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Monnaie, banque centrale, étalon or

Par Vincent Benard;

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Curieusement, parmi les commentateurs et analystes de la presse mainstream, la crise financière que nous vivons ne soulève aucune question sur la viabilité du système monétaire international. Pourtant, nombre d'économistes, essentiellement des autrichiens, posent clairement la question de la viabilité du système monétaire tel qu'issu du jour funeste de 1971 ou l'administration de Richard Nixon décida de supprimer la convertibilité du dollar en or. C'est un raccourci, bien sûr. Les défauts de notre système monétaire étaient antérieurs, mais je ne prétends pas en refaire l'histoire ici.

En contrepartie, beaucoup de libertariens voudraient imputer la crise aux seuls défauts du système bancaire actuel. "The FED did it, period !". J'ai eu l'occasion de critiquer cette  approche bien trop simpliste selon moi, sans une ancienne note consacrée à la politique monétaire d'Alan Greenspan.

Mais je n'en concluais pas moins que Greenspan avait accentué la crise. Voyons maintenant pourquoi une monnaie non planifiée, obéissant à des mécanismes de marché, aurait empêché la bulle immobilière de prendre de telles proportions, d'une part, et pourquoi une monnaie déconnectée de tout actif et gérée de façon centralisée par des banques centrales favorise l'apparition de désordres économiques.

Fiat Money

Nous vivons actuellement sous un système de monnaie dite fiduciaire, "Fiat Money", c'est à dire basée sur la confiance. Confiance dans le fait que lorsqu'une certaine quantité d'argent circule, cela suppose qu'à l'origine de cette circulation, des biens dont la valeur de marché est à peu près égale à cette quantité aient été produits. Si la quantité de monnaie en circulation augmente un peu (ou beaucoup) plus vite que la quantité d'échanges permise par la production réelle des agents économique capable de trouver preneur, alors il y a inflation: les prix de certains articles augmentent du fait du surcroît de monnaie disponible pour se porter sur l'achat de ces produits. Par des mécanismes divers, la banque centrale tente de faire en sorte que la masse monétaire augmente à peu près au même rythme que la production: la masse monétaire est pilotée de façon centralisée. Les banques centrales sont censées être indépendantes des pouvoirs politiques. Elles n'en sont pas moins des monopoles garantis par l'état. Quiconque oserait émettre des monnaies concurrentes serait impitoyablement pourchassé, soit comme contrefacteur, soit comme faux-monnayeur.

Nous avons tous peu ou prou perdu de vue la façon dont pourrait fonctionner un marché libre de la monnaie. Attardons nous un peu sur ce fonctionnement, de façon ultra simplifiée, pour faire court.

Le cycle de la monnaie et du crédit dans un marché monétaire libre

Mises et Hayek furent les principaux défenseurs d'une monnaie libre de toute influence des régulateurs publics. Voici un résumé de leur modélisation du cycle de la monnaie et du crédit dans un marché libre, de fait parfois appelé "cycle autrichien".

Imaginons une société dans laquelle le stock de monnaie disponible serait à peu près stable (nous verrons comment ultérieurement). Dans cette société, les banques n'auraient pas la possibilité de créer ex-nihilo une monnaie de crédit pour alimenter le compte d'un individu ou d'une entreprise.

Dans un tel système, l'existence du crédit est liée à la propension des agents économiques à vouloir prêter de l'argent à des tiers. Si les agents économiques veulent consommer peu, et donc épargner beaucoup, alors beaucoup de monnaie se présente aux guichets des établissements de crédit. Pour pouvoir la prêter, les prêteurs, ou plus généralement les intermédiaires gérant les opérations de prêt (les "banques"), doivent en baisser le prix. Les taux d'intérêts tendent à baisser. Des entreprises sont alors prêtes à investir pour découvrir les produits nouveaux, ou meilleurs, ou moins chers, qui ramèneront les consommateurs dans les magasins.

Lorsque ces produits sortent, la propension à vouloir consommer augmente, aidée par la baisse des taux d'intérêts qui permet aussi d'alimenter le crédit à la consommation. De fait, l'épargne prête à s'investir diminue. Les taux tendent à augmenter. Les entreprises investissent un peu moins: cela tombe bien, les clients sont dans une phase où ils sont plutôt satisfaits du choix qui est le leur.

