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Facilités bancaires et désillusions pour les jeunes ruraux qui s'installent


Actualité publiée le 16/02/18 11:23

Un éleveur avec ses vaches après la traite à Plesse, dans l'ouest de la France le 14 février 2017 (AFP/Archives/LOIC VENANCE)

"Un prêt à 400.000 euros et une vie au RSA", résume un producteur laitier de Mayenne. Comme une grande majorité de jeunes ruraux, l'éleveur a rencontré peu d'obstacles à l'obtention d'un crédit à l'installation, basé sur des prévisions déconnectées de la réalité avec l'assentiment des acteurs de la filière.

"Quand on est jeune, on ne sait pas tout, on est content de s'installer et donc on signe", explique Marc (prénom modifié) qui avait 26 ans lorsqu'il a contracté son emprunt bancaire.

Sous le poids des dettes, le jeune père de famille a fait une tentative de suicide deux ans après son installation: "j'avais l'impression que pour m'en sortir c'était ma seule solution".

Une assistante sociale l'a mis en contact avec Solidarité Paysans qui l'accompagne dans ses démarches auprès des créanciers. L'association suit 53 familles en difficulté en Mayenne, dont 23 nouvelles en 2017.

Si l'agriculteur reconnaît sa part de responsabilité - "je me suis installé trop vite, j'ai acheté trop de vaches" -, il regrette de ne pas avoir été bien aiguillé: "J'ai eu les aides, j'ai mis un prix potentiel, on ne m'a rien demandé, du moment que la banque disait +oui+". "Si c'était à refaire, je ne m'installerais pas. Maintenant, je subis", soupire l’éleveur qui possède 55 vaches laitières.

En 2011, lors de son installation près de Laval, il obtient 12.000 euros en dotation jeune agriculteur (DJA). Cette aide en trésorerie destinée au démarrage de l'activité varie de 8.000 à 30.000 €, selon la zone. Marc a également bénéficié d'un prêt bonifié de 2,5%.

"Une des particularités du monde paysan, c'est que les dossiers d'installation sont instruits par la profession. Les études d'installation ne reflètent pas forcément la réalité économique du moment. Elles n'ont pour vocation que de permettre l'installation et donc d'autoriser la banque à débloquer des fonds", explique Patrick Bougeard, président du réseau national Solidarité Paysans.


Les jeunes agriculteurs en France (AFP/Thomas SAINT-CRICQ)

99,9% des dossiers sont approuvés par la Commission départementale d'orientation agricole (CDOA) où sont représentés syndicats, banques et administration publique, explique l'un des membres de la commission qui opère en Bretagne.

- Incapacité de remboursement -

Alors que le secteur agricole est en proie à des difficultés, le nouveau venu trouvera également les portes grandes ouvertes du côté des banques: "Aujourd'hui, tout jeune agriculteur porteur d'un projet est financé, on a une part de refus assez faible", confirme Laurence Corman, responsable du marché de l’agriculture au Crédit Agricole en Bretagne. Elle assure que la banque effectue sa propre étude en se basant sur une moyenne des prix agricoles des deux dernières années.

Laurent B., producteur bovin breton, n'a "jamais réussi à tirer un revenu de sa production". La dotation jeune agriculteur lui permet de "sortir de l'eau" mais l'agriculteur de 23 ans ne parvient pas à rembourser son emprunt de 160.000 euros. "Je connaissais les risques mais on a envie de tenter sa chance quand même", admet-il.

Du côté de Solidarité Paysans, on regrette que "la profession en règle générale ne fa(sse) pas son boulot. Ils devraient être beaucoup plus prudents dans la manière dont ils accompagnent les paysans".

"On finit par s'auto-convaincre que la situation dans laquelle on s’installe ne posera pas de problème mais on se met un voile noir sur la réalité", assure Patrick Bougeard, le président de l'association.

Les crises dans les filières porcine, volaille mais surtout laitière de 2008 et 2015, s'ajoutant à la fin des quotas, ont laissé sur le carreau de nombreux jeunes installés.

'Mythe du paysan solidaire'

"Avec des prévisions à 320 euros les 1.000 litres alors que le prix tombe à 270, vous vous ramassez la crise de plein fouet", estime M. Bougeard. "La banque récupère ses garanties. Pour ces gens-là, le paysan est d'abord un client, il faut aussi démystifier le mythe du (monde) paysan solidaire où tout le monde tire dans le même sens".

