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J’ai la chance de vivre à l’étranger depuis plus de dix ans. Cette position
permet de regarder son propre pays dans les yeux et de le connaître bien mieux
qu’on ne connaîtra jamais son pays d’accueil. Et ce que je vois dans le bleu
blanc rouge des yeux français est bien triste.
Le pays a vécu au-dessus de ses moyens longtemps, personne ne le conteste. Mais
l’évidence que personne n’ose formuler tout haut c’est que lorsque l’on est en
situation de surendettement, on ne s’en remet pas. Ou alors il faut faire des
efforts considérables, mais vous le savez bien, ces efforts on est en train de
les faire ou pas ?
Vous avez certainement assisté à la descente aux enfers d’un proche, d’un ami ou
d’une relation qui est entré dans la spirale de l’endettement. Et comment
l’histoire s’est-elle terminée ?
Au mieux, il a dû abandonner tous ses acquis et repartir à zéro la tête haute ;
au pire, le système l’a fait pour lui : on l’a mis en faillite et on l’a replacé
sur la case départ du grand Monopoly de la vie mais sans qu’il touche le bonus.
La France (et bon nombre de pays riches) est dans la même situation. Vous le
savez, nous le savons tous. On peut s’inventer des excuses, des histoires : nous
sommes riches, nous sommes inventifs, nous avons des acquis, etc., etc.
LE CONSTAT
Il n’y a qu’une vérité : la France est surendettée. Elle a beaucoup de mal à
rembourser sa dette. Et malgré cela notre budget continue de se creuser, de
s’endetter et donc de mettre encore plus le pays en difficulté.
Pourtant l’équation est simple. D’un côté il y a l’argent qui rentre, toutes les
taxes diverses et variées. De l’autre, il y a le budget de l’État.
Nous avons tous un budget à équilibrer, soit il faut gagner plus, soit il faut
dépenser moins.
Gagner plus pour un État c’est soit augmenter les taxes, soit générer de la
croissance. L’économie va produire plus cette année que l’année dernière, donc
les taxes seront plus importantes. Attention à la relation fragile entre les
deux. Les économistes sont tous d’accord pour dire qu’une augmentation des taxes
va ralentir la croissance donc creuser peut-être le trou encore plus.
Dépenser moins pour un État c’est privé certains d’avantages reçus par le passé
ou réduire le service que l’État offre aux Français. Retraites, santé, prise en
charge d’une population vieillissante, service public national alors que notre
population est loin d’être répartie uniformément. La liste de ce qui coûte cher,
très cher est longue, très longue...
Je résume une situation très simple :
Nous avons des dettes, beaucoup de dettes et nous avons du mal à les rembourser.
Comme on a du mal à les rembourser, ceux qui nous ont prêté se demandent s’ils
vont être payés, donc ils veulent bien nous prêter encore, mais ils ne le feront
que si on leur verse plus d’intérêts.
Nous avons des revenus, mais ces revenus sont trop modestes pour tout financer
(je ne parle même pas de l’addition à venir avec tous les problèmes en suspens)
donc on doit emprunter encore plus ou bien avoir plus de revenus (plus de taxes
et/ou plus de croissance).
LES SOLUTIONS
Pour sortir de cette impasse, il n’y a que trois solutions :
1/ On se place en faillite. On admet qu’on ne pourra pas tout rembourser et on
dit à ceux qui nous ont prêté, désolé les gars, mais là on va plus pouvoir
payer, donc il faut geler la situation quelque temps pour qu’on trouve un
accord. Trop souvent on associe une faillite à une liquidation totale, il est
utile de rappeler que certaines entreprises en faillite finissent par se
redresser. La faillite c’est un gel des dettes pour les réorganiser.
Concrètement, on dit à ceux qui nous ont prêté, on ne vous remboursera pas 100
pour 100 prêtés mais par exemple 60. Soit ils sont d’accord (il vaut mieux un
peu que rien du tout) et on redémarre avec moins de dettes (donc une situation
gérable), soit ils ne le sont pas, et il faut liquider. C’est-à-dire qu’on
procède à la vente de tous les actifs pour rembourser ceux qui ont prêté.
La faillite peut être volontaire ou forcée. Soit on prend les devants pour
stopper un cercle vicieux et essayer de trouver une solution, soit un beau matin
on se réveille sans argent dans la caisse pour payer les dettes et il faut se
placer en faillite. La Grèce est dans ce second cas.
2/ Soit on bat de la monnaie pour payer sa dette en monnaie de singe. Ça
s’appelle une dévaluation.
Un beau matin, on annonce qu’hier notre pays avait 100 euros et que ce jour, il
va en imprimer et mettre en circulation 20 de plus, pour un total de 120. Il a
dévalué sa monnaie de 20 %. Ceux qui avaient une dette en euros viennent
mécaniquement de perdre 20 % de ce qu’ils ont prêté.
