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Certains avancent que la montée d'un Fond dans le Capital d'une société cotée
est souvent bon signe. Ceux-là estiment que les fonds sont mieux informés. Et
qu'ils ont une bonne raison pour justifier leur investissement. Or, l'histoire
récente nous a montré que ce n'était pas toujours le cas : même les meilleurs se
trompent !
On a ainsi pu se rendre compte de certaines décisions d'investissement
dommageable ces derniers temps. Cela va de la décision de Wendel d'investir dans
Saint Gobain, ou encore de Bernard Arnault et Colony Capital dans Carrefour…
Prenons deux exemples récents : SAC CAPITAL + OREXIGEN et DASSAULT + TRANSGENE.
Le Cas Wendel + Saint Gobain : Lorsque Wendel est rentré au
Capital de Saint Gobain (en 2007), celui-ci a eu recours à un fort effet de
levier. Autant dire que son pari était le fruit d'une réflexion aboutie. Le
groupe familial avait dans un premier temps annoncé être détenteur de 6% du
Capital, avant de renfoncer jusqu'à 21%. Il s'avère que suite à cette montée
dans le Capital, la Commission des sanctions de l'AMF a infligé à Wendel et à
Jean-Bernard Lafonta, président du directoire à l'époque des faits, une sanction
pécuniaire de 1,5 million d'euros chacun pour défaut d'information du marché sur
la préparation de la montée de Wendel au capital de Saint-Gobain (voir PDF Ici).
Sur les 4,85 milliards d'euros investis, seulement 1,4 milliard a été réglé sur
fonds propres. Wendel a acheté 66,8 millions de titres environ pour un
investissement de plus de 5 milliards d'euros, soit un prix d'entrée à 72,55
euros par action.
Au cours actuel de Saint-Gobain, de 42 euros par action, Wendel détient toujours
17,50% du capital de Saint Gobain. La moins-value latente de Wendel atteint
désormais 1,65 milliard d'euros à ce jour, soit davantage que les fonds propres
investis.
Le Cas Carrefour + Colony Capital/Bernard Arnault : En Mars
2007, Bernard Arnault et Colony Capital entrent au capital de Carrefour. Les
deux alliés annoncent alors une participation de 10% du géant de la
distribution. Au fur et à mesure, leur participation a augmenté, jusqu'à détenir
environ 15% du Capital en Janvier 2011. Avec un prix de revient de 48 Euros, la
perte sèche est de presque un milliard € (le cours de Carrefour est de 31 € en
ce moment). Quatre ans après leur flair, il semble que Bernard Arnault et Colony
Capital aient connus meilleure fortune.
Le Cas SAC CAPITAL + OREXIGEN : Etant un Investisseur particulièrement actif
dans le Secteur Santé, laissez-moi vous présenter un Episode tout aussi
préjudiciable que les deux précédents. Steve Cohen, est un richissime magna de
la Finance. Fondateur du Hedge Fund "SAC Capital", il a joué sur les subprimes
au plus fort de la crise. Sa fortune était alors estimée à quelques 6,8
milliards $ (47ème fortune des Etats-Unis). Le 31 Janvier 2011 Steve Cohen est
monté au Capital sur la Biotech cotée sur le Nasdaq OREXIGEN, en ramassant plus
de 2,37 millions de titres (soit 5% du capital). Cette montée dans le capital
était intervenue juste avant la décision programmée le 1er Février de la FDA
pour le Contrave - un médicament développé par Orexigen pour traiter l'obésité.
J'ai déjà abordé la société OREXIGEN dans divers articles, permettant au passage
à certains investisseurs qui m'ont suivi d'empocher de juteuses plus-values
(comme Zagnam). J'avais donné un objectif de +100% en deux mois lors de la
parution de mon article le 17 Septembre. Le 8 Décembre, cet objectif était
atteint. Pour ma part, j'aurai empoché 49% de plus-value sur ce trade. Force est
de constater que SAC Capital aura été moins inspiré. Leur investissement leur a
fait perdre près des ¾ de sa valeur en une journée.
En fait, le pari de Steve Cohen était simple : ramasser des titres pour jouer
sur l'approbation du Contrave par la FDA. Retour sur les faits du cas OREXIGEN –
SAC CAPITAL.
Orexigen : un Gros Potentiel de valorisation
Deux comprimés deux fois par jour pour perdre au moins 5% de son poids, sans
connaître d'effets indésirables : la pilule miracle de la Biotech OREXIGEN
aurait-elle ces vertus ? Enjeu : des ventes annuelles qui pourraient atteindre
1,2 milliards $ d'ici 2018 (selon les données de BioMedTracker) contre seulement
382 millions $ en 2009 (selon IMS Health).
