Alexandre Prot et Steve Anavi, les co-fondateurs de Qonto
C’est désormais une ambition assumée. Ce jeudi 3 juillet, la licorne française a annoncé avoir déposé une demande de licence bancaire auprès de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution). L’objectif ? Obtenir le statut d’établissement de crédit, et ainsi ne plus dépendre de partenaires pour proposer des financements à ses clients. Un changement stratégique majeur qui transformerait Qonto d’établissement de paiement en banque à part entière, capable de prêter directement aux PME.
« C’est une étape importante de notre développement », a expliqué Alexandre Prot, cofondateur de la fintech, lors d’une conférence de presse. « Cela répond à une forte attente de nos clients et à une opportunité de marché. » Mais l’obtention du précieux sésame pourrait prendre plusieurs années, selon le dirigeant.
Qonto muscle sa gouvernance pour séduire le régulateur
Pour maximiser ses chances auprès du régulateur, Qonto s’est offert un conseil d’administration de haut vol. Parmi les nouveaux venus : Jean-Pierre Mustier, ex-patron de la Société Générale et d’UniCredit, ou encore Françoise Brougher, ancienne dirigeante chez Google, connue pour son expérience dans la tech californienne. Deux profils taillés pour rassurer l’ACPR sur la solidité du projet et sa conformité avec les exigences bancaires.
La fintech n’en est pas à sa première tentative. En 2021, elle avait déjà envisagé d’obtenir une licence bancaire, avant de renoncer, faute de rentabilité et de fonds propres suffisants. Depuis, la donne a changé. En 2022, Qonto a levé 486 millions d’euros lors d’un tour de table record, atteignant une valorisation de 4,4 milliards d’euros. Et selon ses fondateurs, elle serait rentable depuis 2023, grâce notamment à l’effet des taux d’intérêt sur sa marge nette.
Ce que la licence bancaire va changer pour les clients PME
Jusqu’à présent, Qonto n’a jamais pu prêter de l’argent directement. Limitée par son statut, elle a dû s’appuyer sur des partenaires comme October, ou lancer des solutions de paiement fractionné reposant sur ses propres fonds. L’an dernier, elle annonçait 50 millions d’euros de crédits distribués via ce canal. Mais cette offre reste restreinte à 10.000 euros remboursables sur trois mois.
Avec une licence bancaire, tout change. Qonto pourra s’appuyer sur les dépôts de ses clients pour financer des prêts. À condition bien sûr de répondre aux exigences réglementaires en matière de capital. C’est ce qui permettrait à l’entreprise de devenir le point de contact unique pour la gestion financière des PME, de l'encaissement jusqu’au crédit.
Elle prévoit également d’élargir sa gamme de services à l’épargne et à l’investissement, avec un objectif assumé de contrôle total sur l’expérience client, sans devoir passer par des infrastructures externes comme Treezor ou des banques partenaires comme Crédit Mutuel Arkéa, qui cantonne actuellement les dépôts.
Une ambition européenne assumée et un cap vers 2030
Fondée en 2017, Qonto compte aujourd’hui 600.000 clients répartis dans huit pays européens : France, Allemagne, Espagne, Italie, Autriche, Belgique, Pays-Bas et Portugal. Avec un objectif clair : atteindre les 2 millions de clients d’ici 2030.
La fintech a déjà consolidé son maillage européen via deux acquisitions stratégiques : l’allemand Penta en 2022, et la plateforme française Regate en 2024. Elle a aussi internalisé son infrastructure technique (core banking system) et lancé sa propre offre de terminaux de paiement, rompant ainsi avec ses partenaires historiques comme SumUp.
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L’obtention de la licence bancaire aurait aussi un impact important pour ses clients hors de France, notamment en Belgique, où elle ambitionne de proposer des services bancaires étendus sans exiger l’ouverture d’un compte français. « L’agrément d’établissement de crédit français confère un passeport européen », rappelle Qonto.
Sur un marché en ébullition, la concurrence reste féroce. Le britannique Revolut revendique déjà 500 millions d’euros de revenus sur son offre dédiée aux professionnels. Et la start-up française Pennylane, récemment valorisée à 2 milliards d’euros, vise elle aussi le même segment. Qonto, elle, parie sur la stabilité, l’indépendance… et la confiance.
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