Le marché des changes reflète cet équilibre précaire entre les États. Si le
monde a des doutes sur la capacité d’un acteur ou d’un pays à faire face à ses
engagements financiers, il vend cette monnaie (il s’en éloigne) et ça l’a fait
mécaniquement baisser. Il suffit donc d’observer l’évolution des changes pour
constater ces dévaluations de gré ou de force.
Dans le cas de l’euro, c’est bien sûr beaucoup plus complexe puisqu’une
dévaluation volontaire devrait être décidée unanimement…
Il est important de conclure cette solution en rappelant qu’au final celui qui
paye l’addition c’est celui qui a des euros, puisqu’on a dévalué par rapport à
tout le reste (produits, services et autres monnaies) ce que représentait son
patrimoine. C’est pour ça qu’on entend souvent dire que cette solution crée de
l’inflation, qui va donc ronger tous les actifs.
3/ Soit on paye sa dette. On rassure ceux qui nous prêtent de l’argent de
manière forte pour que le prix de l’argent baisse. Pour cela, il faut commencer
par équilibrer le budget, voire commencer à créer un budget en excédent.
Rappelons à ce sujet qu’il n’y a pas eu de budget excédentaire en France depuis
plus de trente ans. Dans notre situation actuelle, en sommes-nous capables
(pression de la rue, des lobbies, engagement à long terme) ?
POURQUOI ON NE PEUT QUE VOUS MENTIR
Alors, on fait quoi, solution 1, 2 ou 3 ? Comment ça personne n’en parle aussi
simplement ?
Eh bien oui, aucun des décideurs n’est prêt à annoncer la couleur de peur des
conséquences. Un homme politique cherche à être élu, donc à s’attirer les bonnes
grâces de ceux qui peuvent voter pour lui. Comment pourrait-il donner de telles
mauvaises nouvelles et faire face à la réalité et encore avoir une chance de
prendre le pouvoir pour le réaliser ?
Et quand bien même il le ferait, que se passerait-il ?
Je vivais encore à Londres lors de la crise de la banque Northern Rock en
septembre 2007. Et je me souviens comme d’hier de ces milliers, de ces dizaines
de milliers d’épargnants anglais qui faisaient la queue dehors pour retirer tout
leur argent. Je n’ai jamais rien vu de plus impressionnant.
Le système bancaire repose sur la confiance. Nous mettons notre argent sur un
compte en banque car il est en sécurité. Si on vient à douter de cette sécurité,
c’est la fin du système. Le moindre doute va créer un mouvement de panique qui
lui-même mettra à genoux le système. Les banques ne sont pas faites pour
rembourser en quelques jours ne serait-ce que quelques pour-cent de leurs
clients.
Il est impossible d’annoncer les réformes sans se heurter à un mur de
protestation, il n’y a qu’à voir le mal-être des peuples de Grèce, d’Italie,
d’Espagne.
Cette vague sera d’autant plus grande que tout le monde est bien conscient
qu’avant d’en arriver là, ceux qui nous dirigent, ceux qui décident ont triché.
Ils ont triché dans leur discours, dans leur favoritisme, dans leur gestion.
C’est la raison pour laquelle tous ceux qui dirigent n’ont qu’une seule solution
: essayer de mettre en œuvre la solution 3 (plus de taxes, moins de dépenses)
sans le dire. Mais devant l’ampleur du problème, ils croient vraiment qu’ils ont
une chance ?
SORTIR DE L'IMPASSE
Individuellement, nous ne pouvons rien faire. Mais collectivement, il y a un
début de solution : nous devons accepter ce constat, nous devons nous préparer à
faire chacun des efforts, nous devons accepter ces efforts et nous devons faire
savoir que nous sommes prêts à les faire.
Sinon l’issue ne pourra être qu’une mise en faillite qui amènera certainement
une dévaluation, de l’inflation (ou de la déflation) et des efforts drastiques à
consentir. Au final, soit nous faisons ce choix pour nous-mêmes, soit on nous
l’imposera.
Les étrangers de tous horizons disent tous que le principal trait des Français
c’est d’être incapable de se reformer et que c’est pour ça que nous avançons par
révolution. J’ai bien peur qu’ils aient encore raison.
Je termine avec ce proverbe maltais qui devrait nous aider à mettre les choses
dans le bon ordre : « Nous n’héritons pas la terre de nos aînés, nous
l’empruntons à nos enfants ».
Notre génération peut encore accepter le changement et faire ces sacrifices. Si
nous ne le faisons pas, c’est l’avenir des nôtres que nous hypothéquons de
manière certaine.