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Coronavirus: relocaliser la production, pas si simple pour la France


Actualité publiée le 22/04/20 12:35

L'épidémie de Covid-19 a mis en évidence la dépendance de la France et de l'Europe à l'égard de forces productives lointaines, et Emmanuel Macron a affiché son ambition de "rebâtir une indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique". Mais comment faire ? (AFP/Archives/JOEL SAGET)

L'épidémie de Covid-19 a mis en évidence la dépendance de la France et de l'Europe à l'égard de forces productives lointaines, et Emmanuel Macron a affiché son ambition de "rebâtir une indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique". Mais comment faire ?

La vice-présidente de la Commission européenne, Vera Jourova, a estimé dimanche que la crise du coronavirus a "révélé notre dépendance morbide vis-à-vis de la Chine et de l'Inde en matière de produits pharmaceutiques". Les mots sont forts, mais la situation n'est pas nouvelle.

Dans l'industrie du médicament, "c'est quelque chose qu'on sait depuis plusieurs années, qui s'est manifesté concrètement par une augmentation importante des pénuries de certaines molécules", rappelle Nathalie Coutinet, chercheuse au Centre d'économie de l'université de Paris-Nord.

- "Rendements à court terme" -

Production en flux tendu, concentration de la production des principes actifs (les composés nécessaires à la fabrication du médicament) en Inde et en Chine: "les entreprises de ce secteur dépendent de peu de fournisseurs", complète El Mouhoub Mouhoud, professeur d'Economie à Paris Dauphine.

"Elles ont des budgets de recherche & développement extrêmement élevés et incertains, et si leurs actionnaires sont prêts à financer l'innovation immatérielle, les start-up, la recherche, ils sont impatients et poussent pour des rendements à court terme" et donc une production de principes actifs à moindre coût.


La pharmacie de l'hôpital de campagne monté dans le palais des congrès de Glasgow, en Ecosse, le 20 avril 2020 (AFP/ANDY BUCHANAN)

Comment changer de logique ? Olivier Bogillot, le président de Sanofi France, a estimé lundi sur BFM TV qu'il s'agissait d'une conséquence "des économies à court terme", la Sécurité sociale déremboursant certains médicaments et imposant des baisses de prix aux fabricants, contraints dans cette logique de se tourner vers les producteurs de principes actifs les moins chers.

"Les firmes pharmaceutiques, parmi les entreprises les plus rentables au monde, ont délocalisé pour augmenter leurs profits, pas pour faire baisser leurs coûts", nuance Nathalie Coutinet. Pour la chercheuse, "le médicament étant très largement financé par les systèmes de remboursement, l'Etat peut imposer un certain nombre de règles aux fournisseurs".

De manière générale, la problématique des ruptures de chaînes d'approvisionnement n'est pas nouvelle non plus. La distance allonge les délais de livraison, rend la chaîne d'approvisionnement plus sensible aux mesures protectionnistes. "On a observé des recompositions de chaînes d'approvisionnements sur des bases régionales dès les années 2010", explique El Mouhoub Mouhoud. "Pas forcément sur une base nationale, mais de proximité".

C'est notamment le cas quand les produits sont lourds, dans l'automobile, la mécanique, la sidérurgie, détaille l'auteur de "Mondialisation et délocalisation des entreprises" (La Découverte). Ils coûtent plus cher à transporter, et peuvent en outre être assemblés par des robots (contrairement aux matériaux textiles), ce qui dispense de chercher les pays où les salaires sont plus faibles.

- "Déloyauté de concurrence" -

Autre argument susceptible de convaincre de "relocaliser": davantage de sécurité. En 2013, Thomas Huriez a lancé 1083, entreprise produisant jeans et chaussures en France - "à moins de 1.083 km de chez vous" -. L'entrepreneur drômois était dès alors convaincu que "quand on est loin de la maîtrise de nos besoins principaux, on est très fragiles et dépendants des autres".


Le président Emmanuel Macron fait un discours le 17 janvier 2020 à Paris à l'occasion de l'ouverture au palais de l'Elysée d'une exposition "Made in France" (POOL/AFP/Archives/Michel Euler)

Le label "Made in France" est en vogue chez les consommateurs, mais les pouvoirs publics ont aussi leur rôle à jouer selon lui. "En France et en Europe, on se protège de beaucoup de choses, avec beaucoup de normes et de contraintes qui protègent la santé publique et qui protègent de la fraude, mais on ne les impose pas dans les pays desquels on importe, c'est une forme de déloyauté de concurrence", accuse l'entrepreneur.

Philippe Aghion, professeur d'Economie au Collège de France, plaide pour la création d'une "Darpa européenne", inspirée de l'agence de financement de la recherche du Pentagone américain, pour une "vraie politique d'investissement européen, avec une vision de long terme". "Pas forcément à 27", mais au moins avec l'Allemagne, qui a perdu beaucoup moins d'emplois industriels que la France.

Vera Jourova a en tout cas annoncé un "changement radical" pour la production de médicaments, sur lequel la Commission européenne doit se pencher d'ici la fin du mois. Et dès le 12 mars, Emmanuel Macron avait promis des "décisions de rupture": "Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie au fond à d'autres est une folie".

Reste que cela ne pourra se faire sans de nouveaux investissements, alors que les pouvoirs publics ont déjà déversé des centaines de milliards d'euros pour sauvegarder le tissu économique européen pendant le confinement.

© 2020 AFP

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