Néanmoins, "si vous comparez le monde professionnel avec le monde de l'agriculture, en termes de dépôts de bilan, cela reste très faible", tempère Roger Andrieu, président du Crédit Agricole en Bretagne. "Ce qui ne veut pas dire que la situation n'est pas compliquée à vivre pour les personnes ayant des difficultés de trésorerie", dit-il.

Le taux de maintien des nouveaux agriculteurs après cinq années s'élève à plus de 86%, selon la Mutualité sociale agricole (MSA). Mais près de 30 % des exploitants agricoles avaient en 2016 un revenu inférieur à 350 € par mois et 20% étaient en déficit.


Dans une ferme à Evran dans les Côtes-d'Armors le 10 février 2017 (AFP/Archives/LOIC VENANCE)

"La difficulté par rapport à l'endettement, c'est que les tailles des exploitations sont de plus en plus grandes. Passer de 500.000 litres de lait à 1 million ne se fait pas d'un coup de baguette magique, il peut y avoir un temps long, sans compter le facteur sanitaire, météorologique", analyse M. Andrieu du Crédit Agricole.

"On est en train de changer d'approche, avec plus de proximité. Des agents se rendent auprès des agriculteurs pour faire un bilan dès six mois. On l'a moins fait par le passé parce que cela cognait moins dur. Avec la volatilité des prix, le marché est devenu international", explique Laurence Corman, responsable du marché de l’agriculture.

Sur le terrain, les bénévoles de Solidarité Paysans tentent une nouvelle approche auprès des jeunes en intervenant dans les lycées agricoles. Mais "le discours qu'on tient n'est pas audible car cela pourrait remettre en cause leur installation", regrettent-ils.

© 2018 AFP

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28 commentaires sur cet article. Participez à la discussion.

delto
16/02/18 12:49
Où est passée la liberté agricole des années 70 ?
L esclavage moderne dirigé par des géants comme Biigard ou danoone fait honte !
Mais ils le payeront un jour
gars d'ain
16/02/18 13:16

Je serais l'état...

Je serais l'état, je m'inquiéterais grandement car le nombre d'installation donne en projection sur 40 ans, 360 000 exploitations agricoles, soit autour de 3600 par département et péniblement une moyenne de 10 par communes.


C'est nettement insuffisant pour permettre un bon entretien des pays et des territoires et de plus, ce n'est pas bon pour notre dépendance agricole aux importations.


Cela va aussi donner l'occasion à la Chine entre-autre de contuner à truster des surfaces agricoles comme dans le centre et l'allier la semaine dernière...


Quel monde pourri que celui qui renie ses origines, son passé en lui donnant pas les moyens de vivre décemment comme tout un, chacun dans la société...


J'ai "grande peine"...
gars d'ain
16/02/18 13:17
Les belles vaches en photo sont des Bretonnes Pie Noires. Merci à cet éleveur de contribuer à conserver notre patrimoine de races...
Fibopivots
16/02/18 13:23
Encore un exemple de gaspillage de nos nombreux talents. Ce matin sur un forum politique connu , je detaillais quelques autres gachis en arrivant au cout annuel de 20 milliards pour nous tous ( y compris l.Etat !).
Helas , on peut multiplier ces exemples a profusion.
Au bad mot et en comptant les revenus exorbitants des 600000 elus, on doit arriver a 200 milliards !
10 millions d.emplois a davantage que le Smic !

Message complété le 16/02/2018 13:28:53 par son auteur.

Un simplr autre " petit" exemple. Rosengart, constructeur d.autos a Saint Brieuc dans les annees 20-50 a carremenr disparu de notre memlire
Pat hasard je tombe sur Rosengart museum.de
!!
Un sexagenaire proche de Cologne a reyssi a rassembler des documents, objeys, outils et pqs moins de 30 autos rutilantes ! Ballades meme posdibles en cabriolet !
Il a ecrit un livre complet sur la vie de notre constructeur...etc etc... il a meme don buste !
Il dit que c.est la France qui lui a tout donne (lol ).
Lui, peut vraiment crier: vive la France !

Tous les commentaires Cac 40

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