“Hollywood risque de devenir un Détroit bis.” C’est la phrase choc d’un syndicaliste californien, repris par le New York Times, pour résumer le séisme déclenché ce dimanche par Donald Trump. Le président américain a ordonné l’ouverture d’un processus visant à imposer des droits de douane de 100 % sur tous les films produits à l’étranger, dans le but de relocaliser les productions sur le sol américain. Une annonce qui, sans même entrer en application, suffit déjà à faire trembler les studios du monde entier, jusqu’aux plateaux de Coulommiers en Seine-et-Marne.
Les mots de Trump, publiés sur son réseau Truth Social, sont clairs : "L’industrie cinématographique américaine est en train de mourir. D'autres pays offrent toutes sortes d'incitations pour attirer nos cinéastes et nos studios loin des États-Unis." Pour lui, cette politique de subventions étrangères s’apparente à une "menace pour la sécurité nationale".
Les studios internationaux pris au piège de la mesure
À ce stade, aucun détail technique n’a été fourni. Mais l’effet d’annonce suffit déjà à plonger l’industrie dans l’incertitude. Un agent britannique résume, sous couvert d’anonymat, auprès de Screen Daily : "Cela a l’air potentiellement désastreux pour l’industrie internationale du film." En Australie, Matthew Deaner, directeur d’une organisation de producteurs, prévient : "Tant que nous n’en saurons pas plus, cela enverra des secousses dans le monde entier."
La mécanique est pourtant bien connue : la majorité des studios américains tournent à l’étranger pour profiter des exonérations fiscales en Hongrie, au Canada, au Royaume-Uni, en Espagne ou en Irlande. Une pratique courante qui permet aux productions de maintenir des budgets compétitifs, tout en générant des retombées économiques dans les pays d’accueil.
Mais selon Trump, cette délocalisation détruit les emplois à Los Angeles. Dans une enquête publiée en avril, le New York Times évoquait la fermeture de nombreux plateaux, comparant le déclin de Hollywood à celui de l’industrie automobile à Détroit dans les années 1970.
Des réactions en chaîne jusqu’au Québec et à Paris
À Montréal, Evelyne Snow, porte-parole d’un syndicat canadien, s’inquiète pour les 2.000 personnes que peut faire vivre une seule production américaine : "Du cameraman jusqu’au chauffeur de limousine, c’est tout un écosystème qui est en jeu."
En France, le ton est plus feutré, mais l’inquiétude palpable. Gaëtan Bruel, directeur du CNC, déclarait déjà en avril que les États européens devaient "se préparer à toute hypothèse". L’ARP, la FNEF et l’UPC n’ont pas souhaité commenter l’annonce de Trump, tandis que le CNC s’est abstenu de réaction officielle ce lundi.
Pourtant, ce sont bien les fondements du modèle culturel européen qui pourraient être remis en question. Une politique de repli américain pourrait faire s’effondrer les co-productions, couper l’accès aux salles américaines pour les films étrangers, et pousser à une relocalisation forcée des tournages.
Des conséquences immédiates pour Netflix, Disney et Paramount ?
Les marchés n’ont pas tardé à réagir : les titres Netflix, Disney et Paramount décrochent ce lundi à Wall Sreet. Si les droits de douane sont mis en place, ces géants du streaming devront repenser leur modèle économique, basé sur une production mondiale éclatée.
Pour le magazine Variety, la question est directe : "Qui a envie de ça ?" Certainement pas Hollywood, où l’on cherche encore à redresser la fréquentation post-Covid. Imposer des surcoûts aux films tournés hors du pays serait un coup dur supplémentaire pour une industrie déjà fragilisée.
Une chose est sûre : avec ce projet, Trump ouvre un nouveau front dans sa politique protectionniste, au risque de provoquer un effet boomerang sur les exportations culturelles américaines. Et le monde du cinéma, habitué à jongler avec les frontières, risque bien de se retrouver cloué au sol.
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