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Lorsque des génies prennent le contrôle de la "Phynance"

Par Sacha Pouget

sacha pouget

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Dans la première partie de mon article sur les génies de la Phynance (voir la Partie 1), j'ai abordé les systèmes adaptatifs basés sur des algorithmes mis au point en salle de marché.

Ces modèles sophistiqués ont réussi à capter l'essentiel des ordres exécutés sur les marchés. Nous allons voir ici l' avantage décisif tiré des algos et le recours des physiciens en salle de marché ne date pas d'hier.

 Le développement du trading Algo est une tendance lourde dans l'industrie financière. 94% des traders interrogés estiment que leur utilisation sera accrue ou stable en 2012 (sondage Oct. 2011). Lorsqu'on pose la question aux responsables de salles de marché de savoir pourquoi ils ont recours de plus en plus aux programmes automatisés, ceux-ci avancent que c'est principalement en raison de leur simplicité (à 39% des répondants) et de leur productivité accrue (à 37%).

L’astuce de ces génies de la Finance consiste à créer pour isoler toutes les données importantes et faire tourner les machines en pilotage automatique. Les systèmes les traite. Ils passent alors les ordres sur le marché. Sans aucune intervention humaine.

Les Quants se servent de la physique comme d'un laboratoire pour anticiper la tendance sur les marchés et construire des programmes entièrement automatisés pour traiter des ordres sur les marchés. Pour côtoyer ces Physiciens, ils n'ont rien du geek tel qu'on pourrait l'imaginer (voir cette illustration sur InfoProc).

Certains s'étonnent et parfois s'offusquent de voir les ordres automatisés prendre une place de plus en plus importante sur les marchés financiers. De l'aveu même des génies de la physique, dont j'ai recueilli le témoignage : "il faut faire la part des choses entre le HFT qui n'est autre qu'une manipulation, et les systèmes Algo qui cherchent à repérer les anomalies de marché".

Etant moi-même issu de l'analyse fondamentale, j'étais il y a encore peu de temps réticent sur la montée en puissance des Quants et de leurs modèles automatisés. Aujourd'hui, je pense qu'il faut accepter cette situation, qui fait partie intégrante de la structure du marché même si je déplore l'utilisation du HFT (forme la plus aboutie des Algos). J'avoue quand même être aujourd'hui fasciné par leur discipline et leur travail.

Partant du simple constat que les marchés financiers sont le produit de l’activité humaine, et étant donné que les hommes sont avant tout des créatures irrationnelles, la plupart des traders agissent par mimétisme. Ils suivent les tendances et réagissent en masse. Acheter et vendre des actions sur le marché, c'est donc agir en suivant un comportement moutonnier.

C'est ce que nous dit la théorie des marchés inefficaces, fondée sur les faiblesses humaines et le comportement suiviste des personnes agissant en groupe. Cette notion prend de plus en plus de place dans les salles de marché.

Après tout, les traders ont tous plus ou moins les mêmes connaissances et les mêmes préjugés. Ils lisent tous les mêmes journaux. Ils ont souvent tendance à regarder le monde de la même manière, et partagent des émotions communes - comme la peur et l’appât du gain - et ils obéissent aux règles universelles de la psychologie humaine. Bref, ils agissent en troupeau. Tout cela a été fort bien décrit dans la théorie des archétypes de Jung.

Ensuite, pour détenir cet avantage décisif et prendre en considération des données sur la psychologie humaine, il s'agira d'utiliser des techniques adaptables permettant de gagner de l'argent. On l'oublie, mais c'est de cette façon que Morgan Stanley a amassé une fortune colossale. Son succès se résume en deux points : une technique duplicable, et des professionnels de la Physique pour les appliquer. Fort de cet ADN (les Algos font partie du patrimoine génétique de cette firme de Wall Street), Morgan Stanley était le 3éme négociateur sur le NYSE.

Morgan Stanley n'a fait rien d'autre que d'appliquer une technique mise au point par Jesse Livermore, un célèbre trader du début du 20ème siècle : le Trading de paires. L’idée de départ était que les prix des actions qui sont liées (d'un même secteur par exemple) doivent être corrélés. Il s'agissait ici de prendre position sur des titres ayant des écarts inhabituels, comme lorsqu'un titre reste à la traîne et qu'un autre monte.

Cela s'apparente à des techniques d'arbitrage, qui perdurent aujourd'hui en utilisant des outils plus évolués aussi bien sur des actions (stratégie 'Long / Short Equity') que sur des Obligations. Désormais, les Algo sont utilisés par exemple en "Best-Exec" (c'est à dire pour rentrer au meilleur cours, principalement sur de gros blocks) ou bien pour enclencher des ordres en "News feed" (suite à des annonces/événements trouvés sur les fils Reuters/Bloomberg).

Si Morgan Stanley a embauché des astrophysiciens et ajoutait un zéro supplémentaire aux salaires des professeurs d’université, nul doute que cette stratégie était avantageuse. Depuis, le constat est que cela perdure, et prend même une ampleur jamais vue (sur le Forex, les ordres automatisés représentent par exemple 45% des ordres exécutés, contre seulement 2% en 2004).

Heinz Pagels, professeur de physique à la Rockefeller University, a dit un jour : "Ceux qui maîtriseront la nouvelle science de la complexité deviendront les superpuissances économiques, culturelles et politiques du siècle prochain". Cette 'science de la complexité' étant appliquée à grande échelle dans la finance de marchés, et sans cesse en croissance, elle génère des milliards de revenus. L'enjeu est donc colossal...

Sacha Pouget
www.sachapouget.com


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