Le chiffre frappe fort, et résonne comme un retour en arrière inquiétant : en août 2025, l’Allemagne a franchi la barre des 3 millions de chômeurs. Une première depuis 2015. À Berlin, le gouvernement de Friedrich Merz est sous pression alors que l’économie peine à sortir de l’ornière et que la rentrée politique s’annonce décisive.
Avec une hausse de 45.700 demandeurs d’emploi en un mois, le pays atteint 3,03 millions de sans-emploi selon les données publiées le 29 août par l’Agence pour l’emploi. Ce seuil symbolique survient dans un climat de stagnation économique prolongée, de tensions internationales, et d’inflation persistante. Et si le taux de chômage corrigé des variations saisonnières reste à 6,3 %, la symbolique de ces trois millions marque un tournant.
Un revers politique pour Friedrich Merz
La coalition dirigée par le chancelier conservateur Friedrich Merz, entrée en fonction au printemps, doit désormais affronter un débat public enflammé. Pour Rainer Dulger, président de la Fédération allemande des employeurs (BDA), ces chiffres incarnent "un constat d’échec face au refus de réformes de ces dernières années". Il appelle de ses vœux "un véritable automne des réformes" pour tenter de redresser une économie qui accumule les signaux d’alerte.
Depuis mai 2022, le chômage en Allemagne est en progression quasi continue, après avoir atteint un plancher à 2,2 millions. En toile de fond, les effets combinés de la guerre en Ukraine, de la désorganisation mondiale des chaînes d’approvisionnement et d’une perte de compétitivité liée à la flambée des coûts de l’énergie.
Le quotidien Bild a consacré sa une à ce cap symbolique. Mais au-delà du chiffre, c’est la confiance dans le modèle économique allemand qui vacille.
Industrie en tension, réformes en suspens
La ministre social-démocrate du Travail, Bärbel Bas, a reconnu que "le vent contraire conjoncturel laisse toujours des traces sur le marché du travail et nécessite des mesures de riposte". Elle rappelle que le gouvernement a déjà adopté un plan massif de 500 milliards d’euros destiné à moderniser les infrastructures, et mis en place des incitations à l’investissement.
Mais les fédérations industrielles, elles, alertent sur l’urgence de réformes plus profondes, notamment fiscales et sociales. Dans le secteur stratégique de la machine-outil, Thilo Brodtmann, directeur du lobby VDMA, avertit que "sans diminution des dépenses sociales et réformes concrètes, la situation pourrait continuer à se détériorer".
Le constat est déjà visible : à fin juin, l’industrie a perdu 114.000 emplois sur un an, soit une baisse de 2,1 %. Depuis 2019, ce sont près de 250.000 postes qui se sont évaporés, dont 112.000 rien que dans le secteur automobile, en pleine mutation vers l’électrique.
Face à l’inquiétude générale, certains observateurs appellent à relativiser. Stephanie Schoenwald, économiste chez KfW Research, rappelle que l’Allemagne reste loin des niveaux records du début des années 2000, où le chômage atteignait 5 millions de personnes. Elle conclut que "les chances d’amélioration du marché du travail restent bonnes", misant sur un retour de la croissance attendu pour 2026.
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