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Turquie: l'avenir touristique incertain d'une cité engloutie par les eaux d'un barrage


Actualité publiée le 28/09/20 09:47

Les eaux d'un lac artificiel submergent la cité antique de Hasankeyf, dans le sud-est de la Turquie, le 21 février 2020 (AFP/BULENT KILIC)

Seuls deux toits émergeant de l'eau rappellent qu'une cité antique, Hasankeyf, se dresse sous le lac artificiel qui l'a engloutie après la construction d'un barrage controversé.

Située sur les rives du Tigre, dans le sud-est de la Turquie, Hasankeyf était autrefois une attraction touristique populaire pour ses monuments historiques, datant de l'époque romaine, byzantine et ottomane.

La construction controversée du barrage d'Ilisu a entraîné le déménagement de ses habitants à majorité kurde vers un nouveau site. Certains monuments historiques ont également été déplacés.

Sur fond de bruit permanent de marteau-piqueur, son marché et ses routes inachevés couverts de poussière, la nouvelle Hasankeyf a aujourd'hui des airs de chantier.

Abdurrahman Gundogdu, âgé de 48 ans, craint que sa vie ne sera jamais comme avant.

"Je gagne seulement 1% de ce que je gagnais dans l'ancienne ville", raconte ce patron d'une boutique de souvenirs déserté par les clients. "Il y a des touristes locaux, mais ils n'ont pas vraiment d'argent", se plaint-il.


Un corps est exhumé de l'ancien cimetière de Hasankeyf, en Turquie, pour être transféré vers une nouvelle sépulture, le 15 septembre 2019 (AFP/Archives/BULENT KILIC)

Forcés de quitter leur ville vieille de 12.000 ans, certains habitants ont aussi dû déplacer les tombes de leurs proches.

Près de 500 sépultures ont été transférées en septembre vers la nouvelle Hasankeyf. D'autres ont été submergées par les eaux faute d'avoir pu être déplacées à temps.

- "Notre passé est englouti" -

Le barrage d'Ilisu est une pièce centrale du Projet d'Anatolie du Sud-Est (GAP), un plan d'aménagement du territoire visant à doper l'économie de cette région longtemps négligée en s'appuyant sur l'énergie et l'irrigation.

Des habitants et des défenseurs du patrimoine culturel avaient tenté de convaincre le gouvernement à renoncer au barrage et de sauver la cité antique, mais en vain.


Un café au bord du Tigre à Hasankeyf, en Turquie, le 17 août 2019 (AFP/Archives/BULENT KILIC)

Les piliers du vieux pont, très prisés des amateurs de photo, ont aussi disparu ainsi que les habitations troglodytes creusées dans la roche calcaire à travers les millénaires.

"C'est tellement tragique. Tout votre passé, vos ancêtres, votre histoire sont tout d'un coup engloutis sous les eaux", affirme Ridvan Ayhan, porte-parole de l'association "Sauver Hasankeyf" qui a fait campagne contre le barrage.

Le gouvernement rejette toute critique, arguant que la plupart des monuments de Hasankeyf ont été mis à l'abri et en faisant valoir qu'une nouvelle ville a été construite à proximité pour reloger les quelque 3.000 habitants de la cité historique.

Pour les autorités, la nouvelle ville devrait aussi devenir une attraction touristique, avec la possibilité de faire des balades en bateau et de visiter un "parc archéologique" qui abrite les monuments déplacés, dont un hammam et une mosquée datant du 14e siècle.


Les habitations troglodytes de la cité antique de Hasankeyf en décembre 2018, en Turquie (AFP/Archives/BULENT KILIC)

De nouvelles activités, comme la randonnée, le parapente ou le jet-ski seront aussi proposées sur le site, selon Haluk Koc, le sous-préfet de Hasankeyf.

- "Ridicule d'attendre les touristes" -

"Les autorités nous disent +Hasankeyf sera le Bodrum ou le Marmaris de l'Est", raconte Bulent Basaran, commerçant, en référence aux villes touristiques populaires de la côte ouest de Turquie.

Mais le manque de touristes liée à la pandémie et l'infrastructure inachevée de la nouvelle ville ne l'incite guère à l'optimisme.

"Pour l'instant, je ne vois pas la lumière au bout du tunnel", explique-t-il. "Peut-être dans cinq ans, quand ces problèmes seront résolus, les choses seront différentes".

Mais pour Ridvan Ayhan, de l'association "Sauver Hasankeyf", il est "ridicule" d'attendre un retour des touristes à Hasankeyf, qui accueillait autrefois des visiteurs du monde entier venus apprécier son histoire et la vue splendide du haut de sa citadelle romaine.


L'ancienne cité de Hasankeyf, bientôt submergée par les eaux, le 24 février 2020 (AFP/Archives/BULENT KILIC)

"Il n'y a plus de raison de venir visiter Hasankeyf, comme il ne reste plus de trace de son histoire", estime-t-il.

"Les seuls visiteurs seront ceux qui viendront une fois par curiosité, pour voir comment la ville a disparu".

- Nouvelles activités -

Cependant, pour de nombreux touristes locaux, le lac artificiel offre de nouvelles activités.

Asiye Sahin, qui est venue visiter la ville avec son mari et ses quatre enfants de Midyat, situé au sud de Hasankeyf, était ravie de pouvoir faire une balade en bateau.


Une embarcation sur le Tigre devant la cité antique de Hasankeyf, en Turquie, le 17 décembre 2019 (AFP/Archives/BULENT KILIC)

"Nous sommes tellement enthousiastes. J'ai déjà vu la mer, mais je n'avais jamais pris un bateau", dit-elle.

Ancien guide touristique, Cetin Yildirimer, âgé de 29 ans, avait initialement des doutes sur ce que la ville pourrait offrir aux visiteurs avec son centre historique englouti. Mais il est aujourd'hui convaincu que les touristes reviendront à la fin de la pandémie.

"Maintenant que tout a changé, il est temps de regarder l'avenir", estime-t-il.

© 2020 AFP

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