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Florange: depuis six ans, les hauts-fourneaux ne ronronnent plus


Actualité publiée le 19/04/19 08:55

Des syndicalistes et ouvriers de l'usine d'ArcelorMittal à Florange (Moselle) expriment leur colère le 29 mai 2013 (AFP/Archives/JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN)

Depuis six ans, les hauts-fourneaux d'ArcelorMittal à Florange (Moselle), symbole de la richesse industrielle de la vallée de la Fensch, ne font plus entendre leur bruit sourd. Ils ne redémarreront plus et doivent être démontés.

Le 24 avril 2013, le gaz, qui alimentait les quatre tours de chauffe des deux cathédrales d'acier, a été coupé. Cette procédure a signé la fin de la filière liquide en Lorraine et d'une lutte syndicale acharnée, qui avait secoué les premiers mois du quinquennat Hollande.

Le P3 et le P6 - noms des deux hauts-fourneaux, implantés sur la commune de Hayange - ont alors été "mis sous cocon".

Selon un accord signé par l'Etat et l'industriel le 30 novembre 2012, "la possibilité de (les) redémarrer, soit en cas de retour de marché, soit en cas de projet de nouvelle technologie" devait être étudiée par ArcelorMittal à l'issue des six ans.

Mais en décembre dernier, le leader mondial de l'acier a confirmé l'arrêt définitif. Le redémarrage d'un ou deux hauts-fourneaux, et la construction d'une aciérie électrique ont été écartés pour "des raisons d'efficience économique, énergétique, environnementale et humaine", déclare Eric Niedziela, directeur d'ArcelorMittal Atlantique-Lorraine.

Depuis l'arrêt, l'usine de Florange, qui emploie 2.300 salariés, est approvisionnée par le site de Dunkerque, permettant de "maintenir un prix optimum des brames (acier brut à transformer) et une performance industrielle", explique-t-il.

"C'était une farce, la messe était dite dès 2013", soupire Frédéric Weber, responsable FO. Cette année-là, son syndicat avait déposé, devant l'usine, une stèle avec le mot "Trahison" gravé en capitales, et, au-dessous: "Ici reposent les promesses de changement de François Hollande aux ouvriers et à leur famille".

Six ans plus tard, les engagements du leader mondial de l'acier ont été respectés, tempère François Marzorati, ancien sous-préfet chargé du comité de suivi de l'accord entre ArcelorMittal et l'Etat.

Près de 330 millions d'euros ont été engagés, au lieu des 180 millions prévus, et un important centre de recherches a été implanté à Maizières-lès-Metz, détaille-t-il.

"Il y a eu 629 emplois supprimés, mais personne n'a été licencié. On ne peut pas en dire autant pour tous les conflits sociaux de ces dernières années", insiste M. Marzorati.

Au contraire, "la vallée a perdu mille emplois", entre les 629 salariés des hauts-fourneaux et les sous-traitants, soutient M. Weber. Dans le local FO, une photo des deux hauts-fourneaux est barrée de l'inscription "La Lorraine a un coeur d'acier".

"On est devenus des métallos (qui transforment l'acier, NDLR), on n'est plus des sidérurgistes (qui fabriquent l'acier). On a perdu un métier", grince Lionel Burriello, responsable CGT.

Son syndicat milite pour la création d'une aciérie électrique, "moins polluante". "Notre industrie doit migrer vers de nouveaux outils et la production d'acier doit rester un savoir-faire" de la vallée, dit-il.

"Stratégiquement, tous les voyants sont au vert. Et ce serait une victoire obtenue à contre-temps", ajoute M. Burriello.

- "Traître!" -

A l'été 2011, "une fermeture provisoire à durée indéterminée" des installations a été décidée, se souvient Edouard Martin, ancien syndicaliste CFDT et figure du conflit social.

Pendant vingt mois, l'intersyndicale va multiplier blocages, actions et nuits passées autour du brasero. Les hauts-fourneaux mosellans s'invitent dans la campagne présidentielle de 2012.

"Tous les candidats sont venus à Florange, ça fait toujours bien d'être photographié avec des ouvriers en grève", raille M. Martin, devenu député européen en 2015.

Malgré les déclarations encourageantes du nouveau président et surtout de son ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, ArcelorMittal annonce en octobre 2012 la fermeture et donne 60 jours au gouvernement pour trouver un repreneur.

Après des semaines de négociations, deux offres de reprise et l'hypothèse d'une nationalisation, le couperet tombe: le 30 novembre, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, annonce à la télévision un accord avec le numéro un de l'acier, incluant l'arrêt des hauts-fourneaux.

A Florange, Edouard Martin, entouré de ses compagnons de lutte, lâche alors un "Traître!", repris massivement par les médias.

"Si je devais le redire, je le redirais. Ce mec-là nous a trahis", dit-il, encore très amer.

- "Nostalgie du savoir-faire" -

Le conflit a laissé des traces: rancoeur, perte de confiance dans les politiques, intersyndicale pulvérisée.

"Un jour on vous dit: +Vous avez fait la révolution pendant un an et demi, maintenant c'est fini, rentrez chez vous+", soupire Frédéric Weber, de FO.

"On nous répète: +Vous vous êtes bagarrés, maintenant faites le deuil", renchérit Lionel Burriello, de la CGT.

Rémy Dick, maire de Florange (12.000 habitants), a accueilli l'arrêt définitif des deux hauts-fourneaux avec "soulagement, satisfaction".

"Ces années de tourmente médiatique négative pendant lesquelles Florange a été associée à un déclinisme industriel ont été dévastatrices pour l'attractivité du territoire", dénonce l'édile, qui préfère "aller de l'avant".

Ses administrés ont accepté la disparition de l'activité. "Seuls les anciens de la sidérurgie ont la nostalgie du savoir-faire, de la fierté d'appartenir aux hauts-fourneaux", dit-il.

ArcelorMittal s'est engagé à déconstruire les deux cathédrales d'acier, de couleur rouge sombre, et à dépolluer partiellement le site de 63 hectares d'ici à cinq ans.

Certains craignent que les deux tours restent comme "deux verrues". A huit kilomètres, à l'usine de Gandrange, fermée en 2009, "tout s'effondre et rien n'a été dépollué", regrette M. Weber.

"On est la génération qui a mis la clé sous la porte" des installations industrielles, qui "ont donné du travail à nos aïeux, quand ils sont arrivés en France pour fuir la misère", ne peut se résigner Lionel Burriello.

© 2019 AFP

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