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Les principes générateurs de déficit

Par La rédaction;

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Le budget de l’état est en déficit, ceux des systèmes sociaux aussi et nos gouvernants entendent, de ce fait, nous amener à des sacrifices, au démantèlement du système social et des services publics, qu’ils ont déjà mis bien mal-en-point.

Avec le soutien de certains fiscalistes et économistes, il nous est dit que cette situation était inéluctable, est inévitable. En effet, dès la fin des années soixante, nous apprenions en cours de droit social, à l’université, que les modalités de cotisation, les conditions de répartition et la courbe des âges de la population, permettaient de prévoir et d’annoncer cette faillite. Nous vivons donc la chronique d’une faillite annoncée. Nos professeurs nous indiquaient également qu’il existait des solutions pour éviter cette faillite, consistant simplement à modifier les modalités de cotisation, si l’on ne voulait pas réduire les prestations. La solution est donc connue depuis une cinquantaine d’année, aucun des gouvernements, qui se sont succédés, n’a jamais envisagé de la mettre en œuvre. Ceci pourrait inciter à se poser des questions.

Une entreprise qui accumulerait des déficits chaque année, qui aurait un endettement équivalant à son chiffre d’affaires ferait faillite. Bien sûr, ce ne peut être le cas d’un état, surtout celui représentant une grande nation, dotée d’un patrimoine économique et culturel important. Habituellement, l’ajustement des comptes d’un état s’opère grâce à la monnaie, par ce qu’il est convenu d’appeler une dévaluation. Ce qui n’est plus possible pour les états européens, qui ont adopté une monnaie commune, sans unifier leurs budgets, ni harmoniser leurs fiscalités.

Chaque état, comme la communauté européenne elle-même, gère un budget, des recettes et des dépenses, considérées indépendamment les unes des autres. Et même, le plus souvent, séparément entre elles. Pour une saine gestion, une entreprise gère des équilibres, des coûts affectés à des recettes. Revenus - charges, recettes - dépenses, il existe de grandes similitudes. Mais un principe de fond fait échec à toute recherche d’équilibre, celui de l’unité budgétaire, qui veut qu’au sein des comptes publics, aucune recette ne puisse être affectée exclusivement à une dépense. Ce principe a été établi pour permettre aux gouvernements d’affecter n’importe quelle recette à n’importe quelle dépense et ainsi leur laisser la plus grande liberté et autonomie, soi-disant pour faciliter l’équilibre des comptes. Comme souvent dans le domaine politique, le résultat va à l’inverse de celui prétendument recherché. Il peut être assez simple de maîtriser, à une petite échelle, l’équilibre entre une catégorie de dépenses et une catégorie de recettes. Il est impossible, au moins totalement aléatoire, l’expérience l’a montré, d’assurer l’équilibre global d’une multitude de recettes et de dépenses, présentant un grand nombre de caractéristiques et de périodicités différentes. Le principe de l’unité budgétaire est ainsi la première et principale cause des déficits budgétaires de l’état. Ce n’est, malheureusement, pas la seule.  

En effet, j’ai eu déjà diverses occasions de le dénoncer, un grand nombre de mesures sont fondées sur le principe de la proportionnalité du rendement de l’impôt à son taux. Ce qui est un mythe. Même pour le contribuable ne disposant pas de moyen d’action particulier, dont les revenus et les charges varient peu, sa contribution fiscale ne sera pas proportionnelle au taux. L’augmentation d’un taux d’imposition le déterminera à renoncer à une dépense ou un investissement qu’il aurait fait, du seul fait que l’augmentation du taux d’imposition amènera le prix à excéder la somme qu’il pouvait ou désirait engager. Ce qui aura une incidence sur les recettes fiscales. Nous avons tous, à un moment ou à un autre, eu à faire de tels choix.

Pour une entreprise, un investisseur, une personne physique ou morale qui dispose d’experts financiers, comptables, fiscaux, qui pratique l’optimisation fiscale, l’incidence fiscale est souvent la première, (au moins l’une des premières), donnée prise en compte. La fiscalité est donc gérée a priori, ce qui explique que le rendement de l’impôt ne puisse jamais être proportionnel à son taux. Pour que ce fût le cas, il faudrait que l’assiette de l’impôt puisse être totalement indépendante de la volonté et du comportement des contribuables, ce qui n’est rien moins qu’utopique. Qu’en outre les dispositions fiscales n’aient pas d’incidence les unes sur les autres, ce qui ne l’est pas moins. Il est dommage que les politiques et le ministère des finances n’aient pas encore renoncé à ce mythe, érigé en principe, au moins dans les discours et l’économie générale de la fiscalité.

