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Le monde du trading automatique creuse-t-il sa propre tombe ?

Par Samuel Rondot;

samuel rondot

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Patrice Bernard dans son dernier article « Quand les robots remplaceront les traders » a attiré mon attention vers le document de travail du projet Foresight commandé par l’Angleterre pour comprendre et estimer l’impact du trading algorithmique sur les marchés financiers.

Ça me brûle tellement la langue que je ne peux pas me passer de commenter en aparté qu’avant qu’on voie en France un travail d’une telle qualité, les poules auront des dents (anglaise peut-être)...

Ce travail est touffu, je dois l’admettre, mais admirable. Je n’ai jamais vu auparavant regroupé en quelques pages (50 tout de même) un condensé aussi riche d’informations sur les acteurs du monde du trading professionnel automatique qui, je vous le rappelle, représente aujourd’hui 70 % du volume aux US et près de 50 % en Europe.

La conclusion de cet essai est, qu’à leur avis, il n’y a pas de risque majeur dans le trading à haute fréquence sauf cas très particulier qu’ils soulignent dans la première partie. Pour ne pas alourdir cet article, je vous invite à le parcourir rapidement ou à vous référer à mes précédents propos sur le trading à haute fréquence puisque bon nombre de conclusions sont communes.

Cet excellentissime document manque cependant deux points cruciaux et cela ne me surprend guère de la part d’universitaires parfois un peu déconnectés du monde réel.

1/ Le marché serait de plus en plus efficient.

Le mot est prononcé un nombre incalculable de fois. Les auteurs s’en félicitent, le trading algorithmique, et plus particulièrement le trading à haute fréquence, participe à rendre le marché beaucoup plus efficient.

Écrit autrement cela veut dire que plus que jamais à tout instant, le prix d’un actif financier représente au plus près la situation réelle de tout ce que l’on sait sur cet actif.

Toutes les informations sont prises en compte pour lui donner un prix juste et le plus vrai possible.

Vous allez me dire, super si les marchés nous donnent des prix plus vrais, pourquoi y voir un problème ?

Eh bien, le problème qu’ont oublié nos universitaires c’est que si les prix sont totalement efficients, TOUTE forme de trading est vouée à l’échec.

Le trading actif n’existe que parce que les prix ne sont pas efficients. S’ils le sont quasi parfaitement il EST IMPOSSIBLE de gagner en faisant du trading.

Dans ce cas, les cours de bourse ne seraient qu’une suite d’évolution au hasard.

Ça veut dire qu’acheter des sicav, faire du trading, parier sur l’or ou le pétrole, n’a plus aucun intérêt.

Rassurez-vous, on n’en est pas encore là, mais comme le dit ce document, le trading à haute fréquence nous en rapproche.

Rappelez-vous, depuis près de deux ans, je vous rapporte directement la performance moyenne des 400 fonds les plus importants gérés automatiquement (avec des robots). L’année 2010 s’est terminée juste au-dessus de 0 et cela seulement grâce à des habillages de fin d’année au profit d’un gain record sur un unique mois de décembre de près de 4 %.

Et cette année, depuis le 1er janvier, nous en sommes en moyenne à -1 %.

Et comme l’ajouteront sûrement certains commentaires, il s’agit d’une moyenne, les très bons gomment la performance des mauvais. Dans le détail la situation est donc bien pire.

2/ Tout le monde se félicite de l’apport de liquidité, mais quel impact sur la rentabilité du trading ?

Nul doute que le trading à haute fréquence a resserré les spreads, augmenté le volume et peut-être même rendu le marché plus efficient.

Sauf que je voudrais rappeler une petite évidence mathématique.

La taille du gâteau à se partager est vaguement constante. Les fruits du trading (qui n’est pas du tout un jeu à somme nulle malgré la croyance populaire, il faudra que j’y revienne un jour) vont dépendre des apports de capitaux et vont ensuite se répartir entre les types de produits.

On peut tourner le problème comme on veut, si ce n’est pas un jeu à somme nulle, la performance de l’ensemble ne peut pas être autre chose que la performance moyenne de tous les acteurs.

Dans toute cette histoire, vous le savez, il y a une force de frottement, ce sont les frais.

Alors, certes le trading à haute fréquence a apporté liquidité et tout ce qui va bien pour ceux qui le défendent à cor et à cri, sauf que voilà, il a mangé une part du gâteau que les autres n’ont plus et surtout il a morcelé en tout, tout petits bouts ces gains possibles.

Or avec la multitude de frais divers et variés, il n’y a que les aveugles pour pointer du doigt qu’ils ont participé à la baisse moyenne des frais de trading.

Certes, la moyenne est plus faible, mais le chiffre global grâce à l’augmentation du volume et de la fréquence est lui en forte hausse.

Ça ne sautera pas aux yeux à première vue, car les bourses omnipotentes ont dû partager le gâteau avec des systèmes alternatifs et autre dark room, mais si on fait le total, je peux vous assurer qu’aujourd’hui une industrie qui ne souffre pas vraiment de la crise, c’est bien celle qui fait les cotations, prend les ordres et autres chambres de compensation.

Si vous m’avez suivi jusque-là, vous avez déjà compris où je veux en venir.

On prend le même gâteau, on met plus d’acteurs et en plus on a bien plus de frais pour diminuer le gâteau disponible.

Les classements de tous les gestionnaires à la recherche d’alpha (l’avantage sur le marché) ne s’y trompent pas. Le métier de gestionnaire intelligent n’a jamais été aussi difficile.

Mais ne vous inquiétez pas, avec la loi Tobin les politiques vont bientôt faire disparaître tous ces parasites, comme ça il ne restera plus personne pour prêter aux entreprises qui veulent lever des capitaux. Ah bon, la bourse ça servait à ça, diront nos enfants dans dix ans ?

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