondération de leur propre portefeuille par rapport à celle de l’indice.

C’est la raison pour laquelle Euronext a changé quelques mois plus tard le calcul de ses indices et s’appuie maintenant sur le nombre d’actions flottantes de l’entreprise plutôt que sur le total.

Mais quand on a de tels écarts de pondération tels que ceux observés en tête du CAC on pourra toujours se demander si ce genre de phénomène auto réalisateur disparaîtra vraiment un jour.

Comme en 1999 depuis plusieurs mois on assiste régulièrement à des habillages de portefeuille dès l’ouverture du marché et à une course à la liquidité.
Pour moi, il est clair que la course au papier va perdurer tant que le dollar sera considéré comme un risque et qu’aucun autres actif ne pourra être considéré comme une meilleure alternative.

Dans ces cas là, inutile de chercher des raisons à la hausse, elle n’est que technique. Chaque légère consolidation donnera une occasion à ceux qui ont raté le train de le prendre en route.

Vu la profondeur de nos bourses européennes si je ne me trompe pas, on n’est pas prêt de voir le train de hausse s’arrêter quelque soit le reste de l’actualité.

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