Le comité d'experts de la FDA devait se réunir le 7 Décembre 2010 pour voter la
recommandation de mettre sur le marché le Contrave. A l'unanimité, le 7 Décembre
(à 13 voix contre 7), le comité s'est prononcé pour que le Contrave d'OREXIGEN
(OREX) soit mis sur le marché. Selon le Panel d'experts, les avantages de perte
de poids observée avec le Contrave l'emportaient sur la sécurité du médicament
(préoccupations des risques cardiaques). Michael Narachi, le chef de la
direction d' Orexigen a déclaré suite à ce vote : "nous nous sommes engagés à
travailler pour fournir de nouvelles options thérapeutiques dans la gestion de
l'obésité et aider les médecins pour réduire cette épidémie. Nous croyons que le
Contrave, si il est approuvé, pourrait être une alternative importante aux
options thérapeutiques limitées qui sont actuellement disponibles". Car il faut
savoir que le Contrave avait donc été recommandé par les Experts. Mais en
dernier ressort : c'est la FDA qui décide ! Autrement dit : ce n'ets pas parce
que les Experts ont voté en faveur du Contrave que la FDA décidera de son
autorisation de mise sur le marché.
SAC CAPITAL : le Ticket de Loto pour Orexigen
On s'est rendu compte auparavant que la FDA ne suivait pas toujours les
recommandation du Comité d'experts (qui a un rôle uniquement consultatif). Et
ça, Steve Cohen et SAC CAPITAL on sans aucun doute omis de regarder les réalités
des approbations de médicaments. En effet, les statistiques sont sans appel. En
2010, la FDA est allée à l'encontre de la recommandation positive des Comités
d'Experts 5 fois sur 10. Cela signifie qu'alors même que les médicaments avaient
connu un vote positif du comité consultatif, le médicament était finalement
refusé dans 50% des cas. Bref, un vote positif ne préjuge en rien d'une
approbation de la FDA. Je dirai même que dans ce cas, si un investisseur mise
sur une approbation suite à un vote positif des Experts : il risque d'aller au
casse-pipe. Autant jouer à la roulette russe !
En matière d'approbation d'un médicament, la clé de la réussite est un bon
compromis bénéfice/risque. Orexigen avait mis en avant qu'une perte de poids,
même modeste, pouvait améliorer considérablement la santé d'un patient en
réduisant le risque pour les maladies chroniques liées à l'obésité comme le
diabète et les maladies cardiaques. A propos du bénéfice : comme nous le montre
ce tableau, le Contrave d'Orexigen n'était pas plus efficace. Il était en ligne
par rapports à ses deux concurrents. Disons que le Contrave remplissait les
critères d' efficacité de la FDA : au moins 35 % des patients étudiés ont perdu
au moins 5 % de leur poids (le double du placebo).
Je précisais le 8 Décembre que la grande différence venait en fait des risques
(effets secondaires). Aux vues des effets indésirables, le panel consultatif de
la FDA a jugé que le Contrave disposait d'une bonne sécurité. Il faut dire que
le Contrave avait un avantage certain : ce médicament est un cocktail de deux
molécules déjà approuvées (le bupropion, un antidépresseur également utilisé
pour cesser de fumer, et le naltrexone, un traitement de l'alcoolisme et de la
toxicomanie).
Avant cette annonce du 7 Décembre, la principale interrogation résidait dans le
fait de savoir si OREXIGEN pouvait réussir là où ses rivaux avaient échoué, pour
exploiter le marché de l'obésité. Les analystes de JP Morgan n'ont pas manqué de
souligner le point crucial sur lequel le comité consultatif de la FDA allait
devoir statuer : "il est clair que la discussion sur la sécurité sera une fois
de plus la clé, en particulier en ce qui concerne le risque cardiovasculaire"
ont précisé les analystes à Reuters avant le verdict de la FDA. C'est aussi ce
que j'avais soulevé au mois de Septembre dans mon article initial.
SAC CAPITAL s'en mord les doigts
Une fois le vote favorable des Experts pour le Contrave, la prochaine Etape
consistait au verdict final de la FDA sur son Approbation. Toute la question
était de savoir si la FDA allait suivre le vote des Experts. La date de la
décision de la FDA était fixée pour le 1er Février 2011.
Pour jouer sur l'Approbation, SAC CAPITAL a donc misé 35 millions $ le 31
Janvier… soit un jour avant le verdict de la FDA. Une position ultra risquée.
Qui aurait pu être un signal de confiance, aux vues de la réputation de son
gérant, Steve Cohen. Or, il s'avère que le 1er Février, la FDA refuse de mettre
sur le marché le Contrave. Le cours d'Orexigen perd alors 72,50% en clôture. Et
SAC CAPITAL subit une perte de 20 millions $ en un jour sur ce trade.
CONCLUSION
J'aurai tendance à dire que même les financiers les plus avertis peuvent se
tromper… Dans le cas de Transgene, Dassault souhaite jouer la Recovery de la
société, qui a perdu -15% depuis le début de 2011. Cependant, le pari de
Dassault diffère de la stratégie de SAC Capital. Ce dernier souhaitait jouer une
annonce de premier plan. Pour ma part, je juge le pari de Dassault risqué. Rien
ne garantit que leur investissement leur fera gagner de l'argent.
Imaginez la chose suivante : que ce serait-il passé si vous aviez suivi SAC
CAPITAL le 31 Janvier en vous embarquant dans un trade sur l'approbation du
Contrave ? Je pense que vous auriez été mal inspiré et que vous vous en seriez
mordu les doigts ! Pour Transgene, l'avenir nous dira si Dassault était bien
inspiré… ou s'ils se sont crashés. Selon moi, cela leur a permis d'abaisser leur
prix de revient. Mais il est encore bien trop tôt pour tirer quelconque
conclusion hâtive.