Puis, sous le double effet de la satiété et de l'augmentation de la rémunération de l'épargne, les agents économiques se remettent à épargner. Et le cycle peut recommencer.

Dans un tel système, on voit que le cycle du crédit est parfaitement équilibré: lorsque les individus tendent à privilégier la consommation, l'incitation à l'investissement est réduite, et lorsque les individus sont en attente d'évolution des offres, l'incitation à l'investissement est augmentée.

Naturellement, dans le monde réel, le cycle peut connaître des à-coups. Et la tendance haussière ou baissière des taux n'est pas uniforme mais est la résultante de micro-tendances  propres à chaque secteur d'activité, à des "trends" de consommations différents entre bassins d'emploi, styles de vie, etc... L'envie de consommation de produits électroniques et de voyage peut être forte alors que l'envie d'automobiles est moins importante, et vice versa.

Le taux d'intérêt ainsi déterminé sur un marché libre est le résultat de millions de décisions individuelles qui s'inscrivent dans autant de "micro-cycles" qui, assemblées, créent une tendance générale. Il permet de donner un signal assez clair aux investisseurs sur l'opportunité ou non d'investir, mais évidemment, il n'évite pas l'obligation, pour l'investisseur, d'étudier son marché pour savoir si le temps est au renouvellement massif du parc automobile ou au développement de l'immobilier...

Dans ce cycle, la banque prêteuse n'a qu'une seule ressource, la monnaie épargnée par ses clients: l'épargne précède le crédit ! Elle détermine à la fois le taux de rémunération de l'épargne (à son passif) et le taux du crédit (à son actif)  par la nécessité à la fois d'attirer des clients épargnants, ce qui détermine un "cout de sa ressource", et de trouver des emprunteurs, ce qui détermine un rendement des emplois. La banque fait ses affaires à la fois en facturant ses services (mise à disposition d'instrument de paiements) et en réussissant à payer plus cher qu'elle n'épargne. Le taux d'intérêt consenti à l'emprunteur comprend donc les éléments suivants :

  1. Le coût de la ressource : rémunération de l'épargne. C'est évidemment le principal poste de prix de revient de la banque.
  2. Le coût de son intermédiation dans les opérations de crédit : "marge d'intermédiation". Elle doit conserver cette marge aussi faible que possible, concurrence oblige.
  3. Le coût d'assurance: si un prêteur ne rembourse pas sa dette, la banque se retrouve dans une situation difficile. Elle doit donc d'une part bien sélectionner à qui elle prête, mais aussi faire payer à tous ses clients emprunteurs un surcroît de taux destiné à couvrir le risque de défaillance d'une petite partie d'entre eux. Elle doit donc rechercher le bon équilibre entre risque pris en prêtant, et expansion de son volume d'affaires, pour maintenir ce coût d'assurance à des niveaux acceptables. Ce coût est généralement fonction des caractéristiques de l'emprunteur et du prêt.
  4. Une petite marge bénéficiaire, parce qu'il faut bien rémunérer les investisseurs propriétaires de la banque. Sinon, qui voudrait se lancer dans un business pareil, je vous le demande ?

L'état, facteur de désordre

Admettons maintenant que l'état décide d'adopter un système centralisé où des banques centrales pilotent elles mêmes la quantité de crédit octroyés, donc la quantité de monnaie en circulation. Laissons de côté, pour l'instant, la lancinante question du "pourquoi".

A certaines périodes, malgré sa légendaire "indépendance", la banque centrale, sous la pression combinée de l'opinion publique, de la presse et des politiques, parce qu'elle est dirigée par des humains, pas des robots, décide d'abaisser arbitrairement le coût de la ressource octroyée aux banques, en amenant au passif de ces dernières de la "monnaie centrale" à prix cassé, nettement plus faible que le coût attendu de la rémunération de l'épargne tel qu'un marché libre l'aurait déterminé.

