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Rachat de Sotheby's par Patrick Drahi, une bonne nouvelle pour le monde de l'art ?


Actualité publiée le 30/09/19 14:58
L’achat de 61 % des parts de la plus ancienne maison de ventes du monde, Sotheby’s, fondée en 1744 à Londres, par le magnat des télécoms Patrick Drahi a été finalisé le 5 septembre dernier. Patrick Drahi s’engage pour 3,7 milliards de dollars, soit 3,3 milliards d’euros, sur ses fonds propres, retirant ainsi Sotheby’s de la Bourse où elle était cotée depuis trente ans. Un achat opportun, alors que le cours en bourse de la maison de ventes a dévissé, sa réputation ayant été écornée dans plusieurs affaires.
 
Pourquoi, peut-on cependant se demander, Patrick Drahi, troisième fortune française, classé à la 57ème place mondiale par Forbes, grand collectionneur lui-même, tenait-il tant à racheter la prestigieuse enseigne, qui ne compte pour véritable rivale que Christie’s ? Pourquoi vouloir entrer dans le cercle très fermé des propriétaires de maisons de ventes ? Là où trônent Pinault, propriétaire de Christie’s, et Dassault qui possède Artcurial.

Entrée dans le monde prestigieux de l’art

Au moins deux raisons peuvent expliquer ce choix. La première est géographique. Patrick Drahi s’implante ainsi durablement aux États-Unis, où deux de ses enfants se sont installés et où il passe de plus en plus de temps dans sa demeure de Manhattan. La seconde, peut-être la plus décisive, tient au prestige du monde de l’art. En acquérant Sotheby’s, Patrick Drahi fait évoluer son image : l’affairiste devient honnête homme et s’impose comme une figure majeure de l’establishment américain, s’ouvrant la porte des charities mondains, lui qui a été si peu mondain jusqu’alors et se targuait de refuser tous les dîners en ville. Il donne une autre dimension à ses activités, jusqu’alors cantonnées aux médias, au numérique et aux télécoms. Quoi de mieux, de plus durable, de plus élégant à la fois que le milieu de l’art ? Et pourquoi rester un simple collectionneur quand on peut devenir un des principaux acteurs de ce monde ?
 
Patrick Drahi revendique une acquisition familiale. Aucune action d’Altice n’a été vendue pour financer cet achat, ses holdings ne sont en rien concernées. Envie de fonder une dynastie dans l’art ? Sans doute, mais c’est aussi et surtout une très bonne affaire. Sotheby’s avait perdu 40 % en bourse avant son rachat par le milliardaire franco israélien, en dépit de ventes extraordinaires comme une Meule de Foin de Claude Monet pour 110 millions de dollars, en mai dernier.

Sotheby’s, une maison désormais sulfureuse ?

Comment expliquer ce décrochage en bourse ? N’est-il pas dû au fait que la vénérable institution a perdu de son lustre, sa réputation de sérieux ayant été écornée. En octobre 2018, une toile du célèbre street-artist Bansky s’est autodétruite publiquement juste après sa vente à Londres, alors que 27 enchérisseurs se la disputaient. Cette destruction sans précédent a-t-elle été réalisée avec la complicité de la maison de vente ? Ou bien a-t-elle été victime de ce « coup de communication » de l’artiste ? Difficile à dire, mais dans les deux cas, en même temps que le Shredding the girl and balloon de Bansky, c’est une partie de la réputation de Sotheby’s qui est partie en lambeaux.
 
Une réputation également mise à mal par les accusations de complicité d’escroquerie portées par l’homme d’affaires russe Dimitri Rybovlev. Collectionneur, Rybolovlev reproche à Sotheby’s d’avoir fourni des estimations surévaluées à la demande du marchand d’art suisse Yves Bouvier, permettant à ce dernier d’empocher des plus-values importantes sur ses ventes au Russe. Vice-président des ventes privées chez Sotheby’s, Samuel Valette, dont il se murmure qu’il serait le conseiller artistique de Patrick Drahi, serait impliqué dans cette escroquerie pour laquelle l’homme d’affaires russe réclame 380 millions de dollars de dommages et intérêts. En tout, le marchand d’art Yves Bouvier aurait indument soulagé Rybolovlev de 620 millions d’euros, révèle une enquête de Marianne. Un séisme dans le monde feutré de l’art.
 
Les motivations du célèbre milliardaire dans cet achat sont sans doute tout à fait honorables, mais y entre-t-il aussi le souci de mettre fin à ces errements ? On peut l’espérer, car défiance et succès, dans le milieu discret de l’art, ne vont jamais de pair.

Liliane Delwasse

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