Plus le temps passe, plus j’observe de comptes et d’aventures de traders sur
le long terme, et plus je suis convaincu que le succès passe par la gestion des
évènements rares. Ce qu’on appelle la mauvaise série ou l’accident. C’est dans
ces moments-là qu’on va faire la différence entre mourir ou survivre.
Si
on pratique le trading suffisamment longtemps, il est inéluctable qu’on
rencontre une série ou un événement isolé que l’on pensait totalement
impossible. Et c’est dans la gestion de cet événement que chacun va décider de
son sort.
La plupart des débutants perdent toute leur lucidité et se
retrouvent paralysés. Ils sont totalement incapables de prendre du recul. Ils
s’enferment dans leur scénario jusqu’au-boutiste et préfèrent mourir avec leur
compte plutôt que de prendre les bonnes décisions.
Couper une perte et
plus encore une grosse perte est un des gestes les plus douloureux en trading.
Mais c’est aussi celui qui va conditionner votre survie. Le capital sur votre
compte est le nerf de la guerre. Sans lui ou sans assez d’argent, "game over".
Nous avons tous vécu à un moment donné une situation qui paraissait
tellement incroyable qu’elle ne pouvait pas durer. On pensait avoir forcément
raison et « se refaire ». Et non, car l’impossible peut toujours arriver. Pour
vous en convaincre, je vais vous donner deux exemples qui n’ont rien à voir avec
la finance et qui devraient vous aider à prendre du recul et à garder votre
lucidité dans ces moments difficiles.
Le premier est un accident
personnel. Pas plus tard qu’hier, j’ai voulu profiter de conditions dantesques
pour aller faire quelques photos. Le ciel était menaçant mais clairsemé, la mer
démontée et le vent, pas loin des 100 km/h. Un cocktail explosif qui devait me
permettre de ramener de belles images.
Je choisis mon endroit en fonction du vent. Puis arrivé sur place, j’étudie
les vagues pour voir où je peux m’installer sans risque d’être trempé, tout en
m’approchant le plus possible du bord.
Une fois que j’ai trouvé la
meilleure zone, je prends encore plus de précautions, en me plaçant sur un
plateau rocheux à deux bons mètres au-dessus de l’endroit qui m’intéresse. À ce
niveau-là, sur 20 m avant et 20 m après, tout est sec. Même les embruns des
vagues qui explosent plus loin ou sous ma position n’atteignent pas cet endroit.
Je m’installe et j’attends patiemment la bonne lumière pour prendre ma
photo.
Et là, deux minutes après mon installation, une combinaison de
vagues et de ressacs crée une explosion de vague géante qui vient s’échouer
exactement là où je me trouve.
Je ne l’ai pas vue venir. Non seulement
cette vague a atteint ma position qui malgré vingt-quatre heures de tempête
n’avait jamais été mouillée, mais en plus, elle l’a atteint avec une violence
énorme. J’ai été traîné par l’amas de flotte qui s’est abattue sur moi sur plus
de 4 m. Mes genoux s’en souviendront un petit moment.
Je connaissais mon
risque. J’avais pris toutes les précautions. Connaissant bien la mer, j’avais
ajouté une très grande zone de sécurité supplémentaire... Eh bien, je me suis
fait punir. Ce qui ne devait pas arriver est quand même arrivé.
Autre
exemple. Je déjeune de temps en temps avec un ami qui est joueur de poker
professionnel. Depuis huit ans, il gagne sa vie et – même très bien – à écumer
les tables de poker.
Lors de notre dernier déjeuner, on en vient à
échanger nos récentes performances. Et là il me confie : « Écoute, je n’ai
jamais vécu ça dans ma carrière, je n’ai jamais eu autant de mains à 50 ou 70 %
contre moi. ». Si vous ne le savez pas, dans un environnement clos comme le
poker votre main vous donne un pourcentage de chance de gagner ou de perdre. Cet
ami conserve toutes ses statistiques avec une rigueur que j’ai rarement
rencontrée.
Eh bien, lors de notre déjeuner, ça faisait deux mois que sur
les mains ayant entre 50 et 70 % de chance pour lui, il avait un taux d’échec,
tenez-vous bien... de 80 %. Vous avez bien lu, huit fois sur dix, il a perdu les
mains qui devaient lui donner au moins 50 % de chance de gagner.
Il a
ajouté : « Dans ma carrière, jamais cette situation n’avait duré plus de dix
jours. Jamais je n’aurais pensé qu’elle pourrait durer plus d’un mois. Voilà
deux mois maintenant que je me fais ramasser par le destin. »
Au jeu,
dans la vie ou en bourse, le hasard est présent à chaque instant. Nous essayons
de le maîtriser le mieux possible, mais nous ne pourrons jamais imaginer sa
véritable force.
Il n’y a pas une semaine sans que je vois des traders se
faire emporter par une vague d’une telle violence qu’ils étaient convaincus que
ça n’arriverait jamais. Seuls ceux qui avaient mis en place une gestion du
risque irréprochable sont toujours assis à la table de poker ou derrière leur PC
à faire du trading. Les autres ont rejoint le camp de ceux qui ont été emportés
par le marché sur son passage.
Il n’y a pas de recette miracle. La seule et unique possibilité est de
limiter votre risque pour que vous ayez une chance de vous relever d’un tel
événement.
Quand la limite qui met en danger votre outil de travail est
atteinte, coupez votre position, prenez du recul, digérer cet événement, soignez
les blessures psychologiques que le destin vous a infligées et revenez défier le
hasard ultérieurement.
Si vous vous entêtez à provoquer le hasard, je
peux vous garantir qu’il ne vous ratera pas.
Samuel
Rondot
Directeur de Bestcfd.com
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