La banque peut alors augmenter son volume d'affaires en baissant son taux octroyé au client final. Elle peut donc émettre plus de crédit qu'elle n'aurait émis dans un système de monnaie de marché: bon pour les bénéfices, les bonus du patron, et le moral !

Mais ce faisant, elle détruit l'harmonie du cycle autrichien de la monnaie. Les entreprises sont incitées à investir plus qu'ils ne l'auraient fait si le taux de marché avait prévalu. De même, les taux bas poussent les ménages à s'endetter pour consommer plus qu'ils ne l'auraient fait si le taux avait été fixé par le marché.

Par conséquent, alors que dans le cycle autrichien, investissement et consommation obéissent à des cycles antagonistes favorisant un certain équilibre, l'introduction d'une distorsion à la baisse du prix de l'argent pousse à la fois l'investissement et la consommation à la hausse en même temps.

"Et alors, me direz vous, il n'y a pas de risque de pénurie de monnaie dans un tel système ! Puisque la banque centrale peut créer la monnaie ex-nihilo, pourquoi ne pas baisser le taux d'intérêt auxquels les agents économiques peuvent emprunter, pour pousser à la fois la consommation et l'investissement ?"

La monnaie sans la ressource

Ce raisonnement à très court terme est celui qui nous est servi par tous les apôtres des politiques de relance par les taux d'intérêt. Il n'a qu'un seul très gros inconvénient: s'il est possible de multiplier la monnaie, il est absolument impossible de multiplier les ressources que la monnaie permet d'acheter ! En augmentant artificiellement la quantité de monnaie accessible à la fois au consommateur et à l'investisseur, la relance par des taux artificiellement bas ne fait qu'exacerber la compétition pour s'approprier les ressources les plus courues, et favorise donc l'émergence soit d'une inflation des prix à la consommation, soit l'apparition de bulles inflationnistes sur certaines catégories de produits: facteurs de production ou actifs divers.

L'entrepreneur qui a cru faire une affaire en empruntant à un taux massacré s'aperçoit que les ressources nécessaires pour produire les fruits de son investissement tendent à augmenter, et que des investissements qu'il croyait rentables sont de fait de mauvais choix. L'acheteur de maison qui a cru pouvoir s'endetter pour acheter une maison à un prix en forte hausse se retrouve avec un bien fortement dévalué. Et ainsi de suite.

Dans ce système, l'émission de monnaie peut avoir lieu sans que l'épargne correspondante ait été accumulée, et la manipulation des taux facilite les mauvaises décisions d'investissement, ou la consommation de biens produits inefficacement à des prix trop élevés. Seul problème: dans ce cas, tôt ou tard, la valeur créée par les entreprises sera insuffisante pour permettre aux agents économiques de rembourser à la banque ce qu'ils doivent : ces périodes sont celles de l'éclatement des bulles, qui peuvent, comme nous le voyons, déboucher sur des crises graves.

Bref, vous l'avez compris, le système est fortement propice à la formation de bulles inflationnistes procurant un sentiment de richesse artificielle, alternant avec de forts retours de bâton. L'on a cru longtemps pouvoir avec ce système garantir une inflation stable à +/-2% ad vitam eternam, avec une croissance moyenne de l'ordre de 2 à 3%. La crise actuelle montre que cette prétention est totalement illusoire : notre système financier a amplement démontré sa dangereuse instabilité.

La crise actuelle dans un système de monnaie de marché 

Comme je l'ai déjà écrit, dit et redit, les mécanismes de marché, si on les avait laissé s'exprimer, nous auraient protégé de la crise. La monnaie de marché, et donc le crédit de marché, nous auraient sans peine permis d'éviter de traverser la crise actuelle. En effet, plus la demande des ménages pour emprunter des sommes importantes pour acheter des maisons aurait été forte, et plus les taux d'intérêts auraient réagi rapidement à la hausse, alors même qu'Alan Greenspan a attendu 3 ans pour réagir aux bulles en formation entre 2002 et 2005. Cela aurait fortement limité la possibilité, pour les banques comme pour les géants du refinancement Fannie Mae et Freddie Mac, de financer leurs montages bancaires bancals destinés à faire croire que l'on pouvait considérer comme parfaitement sûrs des pools de prêts octroyés à des ménages peu solvables sous la pression du pouvoir politique ! 