Citons un dernier principe, il en est d’autres mais un article ne permet pas de faire un inventaire exhaustif, celui de ne pas tenir compte de la concurrence fiscale. De la condamner, de dire que c’est très mal, de vilipender, voir condamner ceux qui l’exploitent, ce qui ne coûte rien et s’avère totalement inefficace, mais le ridicule ne tue pas dans ce domaine, tout en s’abstenant de toutes les mesures qui pourraient être efficaces. On peut pester contre la pluie, mais il est plus utile de se munir d’un parapluie, d’un imperméable ... En fait la gamme des mesures susceptibles d’être efficaces est très large et, comme pour les paradis fiscaux, on finit par se demander pourquoi aucune d’entre elles n’est mise en œuvre.

A l’opposé de ces principes se trouve l’équilibre. L’adaptation d’une dépense à une recette. Dans une entreprise le paiement de représentants, de commerciaux, en pourcentage du produit des ventes qu’ils réalisent, versés après encaissement, est un principe d’équilibre. Celui de l’affectation analytique des coûts, de l’engagement des investissements en fonction des flux financiers en sont d’autres. Bien sûr, ces modèles ne sont pas directement adaptables aux finances publiques. Mais ce qui pourrait être fait, à condition d’affecter les recettes aux dépenses, serait de définir pour les recettes, des paramètres dont l’évolution suivrait la même tendance que les dépenses, comme c’est le cas dans les exemples cités. Des dépenses qui n’évolueraient qu’en fonction des recettes. Ce sont des principes de bonne gestion, car ils sont conçus pour et destinés à, parvenir à un équilibre. Décider d’abord des dépenses et se préoccuper ensuite de la façon dont elles seront financées est toujours une mauvaise méthode. Nous savons tous que ceux d’entre nous qui y ont recours sont de mauvais gestionnaires, qu’ils s’exposent à de cruelles déconvenues. Pourquoi accepter que nos mandataires gèrent dans des conditions que nous ne nous permettons pas à nous même ?

Le modèle selon lequel fonctionnent nos finances publiques est obsolète. De nombreux signes le montrent depuis de multiples années. Un système qui n’atteint pas les objectifs fixés : équilibre des comptes publics, résorption du chômage, amélioration ou au moins conservation des services publics, est un mauvais système. Quel autre critère pourrait - être légitimement retenu que le résultat ? Ceux-ci ne sont-ils pas mauvais à peu près dans tous les domaines ? L’abandon de l’objectif de résorption du chômage pour celui de « l’infléchissement de sa courbe », ne va-t-il pas, au-delà de l’échec, jusqu’au renoncement ? N’est-il pas évident que ceux qui se livrent à de tels abandons sont sûrs de ne jamais avoir à subir ce à quoi ils condamnent les autres ?

Bien sûr, la remise en cause des principes actuellement en vigueur va à l’encontre de la conception qu’ont nos dirigeants et Bercy, des finances publiques. Mais en considérant que leurs méthodes ont accumulé les échecs et qu’ils n’obtiennent jamais les résultats qu’ils promettent, leur discours n’est pas crédible. En outre ils n’ont jamais assumé les conséquences de leur mauvaise gestion, et ne sont que très rarement et faiblement sanctionnés pour leurs malversations. De ce fait, il faut changer de modèle et n’accorder de pouvoir qu’à des mandataires responsables de leurs actes et des conséquences, qui réparent eux même les dommages qu’ils causent. Ce qui n’est possible qu’en diluant les pouvoirs et les responsabilités, à l’inverse du système actuel, qui consiste à la concentrer au sommet de hiérarchies « d’élites autoproclamées » incompétentes et irresponsables.

A propos de l'auteur : Marc Albert CHAIGNEAU est écrivain (dont le dernier ouvrage “De la révolution à l’inversion” va paraître en janvier aux Editions EDILIVRE), ancien avocat d’affaires et responsable juridique pendant 35 ans


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