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La "phynance" aux commandes des marchés

Par Sacha Pouget;

sacha pouget

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En dix ans de métier en salle de marché chez plusieurs courtiers parisiens, j'avoue ne jamais avoir vu autant de puissance détenue par une poignée d'individus, directement issus du département trading Algo. Il faut dire que les dernières technologies ont totalement bouleversé les règles et modifié la structure même des marchés. C'est ainsi qu'on se base sur la Physique pour anticiper les marchés, à partir d'un mélange informatisé de mathématiques et de statistiques (qu'on appelle 'science des fusées').

Des Physiciens aux commandes du trading moderne

Aujourd'hui, l'essentiel des ordres exécutés sur les marchés provient de systèmes automatisés (les 'Robots'). Tout cela a été rendu possible grâce à la mise au point de programmes algorithmiques par de petits génies (les 'Quants'), qui n'ont fait qu'appliquer les lois de la physique au domaine de la Finance pour créer la Phynance.

Le trading Algorithmique ne repose pourtant sur aucune notion de valorisation. Basées sur l'analyse de systèmes complexes, ces 'boîtes noires' représentent aujourd'hui 60% des ordres exécutés aux Etats-Unis (40% en Europe).

A la base, le trading revient à anticiper des mouvements et à les répliquer en étant dans le bon sens du trend. Derrière cela, il y a une grosse dose d'analyse et d'observation. Cette notion est présente dans la sémantique même du terme "Spéculer", qui partage la même racine qu' "Espionner" : 'specula', qui signifie en latin "observatoire" / "tour de guet". Injectez une dose d'automatisation à ces observations, et vous obtenez une machine redoutablement efficace.

L'accroissement des ordres automatisés a été rendu possible, on le sait peu, grâce aux travaux de professionnels venus directement de la NASA, du CEA ou des grandes Ecoles d'ingénieurs. Les technologies viennent bien entendu appuyer la formation de nos physiciens traders. En intégrant les données et en les reliant entre elles, on obtient des résultats traités dans la boîte noire (qui fait office d'intégrateur).

On réinjecte dans le système les données en temps réel (volumes négociés, moyennes mobiles, carnet d'ordre) puis elles sont traitées par des superordinateurs dignes de ceux qu'on peut trouver à Los Alamos (au Nouveau Mexique). Si bien qu'un ordre exécuté sur les marchés est aujourd'hui généré en micro secondes - il n'y a d'ailleurs aucun doute sur le fait que bientôt nous passerons à la nanoseconde.

Au départ, ces mathématiciens chevronnés m'ont avoué avoir fait leurs preuves dans la création de modèles de prévisions complexes. Un trader Algo m'a ainsi avoué qu'il avait étudié la dynamique des fluides avant de venir travailler dans ma société de courtage. Un autre avait procédé à des travaux de recherche pendant près de 10 ans sur la modélisation des prévisions en météorologie avant de se faire embaucher.

Au-delà d'une faculté à intégrer des notions telle que la psychologie et des techniques basées sur les mathématiques et les statistiques, les salles de marché cherchent avant tout à recruter des individus capable d'innover/imaginer des concepts, tout en étant capables de s'adapter à leur environnement pour appliquer leurs observations.

Vu de l'extérieur, le fait d'utiliser des connaissances de physicien pour les utiliser sur les marchés financiers peut paraître assez saugrenu. Pourtant, leur savoir appuyé par des puissances de calcul phénoménales et toutes les technologies de dernier cri apportent un avantage indéniable.

Des Biologistes en appui

Certains 'chercheurs' ont pu observer que sur les marchés financiers, on pouvait établir des structures (tendances) similaires à celles qu'on pouvait observer dans les Sciences de la vie. Ces structures apparaissent plus souvent que l’on pourrait s’y attendre. Mais ce qui est troublant, c'est qu'elles peuvent réapparaitre, permettant ainsi de prédire des mouvements.

C'est ainsi que sur les marchés, des modèles de "boîte noire" sont utilisés pour extraire les prévisions de ces structures. Les nombreuses données sont analysées, en évaluant constamment celles qui sont pertinentes. L'algorithme apprend de lui-même. On parle alors d' "Algo génétique" pour désigner un algorithme d’apprentissage modélisé d’après l’évolution d'une longue suite de données (tout comme les chaînes d’ADN forment le corps humain).

Ensuite, une fois qu'elles sont entrées dans les systèmes informatiques, les informations ne sont plus que des suites de données, des chaînes binaires, triées par des portails logiques. Puis le modèle créé restitue son apprentissage. Un ordre sur le marché est alors généré dès lors que le système a détecté une structure (tendance).

De la même manière, les réseaux neuronaux sont des systèmes adaptatifs conçus pour reconnaître des structures et inventer des règles générales basées sur l'observation de ses structures. Ce sont des programmes informatiques composés d’unités de traitement et interconnectées qui ressemblent aux neurones du cerveau humain. Ce concept a été pour la première fois utilisé par Norman. Lui et son équipe travaillaient dans les années 80 sur les systèmes complexes, les suites logiques etc... Il a d'abord voulu les utiliser pour les jeux de grattage et le casino (roulette). Mais il est passé rapidement à un domaine aux applications beaucoup plus larges et encore plus rémunérateur : les finances.

Norman a alors relié entre eux (on est au début des années 80) des dizaines d'ordinateurs pour avoir une puissance de calcul. Puis il a fait tourner ses systèmes nuit et jour, qu'il ajustait au fur et à mesure. Son but ? Prédire le sens des marchés. Norman a pu compter, au même moment, sur une nouvelle technique qui a permis aux réseaux neuronaux de connaître une nouvelle trajectoire : c'est la rétropropagation.

La rétropropagation fonctionne en alimentant en données un réseau neuronal sur plusieurs niveaux, en prenant les résultats (qui sont souvent faux) pour les réintroduire dans le système en sens inverse, avec des ajustements variés, jusqu’à ce qu’ils donnent un bon résultat. Un bon résultat signifiant que l'algorithme est capable de restituer un taux de trades gagnants supérieur à 70%.

Exemple : un Quant essaye de prévoir le cours de clôture d'un indice demain à New York. Il va injecter 5 entrées : le taux yen-dollars, le taux euro-dollars, le taux de change croisé yen-euro, les obligations en dollars et le taux d’emprunt à 3 mois. Ces chiffres doivent être croisés pour utiliser ces données. Les cours pourraient être combinés, par exemple, avec les indicateurs de tendance et de volatilité. Mais comment extraire les données qui sont utilisées dans un réseau neuronal, puis les ajuster et enfin les interpréter ? C’est là le vrai secret de fabrication des Quants qui fait toute la différence.

Au final

L’astuce de ces génies de la Finance consiste donc à créer des modèles sophistiqués inspirés de la physique, pour isoler toutes les données importantes et faire tourner les machines en pilotage automatique. Les systèmes les traitent. Ils passent alors les ordres sur le marché. Sans aucune intervention humaine. Faut-il s'en offusquer ?

Heinz Pagels, célèbre professeur de physique quantique à la Rockefeller University, avait dit un jour : "Le travail des physiciens modernes consiste à découvrir les symétries du monde". Pour sur, de nos jours, les physiciens œuvrent à découvrir les symétries dans le monde de la finance. Aucun doute que leur implication ne pourra être que grandissante.

Sacha Pouget
www.sachapouget.com


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