Planqué au fond de la Calabre avec la famille, j'ai appris ce sacré deal, qui
est à ce jour, et de loin, la plus grosse acquisition d'Amazon.
Merci à ceux qui m'ont envoyé un mail pour me demander pourquoi je n'avais pas
encore bloggué la dessus, mais comme je le disais, ce n'est pas ma priorité en
vacances et de plus je n'ai pas une connexion Internet aisée ! En tous cas, ce
deal m'a réveillé de ma douce torpeur, de mes séances d'apnée et de mes lectures
!
Le "rouleau compresseur", qui a doublé sa part de marché de l'e-commerce
américain de 5 à 10% en 5 ans, qui représente aujourd'hui, avec sa place de
marché, le 1/3 de toutes les transactions e-commerce aux US,
enfonce le clou en rachetant le leader incontestable de la catégorie, avec des
ventes proches du Milliard de $.
Ma 1ère réaction fut de me demander
où Amazon arrêtera son emprise sur
l'e-commerce qui dépasse nettement maintenant celle de Walmart dans le
monde physique (7% du retail américain seulement). Quelque part, cela fait un
peu peur, l'e-commerce a une
mécanique bien plus oligopolistique
que le monde physique. Et cela oblige à avoir une stratégie de positionnement
très bien pensé et une exécution exellentissime, car question IT et process
logistiques, Amazon est impressionnant.
Dans l'analyse du deal, 3 petites réflexions que je me suis faites au bord de la
piscine :
-
VALORISATION. Le prix est de 10M d’actions Amazon + 40M$
cash,
soit aux environ de 900M$ (l'action Amazon a chuté de 8%
en after hours hier soir après ses résultats pour tomber vers les 86-87$),
moins de 1x le CA prévisionnel 2009 de Zappos, ce alors que
Amazon est capitalisée environ 1.8x son CA actuellement. Moins de 1x le CA pour
un leader incontesté comme Zappos, au CA de 1Mds$, en croissance cette année
sans doute de l'ordre de 15%, avec des process logistiques extrêmement affutés,
voila qui donne un benchmark intéressant pour la catégorie spécifique de la
chaussure en ligne mais aussi pour l'e-commerce en général. Zappos étant une
société privée il n'y a pas d'information financière détaillée disponible, mais
la rumeur était qu'ils étaient correctement rentable (quelques % d'EBIT ?).
-
EN EUROPE : avec ou sans Zappos, Amazon voulait se lancer
dans la chaussure online en Europe et avait déja commencé à approcher les
acheteurs des pure players spécialisés pour les débaucher, à prix d'or. Si
Zappos était déjà très avancé aux US quand Amazon a lancé Endless pour tenter de
les concurrencer, les pure players européens, au CA de quelques dizaines de
millions d'Euro, n’ont pas atteint la taille critique pour lutter aussi
efficacement. Avec l'apport de Zappos maintenant, ça va être encore plus
compliqué...
-
LECON STRATEGIQUE. En achetant Zappos, Amazon reconnait que
Endless n'a pas réussit à s'imposer notablement dans la catégorie et que la
meilleure façon de faire une percée était d'acheter le leader en place. Donc,
un très solide leader dans une catégorie e-commerce peut faire mieux que
résister face à "la pieuvre"...Mais d'un autre côté, en se vendant à
Amazon et en se faisant payer majoritairement en actions, Zappos reconnaît qu'il
créera plus de valeur pour ses actionnaires de la sorte plutôt qu'en combattant
seul. Donc, ce très solide leader dont on parle peut résister commercialement,
mais
pour maximiser la valeur pour ses actionnaires, le plus
sûr chemin passe par se faire racheter par cette dite pieuvre...Dans l'histoire,
tout le monde y gagne, sauf bien entendu la concurrence...et les fournisseurs à
qui l'ensemble Amazon+Zappos va demander au plus vite des points de remise
supplémentaires.