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Ioukos: une affaire russe à 50 milliards devant la justice néerlandaise


Actualité publiée le 18/02/20 04:08

Le logo du groupe pétrolier russe Ioukos, aujourd'hui démantelé, sur le mur d'une station-service à Moscou le 2 août 2006 (AFP/Archives/MAXIM MARMUR)

Plus de quinze ans après les faits, un tribunal néerlandais a condamné mardi en appel la Russie à verser 50 milliards de dollars d'indemnisation aux ex-actionnaires de l'ancien groupe pétrolier Ioukos, aujourd'hui démantelé.

Statuant sur le volet principal de cette affaire tentaculaire, la Cour d'appel de La Haye a annulé un jugement de 2016 favorable à la Russie, qui contestait une décision antérieure de la Cour permanente d'arbitrage (CPA) octroyant aux ex-actionnaires 50 milliards de dollars (46 milliards d'euros) d'indemnisation.

Dans un communiqué, la Cour d'appel a qualifié ce "jugement antérieur" d'"incorrect" et statué que la décision initiale de la CPA était "de nouveau en vigueur".

La Russie a immédiatement annoncé qu'elle contesterait le jugement. Le ministère russe de la Justice a regretté que la Cour ait "ignoré le fait que les anciens actionnaires de Ioukos n'étaient pas tous des actionnaires de bonne foi".

La Cour a "soigneusement évité de statuer sur la corruption lors de l'acquisition de Ioukos. Elle a en particulier considéré que ces illégalités n'ont pas de lien suffisant avec l'acquisition des actions Ioukos par les sociétés demanderesses à l'arbitrage", a réagi l'avocat de la Russie Andrea Pinna.

"Le Kremlin a perdu à La Haye face aux actionnaires de Ioukos", s'est en revanche réjoui sur Twitter l'ex-patron de Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski.

Accusée par les ex-actionnaires d'avoir orchestré le démantèlement de Ioukos pour des raisons politiques, la Russie avait été condamnée à les indemniser en 2014 par la CPA, juridiction internationale située à La Haye, ce que le pouvoir russe a refusé.

Estimant que la CPA n'avait pas compétence pour octroyer cette indemnisation, un tribunal néerlandais avait annulé son jugement en 2016, ce que les ex-actionnaires contestaient mardi.

- "Kleptocratie brutale" -


L'ancien patron de Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski, devant un tribunal à Moscou le 2 novembre 2010 (AFP/DMITRY KOSTYUKOV)

Dirigée par l'oligarque et ennemi déclaré du Kremlin Mikhaïl Khodorkovski, arrêté en 2003 et libéré après une décennie de prison, Ioukos a été accusé par Moscou de fraude fiscale et d'escroquerie de grande ampleur.

L'entreprise, alors premier producteur d'or noir russe, avait été placée en liquidation judiciaire en août 2006, après un procès retentissant largement considéré comme inspiré par le Kremlin pour contrecarrer les ambitions politiques de M. Khodorkovski.

Ioukos avait été vendu à la découpe en grande partie au groupe pétrolier public russe Rosneft. Cette entreprise, de taille modeste alors, est devenue grâce aux actifs du groupe démantelé un géant mondial, piloté par un homme de confiance de Vladimir Poutine, Igor Setchine.

Les anciens actionnaires de Ioukos tentent depuis d'être indemnisés.

GML, société qui réunit les ex-actionnaires majoritaires de Ioukos, a salué la décision de la Cour d'appel : "Une kleptocratie brutale a été tenue de rendre des comptes", a estimé le directeur général de GML, Tim Osborne, dans un communiqué.

Une pierre angulaire du procès a été la question de la compétence de la CPA, qui s'était fondée sur le Traité sur la charte de l'énergie (TCE) protégeant les investissements internationaux dans les projets énergétiques.

- "Corruption" -

"La Fédération de Russie a signé le TCE, mais ne l'a pas ratifié", avait avancé la justice néerlandaise en 2016, estimant "contraires à la loi russe" les décisions de la CPA.


Un policier russe passe devant le logo du groupe pétrolier Ioukos aujourd'hui démantelé, à Moscou le 29 juillet 2003 (AFP/Archives/MAXIM MARMUR)

En appel, les juges ont toutefois dit que "la Russie avait l'obligation d'appliquer le traité sauf s'il contrevenait à la loi russe", or "la cour estime qu'il n'y a pas eu d'infraction à la loi russe".

Une autre question "a trait aux circonstances de la prise de contrôle de Ioukos par les oligarques russes aux cours de sa privatisation en 1995 et 1996", avait indiqué à l'AFP avant le jugement de mardi Andrea Pinna, avocat de la Russie.

Après la chute de l'URSS, des hommes d'affaires, dont M. Khodorkovski, ont amassé des fortunes en acquérant à bas prix les actifs soviétiques, en particulier dans le secteur des matières premières, alors que le pays était plongé dans une crise profonde.

"La Russie estime que l'acquisition de Ioukos n'a été possible que par la corruption et d'autres agissements illégaux", avait affirmé Me Pinna.


L'avocat Emmanuel Gaillard, qui représente les anciens actionnaires de Ioukos. Photo prise le 28 juillet 2014 (AFP/LEON NEAL)

Me Emmanuel Gaillard, représentant les ex-actionnaires, avait pour sa part indiqué à l'AFP que "la stratégie de la Russie est de tout déformer pour tout compliquer et faire oublier la plus grande expropriation du XXIe siècle".

Arrêté en 2003, M. Khodorkovski a été gracié en décembre 2013 par le président russe, et vit depuis en exil. Son associé, Platon Lebedev, a passé plus de 10 ans en prison suite à des procès dénoncés par les défenseurs des droits de l'homme.

L'affaire Ioukos est largement considérée comme le moment où Vladimir Poutine a mis au pas les grands oligarques russes, dont l'influence sur le système politique a connu son apogée sous Boris Eltsine.

© 2020 AFP

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