Bref, une monnaie de marché nous aurait protégé des dérives du pouvoir central et des défauts des outils créés par les banques pour s'accommoder de ces dérives.

Pourquoi les états aiment les banques centrales et la monnaie fiduciaire ?

Nous comprenons pourquoi les banques aiment les banques centrales: parce qu'elles leur permettent d'augmenter artificiellement leur volume d'affaires et leurs marges, ce qui est bon pour les revenus de leurs cadres dirigeants.

Ajoutons que la crise actuelle montre combien la FED et la BCE jouent un rôle majeur dans le sauvetage des mauvaises banques, et donc dans la perpétuation de l'irresponsabilité de leurs dirigeants, en acceptant de prêter de l'argent aux banques en échange d'actifs de plus en plus douteux. Ainsi, les banques centrales sont devenues le pilier majeur de ce que l'on appelle "l'aléa moral", c'est à dire la faculté, pour des dirigeants de banques non actionnaires de leurs établissements, de privilégier des stratégies de gain à court terme bonnes pour leurs bonus, sans se préoccuper excessivement des risques que ces attitudes font courir à leurs actionnaires et à l'économie en général.

Mais pourquoi les états aiment tant les banques centrales et la monnaie fiduciaire ?

Les premières banques centrales furent crées de façon totalement dépendante du pouvoir central, car celui ci peut imprimer de la monnaie, et les gouvernements y voyaient un moyen commode de financer ainsi leurs aventures, notamment militaires. Ainsi, par exemple, la banque de France fut créée par le Consul Bonaparte. Mais évidemment, un tel manque de sérieux aboutissait immanquablement à ruiner la monnaie du pays se livrant à de telles pratiques.

Aujourd'hui, la plupart des banques centrales des pays sérieusement gérés sont dites "indépendantes", ce qui donne confiance aux investisseurs dans la solidité de la monnaie. Cela n'empêche pas les états d'y trouver leur compte. Parce que les états ont pris la mauvaise habitude de financer leur embonpoint non par l'impôt, car pratiquer une telle vérité des prix de l'action publique serait très impopulaire, mais par l'emprunt, elles chérissent un système où, au nom de la "croissance", un tiers acteur peut artificiellement baisser le coût de l'argent, permettant aux états de s'endetter à meilleur compte que si le taux d'intérêt était strictement fixé par un marché libre. Si les états empruntent trop dans un tel marché, ils forcent à la hausse les taux d'intérêt, et s'obligent bien vite à revenir à plus de discipline budgétaire... Avec la banque centrale, un arrangement permettant de continuer sur la voie de l'irresponsabilité budgétaire est toujours envisageable.

Malheureusement, cet espoir d'un arrangement avec les banques centrales fournit aux états un "aléa moral" de premier ordre. Les états n'hésitent pas à s'endetter à des niveaux stratosphériques, car ils espèrent que même s'ils rencontrent des difficultés pour souscrire leurs emprunts -- l'épargnant finit par être méfiant... --, ils pourront toujours demander gentiment à la banque centrale de racheter leur dette par création monétaire, créant une hyperinflation qui réduira artificiellement la dette des états... et spoliera de facto tous ceux qui leur ont prêter de l'argent.

Malheureusement, une inflation renforcée, parce qu'elle est à la fois forte et imprévisible, rend très difficile l'investissement à long terme: emprunter à des taux élevés interdit les emprunts de long terme, et l'incertitude sur la valeur réelle des gains futurs rend les entrepreneurs frileux. Voilà pourquoi l'on peut dire que les états financent leur croissance actuel aux dépens de la prospérité future de leur population.

