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Les résultats d'Amazon

Par Michel de Guilhermier

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Amazon a annoncé cette semaine ses résultats du 1er trimestre 2009. Ils étaient très bons, ce qui propulsé encore plus haut l'action, qui s'échange maintenant sur un PE de 56 et sur un ratio EV/EBITDA de 31. Je suis peut-être bien trop prudent, mais c'est vraiment trop cher pour moi ! Depuis le début de l'année, l'action a doublé (alors que le Dow Jones est en baisse de 8%), graphe ci-dessous.

Les quarterly earnings d'Amazon me donnent l'occasion d'approfondir ici, pour la 1ère fois, ses economics.

Petite digression auparavant sur pourquoi je l'ai intitulée "la pieuvre" : sur une croissance du CA globale de 18%, la croissance du segment "media" (Livre, CD, DVD) était de +7% mais celle du segment "Electronics & General Merchandise" était de +38%.

Ce +38%, très largement supérieur au taux de croissance de l'e-commerce, tant aux US qu'à l'International, montre qu'Amazon étend progressivement son emprise sur toutes les catégories de l'e-commerce. De fait, aux US et au UK, Amazon propose une quarantaine de rayons...

Aux US particulièrement, la croissance du segment EGM fut de +41% au Q1 2009, ce pour un e-commerce américain global qui n'a pas du gagner plus de quelques % sans doute.

Au niveau des economics, c'est diablement intéressant et montre à quel point le métier d'hypermarché du web est extrêmement difficile !

Lors d'un 1er regard sur les comptes, on voit que la marge brute est de 24% du CA environ, qu'Amazon dépense 8% en fulfilment, 5% en technologie, 2,5% en marketing et 1% de frais généraux de structure. Avec au bottom line un très honorable 6,6% de résultat d'exploitaiton.

Mais avec une marge brute de 24% seulement, et une contribution directe à 16% du CA (24-8% fulfilment), il faut en faire du volume. Si Amazon garde le nombre de ses commandes secret, j'estime (je vous passe les calculs, c'est pas simple) qu'elle a expédié entre 100 et 120 millions de commandes ce trimestre, soit un peut plus de 1 million tous les jours. Petite marge mais énorme volume, voila le 1er volet de la rentabilité d'Amazon.

En fait, la situation est à la fois plus compliquée et bien pire margin-wise !

En effet, les 24% de marge brute annoncée incorpore les commissions qu'Amazon prélève sur les transactions réalisées avec les tierces parties (market place). Ce montant est en fait très significatif puisque Amazon précise que, en terme de volume, environ 1 envoi sur 3 était le fait de tierces parties. Après un petit calcul tenant compte d'hypothèses comme le taux de commission (que j'ai mis à 12% en moyenne) et de panier moyen (que j'ai mis à 140$ pour le segment EGM), j'en ai conclu que le taux de marge brute sur la partie retail (produits achetés et vendus par Amazon) était de l'ordre de 15% seulement !

Après un peu de travail, voila une intéressante reconstitution du P&L d'Amazon au Q1 2009 (sous toute réserve, ce sont mes estimations personnelles) :

Chiffre d'affaires : 4,9Mds$
Retail : 4,3Mds $
Market Place : 0,6 Mds$

Contribution (ventes - achats marchandises - fulfilment) : 743M$
Retail : 263M$
Market Place : 480M$

On constate que sur la partie retail proprement dite, la contribution n'est que de 6%, et que la market place représente environ 65% de la contribution totale d'Amazon !

Et pour les autres coûts :

Technologie : 239M$
Marketing : 124M$
G&A : 56M$
TOTAL : 419M$

Operating Income : 743-419 = 322M$, 6,6% du CA

Si Amazon n'avait que sa partie retail d'e-commerçant traditionnel pour couvrir ses coûts fixes et ses dépenses marketing (419M$ au total mais on pourrait alors bien entendu en enlever une partie importante dans ce cas), il est vraisemblable qu'elle ne serait qu'à peine rentable. Il faut d'ailleurs se rappeler qu'Amazon n'a atteint le break-even qu'en 2003, soit lors de sa 10ième année seulement, et ce avec 3Mds$ de CA.

Voila, la dure mais implacable réalité d'un e-commerce à la Amazon (ou RueduCommerce, Pixmania et CDiscount en France), c'est que c'est difficilement rentable, même avec une volumétrie colossale et en étant très efficace comme peut l'être Amazon. Que ceux qui rêvent d'un eldorado e-commerce reviennent sur terre et regardent les chiffres !

Bien entendu, on peut toujours rogner sur les investissements en service, en technologie, en systèmes de contrôle - alors qu'Amazon lui ne lésine pas, dépensant par exemple près de 1Mds en techno l'année dernière - il y en a qui ont agit comme cela avant de se vendre, mais ce n'est pas pérenne.

Dernier point, j'estime que le client moyen rapporte à Amazon 50 à 60$ de marge nette par an, ce alors que le coût d'acquisition doit être de l'ordre de 20 à 25$ (dans un prochain post j'évoquerai la taux de récurrence chez Amazon, si le client en rapporte pas beaucoup par commande, il a le mérite de revenir assez souvent). Sur 10 ans, ce client rapporte environ 400$ de valeur nette.

Comme Amazon en a 90 millions, cela ferait 36Mds$ de valeur. Pure coincidence peut-être, mais c'est exactement sa capitalisation boursière aujourd'hui. Comme quoi, même à ses niveaux très élevés actuellement, cela peut s'expliquer. Pour la justification, c'est autre chose !

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