Ce mercredi 23 avril, la Commission européenne a infligé des amendes record à Apple et Meta, totalisant 700 millions d’euros, pour non-respect du Digital Markets Act (DMA). Ce règlement, entré en vigueur récemment, vise à limiter les abus des géants du numérique dans l’Union européenne. Le contexte est particulièrement explosif : les tensions commerciales entre Bruxelles et Washington atteignent un sommet, et cette décision risque bien d’envenimer les choses.
500 millions pour Apple, 200 pour Meta. Le message est limpide : l’UE ne compte plus tolérer les entorses à ses règles, même de la part des entreprises les plus puissantes au monde. Cette décision est aussi un moment clé pour Teresa Ribera, fraîchement nommée commissaire à la Concurrence, qui succède à Margrethe Vestager. Et elle n’a pas tardé à marquer son territoire.
Pourquoi Apple et Meta sont-ils sanctionnés ?
Apple est dans le viseur pour avoir verrouillé son App Store d’une manière jugée anticoncurrentielle. L’entreprise a empêché les développeurs d’applications de proposer des offres alternatives, souvent moins chères, en dehors de sa plateforme. Une pratique que Bruxelles qualifie d’atteinte grave au choix du consommateur et à l’ouverture du marché.
L’amende de 500 millions d’euros vient s’ajouter à une série de sanctions européennes : en 2024, Apple avait déjà été condamnée à 1,8 milliard d’euros pour avoir exclu ses rivaux dans le streaming musical. Mais cette fois, l’affaire s’inscrit dans un nouveau cadre juridique plus strict, celui du DMA.
Du côté de Meta, c’est le modèle dit « consentement ou paiement » mis en place entre mars et novembre 2024 qui est mis en cause. Ce système imposait aux utilisateurs européens de payer pour ne pas voir leurs données partagées entre les services du groupe (Facebook, Instagram…). Problème : il n’offrait pas d’option gratuite permettant de refuser le traitement des données, comme l’exige le règlement.
Une nouvelle version du modèle, plus respectueuse de la vie privée, a été lancée en novembre 2024, mais reste sous évaluation par la Commission. Meta écope d’une amende de 200 millions d’euros, et la commissaire Ribera assure que ce n’est qu’un début.
Une bataille politique et commerciale de plus en plus tendue
Ces sanctions sont loin d’être purement techniques. En coulisses, la guerre commerciale entre les États-Unis de Donald Trump et l’Union européenne a pesé sur le calendrier. Les enquêtes contre Apple et Meta ont démarré en mars 2024, mais les décisions ont été repoussées à plusieurs reprises pour éviter un choc diplomatique.
Bruxelles a finalement tranché, sans tambour ni trompette : les annonces ont été faites sans conférence de presse, mais par un simple communiqué, dans une volonté de sobriété mais aussi de fermeté. « Toutes les entreprises opérant dans l’UE doivent respecter nos lois », a martelé Teresa Ribera. « Apple et Meta ont manqué à leurs obligations. »
Les géants américains ne comptent pas se laisser faire. Apple dénonce une discrimination, affirmant que l’Europe veut forcer l’entreprise à céder sa technologie gratuitement. Meta, plus virulent encore, parle d’un deux poids deux mesures, accusant l’UE de favoriser ses propres entreprises au détriment des groupes américains.
Ce que risquent vraiment les géants du numérique
L’affaire ne s’arrête pas là. Apple et Meta ont 60 jours pour se conformer aux décisions européennes, sous peine d’astreintes supplémentaires. Google, également dans le collimateur pour ses pratiques sur Search et Google Play, pourrait être le prochain sur la liste, avec une amende potentielle allant jusqu’à 20 % de son chiffre d’affaires mondial en cas de récidive.
L’objectif de la Commission est clair : imposer une culture de la conformité, face à des groupes qui investissent des fortunes en lobbying pour retarder ou contourner les règles. Les Big Tech, qui font aussi face à des enquêtes aux États-Unis, voient leur marge de manœuvre se réduire des deux côtés de l’Atlantique.
L’Europe semble donc avoir trouvé sa méthode : frapper fort, frapper vite, et sans se laisser intimider. Le DMA, longtemps perçu comme un cadre juridique de plus, montre aujourd’hui qu’il a des dents. Et il vient tout juste de mordre.
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