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De l'audit au jus de légumes: un citadin se réimplante au village par l'agriculture


Actualité publiée le 25/02/18 12:46

Benoît Jardin met des épinards dans une machine à presser à froid produisant un jus de légume bio, le 20 février 2018 dans son atelier de Saint-Denis d'Authou, en Eure-et-Loir (AFP/Gérard JULIEN)

Affairé derrière une cagette de légumes, Benoit Jardin lance une brassée d'épinards et trois citrons dans la gueule d'une machine à presser à froid, d'où s'échappe un liquide vert printemps, un jus de légumes baptisé "Emile".

Les jus bio ultra-frais, c'est son créneau. Surfant sur la mode des "bars à jus", M. Jardin -ce n'est pas un pseudonyme- produit dans le Perche, à une heure et demie de Paris, des "assemblages" de fruits et légumes issus de sa propre exploitation agricole, ou achetés chez des maraîchers bio à Saint-Pol-de-Léon et dans la Sarthe.

Commercialisés en ligne, dans des épiceries bio, de luxe, et dans plusieurs grands hôtels parisiens, ses jus pressés à froid (César: fenouil-épinard-citron-pomme, Suzanne: betterave, citron, pommes, carottes...) ont déjà séduit quelques actrices célèbres. Mais n'importe quel amateur peut se les faire expédier en 24 heures à l'autre bout de la France.

Son "contre-exode rural", cet ancien cadre dirigeant, diplômé de Dauphine à Paris, le justifie par trois facteurs qui se sont "rencontrés au même moment".

Après avoir mené des restructurations industrielles dans une vie antérieure -"en réalité, c'était surtout l'accompagnement de fermetures d'usines sur d'ex-sites de Pont-à-Mousson ou de Renault"-, il avait "très envie" de lancer sa propre entreprise, pour "créer quelque chose".

Un héritage familial dote cet ancien de la Caisse des Dépôts d'une vingtaine d'hectares de terre à Saint-Denis-d'Authou, un village de 500 âmes en Eure-et-Loire.

Enfin, son goût pour les jus de légumes, qu'il a longtemps expérimentés seul dans sa cuisine pour calmer un intestin sensible, le décide à passer le pas. Il construit méthodiquement son projet en consultant de grands chefs comme Alain Passard pour tester son idée.


Benoît Jardin met des épinards dans une machine à presser à froid produisant un jus de légume bio, le 20 février 2018 dans son atelier de Saint-Denis d'Authou, en Eure-et-Loir (AFP/Gérard JULIEN)

"Mon envie, c'était de connecter le monde rural et la ville" et "de créer un domaine autour du légume" dit-il.

En raison de son âge, il n'est pas passé par le processus d'installation des jeunes agriculteurs.

Il lui a fallu un "parcours du combattant" de neuf mois. Pas de guichet unique pour obtenir l'autorisation d'exploiter: il faut voir la Mutualité sociale agricole, le Préfet, la chambre d'agriculture, la Safer (Société d'aménagement foncier et d'établissement rural), les services financiers du Trésor public.

Fin 2013, il devient officiellement agriculteur et il fonde sa société, Le Perche Agricole, l'année suivante.

- La peur du rejet -


Benoît Jardin, producteur de jus de légumes bio, le 20 février 2018 à Saint-Denis d'Authou, en Eure-et-Loir (AFP/Gérard JULIEN)

En 2013, la MSA, sécurité sociale des agriculteurs, a recensé 3.540 installations tardives -après 40 ans- ne résultant pas d'un transfert de propriété entre époux. En 2016, ils étaient 3.821.

"A la Safer, on voit de plus en plus d'installations de citadins dans l'agriculture. Et ce n'est pas du tout comme le retour à la terre des années 1960. Bien formés, innovants, ils ne choisissent pas des filières organisées. En général, ils ont un projet précis et ils vont droit au consommateur", confirme à l'AFP un responsable régional de Safer, présent au salon de l'Agriculture ouvert depuis samedi à Paris. "Et ils nous bousculent!"

Cela n'empêche pas un peu d'appréhension. "Ce qui m'a fait le plus peur, c'est le rejet du monde rural", dit Benoit Jardin. "J'ai dû construire ma légitimité, et je n'ai pas fait le mariole."

"Lorsqu'on vient d'ailleurs, il faut être très prudent, sinon on se fait tuer", acquiesce Bernard Rousseau, un agriculteur retraité du village, qui lui a ouvert quelques portes au nom de l'amitié pour son grand-père. "J'ai trouvé son idée très bonne, mais je savais qu'il faudrait beaucoup travailler pour y arriver", dit-il.

A 19 euros le litre, le jus ultra-frais se vend plus cher que certains vins. Mais la logistique coûte cher. La date limite de consommation est de 4-5 jours, il faut les acheminer immédiatement. .

Une deuxième gamme de jus "pascalisés", une technique de conservation permettant de tenir un mois sans passer par la pasteurisation qui affecte plus les nutriments, a vu le jour, commercialisée dans le réseau Biocoop.

Au milieu du village, l'atelier tout neuf, une ancienne épicerie qui avait failli tomber en ruine, produit 250 litres de jus par jour. L'entreprise est endettée, mais elle a équilibré pour la première fois son résultat d'exploitation en 2017, et a embauché trois personnes.

© 2018 AFP

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