Une monnaie de marché: l'étalon or

Nous voyons que le problème de la monnaie fiduciaire est que ce système n'est pas "autodiscipliné".  Certes, si les banquiers centraux pouvaient rester à la fois totalement indépendants des pressions du pouvoir, et identifier toutes les bulles en formation, si leur détermination à maintenir la valeur de la monnaie qu'ils gèrent était certaine (après tout, ce n'est pas la leur), et si les formules magiques leur permettant de calculer "le bon taux" étaient garanties exactes 100% du temps, l'on pourrait à la rigueur s'accomoder d'un tel système. Mais vous l'avez compris: cela fait trop de "si". La discipline de la banque centrale pour fixer "le bon prix de la monnaie" repose non pas sur un libre marché des taux d'intérêt, mais sur la science et la sagesse de gourous dont on ne sait que trop qu'ils sont, hélas, faillibles pour de multiples raisons. En outre, en période de crise, la sacro-sainte indépendance de la banque centrale risque littéralement de voler en éclat.

Au contraire, ce que j'ai jusqu'ici appelé "une monnaie de marché" semble bien mieux conçue en vue d'accompagner les cycles de consommation et d'investissement propres à tout système d'échanges économiques, et pour mettre une barrière à l'inconséquence budgétaire des états. Comment une telle monnaie de marché pourrait elle fonctionner ? Inutile d'aller chercher bien loin: longtemps, l'étalon or a joué ce rôle de monnaie de marché. Peut être existe-t-il d'autres dispositifs à inventer qui tiendraient la même fonction, mais jusqu'ici, seul l'étalon or (et, d'une façon générale, les étalons-métaux précieux) a prouvé sa faisabilité. 

La monnaie actuelle est déconnectée de tout actif. Or, jusqu'au début du XXème siècle, la base de nombreuses monnaies était l'or. Autrement dit, pour tout billet d'une certaine valeur faciale, un possesseur de monnaie pouvait se faire remettre une quantité d'or équivalente. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. 

Pour bien comprendre la monnaie basée sur l'or, il faut la considérer comme une marchandise parmi d'autres. De même que le pain sert à nous nourrir et la voiture à nous déplacer, la monnaie est une marchandise qui a une fonction bien particulière : fluidifier le troc, qui sans cela serait impraticable à grande échelle.

Il faut noter que ce n'est pas la seule fonction de l'or: il est utilisé abondamment en joaillerie depuis la nuit des temps, et plus marginalement dans les connections électroniques. L'idée d'utiliser l'or comme outil de fluidification du troc ne serait sans doute jamais venue aux marchands des temps jadis si l'or n'avait pas déjà été en circulation pour ses qualités propres.

Le prix de l'or, exprimé en marchandises, augmente quand la demande relative d'or par rapport aux autres marchandises diminue (par exemple, lorsque la quantité d'or circulant sur le marché augmente moins vite que la quantité des autres marchandises échangeables produites). Cela veut donc dire que pour une même quantité d'or, vous pouvez obtenir plus de marchandises: les prix tendent à baisser. Au contraire, si l'offre d'or augmente plus vite que l'offre des autres marchandises, le prix de ces dernières monte.

les banques sont donc limitées, dans leur capacité d'émettre du crédit, par la quantité d'or disponible sur le marché, et par la part qu'ils ont en réserve. Cette limitation est évidemment extrêmement contraignante, et peut aboutir à ce que les prix de marché des marchandises baisse. Ce n'est d'ailleurs pas réellement un problème: les prix, aux USA, au XIXème siècle, ont baissé de 37%. Cela n'a pas empêché  les USA  de connaître une croissance économique tout à fait remarquable à cette époque, du fait du développement technologique qui a touché le monde à cette époque: révolution du machinisme, révolution des transports... Voilà pour ceux qui prétendent que l'étalon or est inadapté à nos sociétés de forte croissance !

Lorsque l'on a compris que l'or n'est qu'un utilitaire d'évaluation de la valeur relative des autres marchandises les unes par rapport aux autres, alors l'on comprend que ce n'est pas la quantité d'or qui fait croitre l'économie, mais au contraire la quantité des autres productions échangeables rapportée au nombre d'individus profitant des processus d'échange, autrement dit, le génie et la productivité humaines.

Pourquoi fut il abandonné, "officiellement" ?

