L'Etat marie Alstom à l'américain GE, au détriment de Siemens Publié le 20-06-2014 à 18h50 L'Etat français, qui a fait monter les enchères autour d'Alstom, a finalement retenu vendredi l'offre américaine de General Electric, et repoussé celle de l'allemand Siemens, tout en entrant au capital du groupe industriel français à hauteur de 20%.
Le ministre de l'Economie Arnaud Montebourg, qui avait penché au départ pour l'offre allemande, a annoncé devant la presse à Bercy en fin d'après-midi avoir envoyé une lettre d'intention au patron de GE, Jeff Immelt, lui précisant les conditions de cette alliance GE-Alstom.
Au terme d'une bataille de plusieurs mois, L'Etat français va ainsi entrer au capital d'Alstom à hauteur de 20% dans le cadre d'une alliance avec le conglomérat américain General Electric, qui a été préféré au tandem Siemens et Mitsubishi Heavy Industries.
C'est au conseil d'administration d'Alstom qu'il revient à présent de décider si le groupe entre en négociations exclusives avec GE, au plus tard lundi, date de l'expiration de l'offre de l'américain. Une réunion du CA d'Alstom était en cours vendredi soir.
- Bouygues sort, l'Etat entre -
Afin que le gouvernement puisse exercer sa "vigilance patriotique", selon les termes du ministre, l'Etat va racheter les deux tiers de la participation de Bouygues, et devenir avec 20% du capital le principal actionnaire d'Alstom, a-t-on indiqué à Bercy. Cette part s'élève à 1,72 milliard d'euros.
En outre, "une co-entreprise spécifique française dans le nucléaire et la vapeur sera constituée: Alstom sera maintenue dans une alliance à 50/50 dans le nucléaire, la vapeur ainsi que toutes les activités de la transition énergétique. Cette alliance est donc garantie par l'arrivée de l'Etat aux commandes d'Alstom, c'est en quelque sorte l'Etat qui assure l'effectivité, la solidité et la pérennité de cette alliance", a ajouté le ministre.
M. Montebourg a par ailleurs prévenu qu'il y aurait des "pénalités" si les engagements de GE à créer 1.000 emplois n'étaient pas tenus.
La lettre d'intention est en train d'être examinée par M. Immelt et la direction de GE, a-t-on indiqué dans l'entourage du groupe américain.
Concernant l'offre concurrente de Siemens et du japonais Mitsubishi Heavy Industries, M. Montebourg a souligné que ce projet de groupe franco-allemand de l'énergie qui aurait été composé par Alstom et Siemens s'était "heurté aux règles de la concurrence" de Bruxelles.
Après des semaines d'un feuilleton à rebondissements, le gouvernement pouvait se prévaloir de son interventionnisme qui a payé, selon lui. Paris jouait en effet les uns contre les autres pour faire monter les enchères, notamment depuis l'entrée dans la course de Siemens et MHI en début de semaine.
Alstom, "en terme de méthode, c'est l'anti-Florange", s'est ainsi félicité le Premier ministre Manuel Valls, en référence au conflit à l'automne 2012 entre son prédécesseur Jean-Marc Ayrault et M. Montebourg, qui militait à l'époque pour une nationalisation du site ArcelorMittal de Florange (Moselle).
L'amélioration de l'offre de GE, et donc son soutient par l'Etat, "nous le devons beaucoup à l'engagement d'Arnaud Montebourg", a-t-il déclaré.
L'américain avait amélioré son offre jeudi, avec notamment une concession de taille au gouvernement sur le nucléaire, tout en maintenant sa valorisation de 12,35 milliards d'euros pour les activités convoitées.
Alstom fournit à EDF les turbines à vapeur pour les réacteurs de ses centrales nucléaires, et Paris répugne à voir passer sous pavillon américain cette activité qui touche à la souveraineté du pays.
L'offre concurrente de Siemens-Mitsubishi Heavy Industries, qui a eu un temps les faveurs d'Arnaud Montebourg, avait également été rehaussée vendredi, avec une mise de 8,2 milliards d'euros sur la table en numéraire, contre 7 milliards lundi.
Le patron de Siemens, Joe Kaeser, était lui-même venu présenter cette nouvelle version à François Hollande en début d'après-midi, dans la foulée d'un entretien du président avec le PDG de GE.
Côté syndical, on se montrait soulagé par la décision du gouvernement, la CFE-CGC, premier syndicat du groupe français, voyant comme "un élément rassurant" l'entrée de l'Etat au capital d'Alstom.
- Syndicats rassurés mais vigilants-
"C'est une bonne nouvelle à condition que chacun tienne ses engagements", a déclaré à l'AFP Joseph Crespo, président de la fédération métallurgie de la CFTC, qui s'était déjà prononcé en faveur de l'offre du groupe américain.
Dans la classe politique, la gauche apportait son soutien au gouvernement, à l'instar de Jean-Pierre Chevènement, sénateur et président d'honneur du MRC, pour qui "le compromis auquel le gouvernement est parvenu avec General Electric préserve les intérêts de la France".
Côté Front national en revanche, la réaction était nettement plus vive, sa présidente Marine Le Pen dénonçant "une nouvelle trahison des intérêts de la France par le gouvernement socialiste".