Le 28 septembre dernier, le leader européen du déploiement technologique présentait des résultats semestriels en demi-teinte, malgré une très forte progression de son activité à l’étranger. En cause : des pénuries de composants qui pénalisent l’ensemble de la filière, et des relais de croissance difficiles à activer sur un marché en proie à de multiples contraintes. Mais le plus dur est derrière elle, assure l’entreprise, qui anticipe une reprise pour la fin de l’année et poursuit sa transition opérationnelle. Les explications de son PDG, Gianbeppi Fortis.
Les résultats publiés par Solutions 30 confirment un ralentissement de la croissance en 2022, malgré une dynamique commerciale soutenue. Comment l’expliquez-vous ?
De fortes tensions continuent de peser sur la supply chain. Les pénuries de composants, en amont de la filière, entraînent des retards de chantier et, mécaniquement, un report de chiffre d’affaires. Ces ruptures d’approvisionnement concernent aussi bien le marché de la fibre optique que celui de la transition énergétique (photovoltaïque et IRVE par exemple), sur lesquels nous sommes engagés. Il faut aussi tenir compte de facteurs structurels, à commencer par la maturité du marché français de la fibre, qui font que nous sommes en pleine transition opérationnelle en France.
Pour autant, le ralentissement de la croissance est à relativiser : nous avons réalisé le deuxième meilleur trimestre de notre histoire après un plus haut historique atteint au premier semestre 2021, porté par les effets positifs de la crise Covid sur notre activité télécoms. Cet effet de base est donc de nature à biaiser la lecture de notre performance commerciale qui demeure positive au regard de la conjoncture actuelle et des records d’activité passés.
C’est surtout sur le marché français que Solutions 30 enregistre un recul de son chiffre d’affaires, tandis ses autres marchés européens sont en forte croissance. À quoi est-ce lié ?
Sur les autres marchés européens de Solutions 30, nous enregistrons une croissance de l’ordre de 30%. Celle-ci est tirée par le déploiement des réseaux de fibre et le raccordement des abonnés dans des pays où le taux d’équipement est encore relativement faible. Nous avons atteint la taille critique au Benelux, et poursuivons nos efforts commerciaux sur les autres marchés européens où nous prévoyons d’atteindre la taille critique sous 2 à 5 ans. Des marchés comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la Pologne, par exemple, sont tout juste en phase de démarrage.
Sur ces territoires, nous finançons sur fonds propres les démarrages et montées en charge des contrats que nous gagnons. Nous procédons à des investissements importants en matière d’organisation, de définition des process, de recrutement ou de formation. Ceux-ci nous permettent de consolider notre avantage concurrentiel et d’accompagner nos clients en tenant des calendriers serrés et en respectant des critères qualité particulièrement exigeants. Pour y arriver, nous nous appuyons sur l’expertise que nous avons acquise en France.
De son côté, le territoire français est dans une phase plus mature avec des marchés qui se normalisent, c’est le cas dans la fibre, ou qui arrivent à leur terme, c’est le cas des déploiements de compteurs intelligents. Et le repli d’activité qui en résulte n’est pas encore compensé par les nouvelles activités telles que l’installation de bornes de recharge, de panneaux solaires ou de dispositifs connectés visant à contrôler les consommations d’énergie, dont le développement est ralenti par les ruptures sur la supply chain.
À quoi attribuez-vous la détérioration de la marge opérationnelle au premier semestre, malgré cette dynamique commerciale ?
L’adaptation aux nouvelles conditions de marché et la transition opérationnelle en cours en France, qui représente toujours 50% de notre activité, entraînent une moindre absorption des coûts opérationnels et de structure.
Le redéploiement géographique d’un de nos principaux contrats en France pèse momentanément sur notre rentabilité, puisqu’il implique une réorganisation à l’échelle nationale. Or, le segment des télécoms représente 72% de notre chiffre d’affaires en France. Nous devons donc investir aujourd’hui pour rester leader demain et continuer de conquérir des parts de marché, tout en anticipant un renforcement des contraintes réglementaires. Et nous voulons également être bien positionnés afin de tirer profit d’une seconde phase de consolidation du marché de la fibre, qui reste globalement fragmenté. On peut d’ailleurs s’attendre à davantage de concentration dans les mois à venir, compte tenu des difficultés auxquelles sont confrontés certains acteurs.
En quoi consiste, plus précisément, votre transition opérationnelle en France ?
Après une phase de forte montée en puissance, comme celle que nous avons connu en France jusqu’en 2021 sur le déploiement des compteurs intelligents ou de la fibre optique, notre activité atteint une vitesse de croisière. Celle-ci est génératrice de valeur, car elle implique du chiffre d’affaires récurrent à travers les opérations de maintenance. Mais dans le même temps, nous redéployons une partie de nos ressources sur les activités émergentes, en particulier dans la transition énergétique. Ce redéploiement nous permettra d’entamer un nouveau cycle de création de valeur, mais il entraîne des coûts de transition qui pèsent temporairement sur notre marge et notre trésorerie.
Quels sont les futurs axes de développement de Solutions 30 ?
Nous avons d’ores et déjà investi les marchés porteurs de la transition énergétique et de la 5G, grâce à la réplicabilité de notre modèle économique et opérationnel. Nous avons signé pour 770 millions d’euros de commandes depuis le début de l’année. Dans le déploiement de la fibre en Europe, nous avons gagné, au total, plus de 2,5 milliards d’euros qui sont à livrer sur les 3 à 5 prochaines années. Solutions 30 compte une cinquantaine de clients actifs dans le domaine des bornes de recharge, pour environ 20.000 points de recharge qui seront installés en 2022. Nous intervenons également dans l’installation et la maintenance de panneaux solaires. La transformation numérique n’est pas en reste, puisque le développement de la 5G entraîne dans son sillage de nombreux effets économiques induits pour les professionnels du déploiement numérique, tant les domaines applicatifs sont nombreux pour les particuliers comme pour les collectivités et les industriels. Nous sommes aujourd’hui en mesure de relever ces défis grâce aux synergies opérationnelles entre les activités du groupe, qui nous conduisent à réaffecter des techniciens dans les domaines à très forte croissance.
Avez-vous de nouveaux projets de croissance externe ?
Les fondamentaux macroéconomiques nous confortent aujourd’hui dans notre choix de privilégier une croissance organique tout en maintenant un faible niveau d’endettement. Une bonne gestion de la trésorerie, adossée à une structure financière solide, permet d’alimenter notre croissance sur les marchés en phase de décollage où notre objectif de taille critique est compris entre 100 et 200 millions de chiffre d’affaires. Sur cette base, notre ambition est de porter notre chiffre d’affaires consolidé à plus de 2 milliards d’euros dans les 3 à 5 ans qui viennent.
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