Entrés en impasse budgétaire, les États-Unis sont désormais plongés dans un “shutdown” généralisé : des centaines de milliers de fonctionnaires seront mis au chômage technique, tandis que les négociations au Congrès restent bloquées.
Une paralysie fédérale sans précédent depuis 2018 frappe les États-Unis ce 1ᵉʳ octobre 2025. Au lendemain de l’échec du Congrès à voter un nouveau budget, une grande partie de l’administration fédérale est désormais immobilisée. Le mot “shutdown” revient en boucle : les salaires des fonctionnaires risquent d’être suspendus, les services publics coupés et les citoyens privés de prestations essentielles. Qui porte la responsabilité ? Et jusqu’où les conséquences pourraient-elles aller ?
Les républicains, majoritaires au Congrès, n’ont pas réussi à obtenir l’adhésion de sénateurs démocrates pour une loi de finances compatible. Le système de vote du Sénat impose qu’un texte soit soutenu par au moins 60 voix sur 100, ce qui nécessite le ralliement d’au moins sept démocrates — compromis difficile dans un contexte partisan extrême. Les démocrates, de leur côté, réclament le rétablissement d’importantes subventions de santé supprimées sous l’administration Trump, notamment pour renforcer “Obamacare”.
Dans ce contexte tendu, Russell Vought, directeur du Bureau du budget à la Maison Blanche, a d’ores et déjà instruit les administrations de “mettre en application leurs plans pour une fermeture ordonnée.” Lundi, Chuck Schumer, chef de la minorité démocrate au Sénat, a insisté : “Ce n’est pas une question d’orgueil”.
Mécanisme et rôle du shutdown : comment on en arrive là
Le calendrier budgétaire américain est structuré autour de 12 lois de crédits annuelles, destinées à financer les agences fédérales pour l’année fiscale. Si le Congrès ne parvient pas à les voter ou n’adopte pas une mesure provisoire (continuing resolution), un vide juridique se crée : certaines dépenses ne peuvent plus être engagées, d’où la paralysie. Le 1ᵉʳ octobre correspond au début de l’exercice budgétaire 2026 : faute d’accord, le gouvernement bascule automatiquement dans un shutdown.
Un des verrous majeurs est la règle du Sénat : pour faire adopter un budget, il faut 60 voix. Avec une majorité républicaine mais un parti démocrate refusant de céder sur les subventions santé, le processus est bloqué. Cette impasse conduit au gel partiel de l’administration — même si des “services essentiels” doivent continuer (militaires, sécurité, etc.).
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Le caractère inédit de ce shutdown tient aussi à la posture agressive du gouvernement : contrairement à des fermetures antérieures limitées, le plan prévoit non seulement des mises en “furlough” (chômage technique) mais aussi des licenciements permanents selon certaines lignes programmatiques.
Les conséquences en cascade : juguler la taille du choc
Fonctionnaires, salaires et services suspendus
Le Bureau du budget du Congrès estime que 750 000 fonctionnaires pourraient être mis chaque jour en chômage technique. Parmi eux, de nombreux employés du secteur de la santé : le département HHS prévoit de mettre en furlough 41 % de son personnel, dont 64 % au CDC et 75 % au NIH — laissant nombre de missions de recherche ou de santé publique en suspens. Le FDA, de son côté, conserverait 86 % de son personnel.
Dans le secteur aérien, plus de 11 000 agents de la FAA pourraient être mis à l’arrêt, alors que plus de 13 000 contrôleurs aériens seront contraints de travailler sans être payés jusqu’à la levée du blocage. La Transportation Department prévoit de mettre en furlough 12 200 de ses 53 717 employés. L’interruption des recrutements et de la formation des contrôleurs accroît les risques de retards et de perturbations dans le transport aérien.
Les parcs nationaux seront aussi touchés : 9 200 employés, soit environ 64 % du personnel, seront mis au chômage technique, rendant impossible la surveillance régulière du territoire. Les fermetures de sites ouverts au public et la surveillance minimale de sécurité sont déjà annoncées.
Impact économique et sur la croissance
Chaque semaine de shutdown pourrait éroder 0,2 point de pourcentage de croissance annuelle du PIB ; certaines estimations parlent même de 10 points de base par semaine. Mark Zandi, économiste de Moody’s, met en garde : un arrêt prolongé pourrait “ébranler la confiance des investisseurs et compliquer la conduite de la politique monétaire” de la Fed.
Sur les marchés, les conséquences sont déjà visibles : les contrats à terme sur actions baissent, l’or atteint des records, et la diffusion de données clés (emploi, inflation) est retardée, ce qui affaiblit la visibilité macroéconomique.
Services essentiels et continuité sécurisée
Malgré les coupures, certaines fonctions sont maintenues. Le Département de la Sécurité intérieure (DHS) prévoit que la majorité de ses agents (douanes, immigration, sécurité) resteront en poste car liés aux missions de sécurité nationale, ou financés par des recettes non soumises à appropriation. Toutefois, environ 14 000 agents sur 271 000 du DHS pourraient être mis en furlough.
Les programmes comme Medicare, Medicaid ou les prestations sociales essentielles continuent dans une certaine mesure, mais des perturbations sont attendues, notamment pour les services télé-santé pour les seniors. Les services d’immigration (traitement de visas, demandes d’asile, détention) subiront des ralentissements, voire des arrêts dans certaines fonctions.
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