L'étalon or n'est pas un système parfait. Tout d'abord, il n'empêche pas certains entrepreneurs de prendre de mauvaises décisions, et de faire faillite. Il n'empêche pas qu'une banque puisse faire faillite. Si, pour quelque raison que ce soit, l'offre d'or, à un instant donné, croît trop lentement, alors les taux d'intérêts peuvent augmenter de façon  non coordonnée avec les cycles de l'investissement et de la consommation. Mais alors le prix de l'or tend à augmenter, ce qui incite les explorateurs à se montrer plus efficients, et tout rentre dans l'ordre assez vite. 

D'autre part, si la baisse des prix exprimés en or est plus rapide que les gains de productivité à une époque donnée, le manque de flexibilité "à la baisse" des agents économiques se paie cache en terme de faillites: le XIXème siècle a lui aussi connu des crises. Mais celles ci ont été pour la plupart courtes, car les états étaient alors, en pourcentage des produits intérieurs bruts, liliputiens, et n'intervenaient guère sur les cycles économiques... Excepté, pour certains d'entre eux, déjà, sur les banques.

La raison officielle de l'abandon progressif de l'étalon or, notamment aux USA, était que l'instauration de banques centrales comme prêteurs de dernier ressort allaient "stabiliser le système bancaire et éviter les faillites d'établissements de dépôt qui ruinent les épargnants". Les travaux de recherche de chercheurs tels que Randall Krozner ont montré que l'objectif affiché n'avait pas été atteint et que les faillites bancaires s'étaient poursuivi à un rythme plus soutenu après la création des banques centrales qu'avant.

Mais la véritable raison de l'abandon progressif des monnaies se rapprochant de monnaies de marché, comme en Europe, est bien évidemment l'imminence de conflit de mondiaux dont les états craignaient ne pas pouvoir assurer le financement s'ils ne pouvaient pas imprimer eux mêmes leurs billets. Quant aux banques, nous avons vu que nombre d'entre elles ont vu dans cette création un effet d'aubaine remarquable, au point que certains auteurs affirment que la loi créant la FED fut en fait rédigée au cours d'un dîner entre banquiers. J'ignore si cette affirmation est vraie, mais il est exacte que la FED, institution privée à statut très particulier, fut une création conjointe de l'état US et de grands banquiers.

A la fin de la WWII, il fut décidé que les monnaies flotteraient autour du dollar, celui ci restant convertible. En 1971, l'état américain, embourbé dans l'aventure vietnamienne, incapable de faire face à ses dettes et ses obligations de conversion, décide de dévaluer sa monnaie en supprimant sa convertibilité en or. Nous noterons sans surprise que c'est à partir de 1973 que l'état Français s'est mis à accumuler les déficits abyssaux presque sans discontinuer.

Aujourd'hui, point de guerre en prévision, mais les états se sont habitués à l'indiscipline permise par l'émission excessive de monnaie fiduciaire, qui permet une combinaison de taux bas et d'endettement stratosphérique. Au point de menacer la stabilité du système économique dans son ensemble.

Conclusion

Une monnaie dont le coût aurait obéi à de stricts principes de marché nous aurait protégé efficacement des excès d'intervention du politique dans l'octroi du crédit bancaire, la gestion du bilan des banques, les politiques de restriction foncières, et autres facteurs ayant lourdement contribué à former la bulle de crédit sans création de valeur qui est en train d'exploser.

En outre, avec une telle monnaie, cela fait longtemps que les états les moins bien gérés auraient dû rétablir des situations budgétaires plus saines.

Bref, une monnaie de marché n'empêcherait pas les agents économiques, au premier rang desquels l'état, de faire de mauvais choix, mais elle rendrait plus difficile la continuation de ces mauvais choix sur de longues périodes, évitant les crises graves.

Il parait donc urgent que nos élites du G20 et d'ailleurs examinent le retour aussi rapide que possible à un système monétaire mondial fondé sur des monnaies de marché, et donc sans doute sur l'étalon or, plutôt que d'envisager une "super-supervision" du système financier mondial qui ne fera qu'augmenter l'incapacité des régulateurs à prendre en compte les bons paramètres issus de milliards de décisions individuelles pour prendre les bonnes décisions au bon moment.


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