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La pandémie remet en cause le modèle de délocalisation des services


Actualité publiée le 21/04/20 11:58

A un carrefour, le conseil de rester chez soi pour lutter contre le coronavirus est peint sur la chaussée, à Secunderabad, ville-jumelle d'Hyderabad en Inde, le 16 avril 2020 (AFP/NOAH SEELAM)

À Bangalore comme à Manille, la pandémie de coronavirus paralyse le fonctionnement des services délocalisés, poussant les grandes entreprises dont ils dépendent à "relocaliser" des emplois ou accélérer le passage à l'automatisation.

Avec les confinements en vigueur en Inde et aux Philippines, les restrictions engendrent un cauchemar logistique pour les centres d'appels et autres services d'appui ("back-office"), délocalisés dans ces pays par des entreprises internationales en raison du coût moindre de la main-d'œuvre locale.

Mais, à cause des règles strictes régissant l'accès aux données confidentielles --comme des données bancaires-- de clients habitant à l'autre bout du monde, les équipes de ces services délocalisés peuvent difficilement travailler à la maison.

Et de nombreux employés philippins ou indiens vivent dans des logements surpeuplés avec une mauvaise connexion internet. Certaines entreprises n'ont même pas les moyens de fournir à leurs salariés l'équipement pour travailler à domicile, comme des ordinateurs portables.

"Le secteur des services délocalisés ne se prête pas au travail à la maison", constate le consultant Vivek Sood, auteur du livre "Outsourcing 3.0". "Nous parlons d'entreprises qui demandaient à leurs employés de laisser leurs stylos et crayons à l'extérieur du bureau pour des raisons de sécurité."

Soucieuses de rester opérationnelles, certaines sociétés ont choisi d'avoir des employés vivant sur leur lieu de travail. Vodafone India, par exemple, a "organisé des dispositions d'hébergement temporaire dans nos centres de données, mis à disponibilité de la nourriture et des produits d'épiceries sur les lieux cruciaux".

Ces pratiques s'attirent de vives critiques de syndicats, qui ont reçu des informations de certains employés "en quarantaine de fait et enfermés dans leurs bureaux", a indiqué à l'AFP Mylene Cabalona, présidente du Business Process Outsourcing Industry Employees' Network (BIEN).


Vue générale des bureaux en Inde de la compagnie américaine de services informatiques (24)7.ai à Bengalore, le 16 avril 2020 (AFP/Manjunath Kiran)

Début avril, le quotidien Financial Times a publié des photos montrant selon lui des employés dormant sur le sol d'un centre d'appels aux Philippines, vivant dans ce que le journal décrit comme des conditions "inhumaines".

Anthony Esguerra, qui travaille dans une société de Manille gérant les données d'une entreprise chinoise de jeu vidéo en ligne, jauge que 80% de ses opérations sont perturbées en raison du confinement.

"Le processus de réponse aux requêtes de joueurs a vraiment ralenti, vu que notre accès à internet est limité par rapport au temps où nous travaillions au bureau", explique-t-il à l'AFP.

Certaines sociétés, comme l'entreprise de télécoms Spark New Zealand, ou le fabricant taïwanais de matériel informatique Acer - qui s'appuie sur un centre d'appels aux Philippines pour répondre à ses consommateurs néo-zélandais et australiens -, demandent même au public de ne plus appeler leur service client.

D'autres grandes entreprises dépendant de services délocalisés en Inde et aux Philippines ont d'ores et déjà annoncé qu'elle prévoient de recruter des centaines de personnes dans leur pays d'origine, où elles pourraient mieux s'adapter à la situation. C'est notamment le cas des sociétés australiennes Telstra et Optus, ou de Virgin Media au Royaume-Uni.

L'opérateur Optus cherche ainsi à recruter 500 personnes en Australie, annonçant qu'elle avait abandonné le credo selon lequel "la diversité des lieux nous rendrait résilients à toutes les perturbations".

- Transformation économique majeure -

Mais à plus long terme, la pandémie de coronavirus risque d'accélérer le passage à l'automatisation pour ce type de services, qui verra l'intelligence artificielle effectuer des tâches aujourd'hui dévolues à des hommes et femmes, estiment les experts.


Vue des bureaux en Inde de la compagnie américaine Adobe à Bangalore, le 16 avril 2020 (AFP/Manjunath Kiran)

"L'intelligence artificielle ne se met pas en grève, elle peut travailler 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et pose moins de problèmes", explique Michael Czinkota, professeur de commerce international à l'université Georgetown de Washington.

Telstra, qui comptait déjà réduire de deux-tiers ses capacités de centres d'appels d'ici 2022, vise désormais à accélérer son passage à l'intelligence artificielle.

L'entreprise de télécoms "utilisera (cette situation) comme une opportunité pour numériser et automatiser davantage notre modèle", a indiqué ce mois-ci son PDG Andy Penn au Sydney Morning Herald.

"Le Covid-19 a accompli en six à huit semaines ce que les apôtres de l'automatisation n'avaient pas réussi (...) en plus de cinq ans", déclare à l'AFP Ilan Oshri, professeur à l'école de management de l'université d'Auckland.


Les bureaux du groupe allemand Bosch, à Bangalore le 16 avril 2020 (AFP/Manjunath Kiran)

La "relocalisation" d'emplois et un usage accru de l'intelligence artificielle auront un impact économique majeur pour des pays comme l'Inde ou les Philippines. Les services délocalisés y font vivre des millions de personnes et génèrent des dizaines de milliards de dollars de revenus.

"Nous allons devoir repenser tout le modèle des services délocalisés", estime le consultant Vivek Sood. "Le présupposé selon lequel vous pouvez tout délocaliser à Bangalore ou Manille et vous détendre est désormais fini."

© 2020 AFP

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1 commentaire sur cet article. Participez à la discussion.

passarells
21/04/20 14:38

C'est cocasse ! Les tenants du libéralisme le plus sauvage redécouvrent le logement de fonction pour le personnel sujet à astreinte.
Quand on es rattrapé par ses propres contradictions....

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