Un plan de rigueur qui n'en a que le nom
Par Rodolphe Vialles
En regardant l'annonce de François Fillon sur le train de mesures "d'économies" pour lutter contre la dette, il ne faisait pas bon boire un whisky-coca en fumant une clope pour se féliciter de ses gains de trading du jour, car désormais c'est la quadruple taxation : alcool fort, tabac, boisson sucrée et revenus du capital !
Cette boutade illustre le nouvel entêtement de nos dirigeants à nous prendre pour des gogos. Certes il y a bien une crise d'endettement née du fait que depuis plus de 35 ans les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, ont dépensé plus que les rentrées fiscales ne le permettaient, augmentant inlassablement la dette publique de l'Etat, mais la méthode est mauvaise et surtout le "plan com" donne la nausée.
D'emblée on nous parle d'économies alors qu'aucune annonce sérieuse n'a été faite pour réduire le train de vie de l'Etat. On n'a abordé que le volet "recettes", c'est à dire les impôts. On a assisté à une longue liste à la Prévert de nouvelles taxes ou de renforcement d'anciennes. Le vocabulaire est biaisé, on va ponctionner encore un peu plus les français, mais hors de question de s'attaquer aux vastes gaspillages de l'Etat. Nous vendre ça pour des économie, ou de la rigueur, c'est se moquer du monde.
Mais nous sommes à moins d'un an des présidentielles et hors de question de toucher à un centime d'assistance tous azimuts, de réformer enfin cette grosse machine improductive qu'est l'Etat, de supprimer les cadeaux fiscaux au rendement improbable (investissements DOM-TOM, etc.) ou de faire le ménage dans toutes les commissions, organismes, observatoires, préfets hors cadre, conseils divers et variés qui assurent le train de vie des élus en fin de vie politique, à l'image d'un Luc Ferry ou de tant d'autres.
Sur le fond ensuite, beaucoup de gadgets à la limite du ridicule. Un bel exemple avec la TVA sur les parc d'attraction qui passe de 5,5 à 19,6%, la belle affaire pour apporter 90 millions d'euros à l'Etat en année pleine. Dans le même temps, pas un mot sur la TVA dans la restauration, mesure tant décriée qui n'a pas créé d'emplois, qui n'a pas fait baisser les prix et qui coute la bagatelle de 3 milliards d'euros par an... Pas un mot non plus sur les banques, le mot n'a d'ailleurs pas été prononcé une fois par le premier ministre lors de son allocution. Il y avait pourtant matière à dire, mais les lobbyistes ont du mettre le paquet en amont !
Ce plan ridicule dans con contenu n'a fait que des déçus, dans toutes les strates de la société et les critiques font feu de tout bois, à gauche évidemment mais aussi chez les chefs d'entreprises ou les associations de consommateurs... Au lieu de couper 3-4 grosses niches fiscales improductives, on nous propose une flopée de petites choses psychologiques comme la taxation temporaire des "riches" (on appréciera le mot "temporaire" dans quelques années...), les vieilles recettes du tabac et de l'alcool, la micro-réforme des heures sup', etc. A coté de ça des coups de massue qui font mal, notamment la énième hausse de la CSG, la taxation des plus values immobilières (ceux qui devaient signer une vente ce 25 août ont du mal dormir...), etc.
Ce qui est inquiétant, outre le fait que les français vont encore une fois mettre la main au portefeuille, c'est que l'Etat français aspire de plus en plus de richesse nationale pour des prestations de plus en plus dégradées. La France possède le taux de prélèvement obligatoire le plus élevé du monde après la Suède, cela représente quasiment 50% du PIB ! C'est un véritable trou noir financier, il ne recrache jamais ce qu'il a avalé et il lui faut de plus en plus de matière. Accessoirement on en sais pas non plus ce qui se passe à l'intérieur.
La solution n'est donc pas indéfiniment dans les hausses d'impôts, elle passe par une réforme en profondeur des dépenses du pays, comme dans tout ménage ou entreprise sensée qui veut finir ses mois tranquillement.
D'ailleurs il suffit de comparer le plan proposé (10 milliards de nouveaux impôts) avec la dette accumulée depuis 2007 (400 milliards de plus) pour comprendre que le volet "recettes" de la réflexion gouvernementale est un non sens économique. Y aura-t-il un jour un politique assez courageux pour se pencher la dessus ? Mystère et boule de gomme. Peut être faudra il alors attendre la sanction des agences de notation puis des créanciers qui ne prêteront plus ou alors à des taux d'usuriers comme en Grèce pour qu'on accepte enfin de tailler dans les dépenses de façon importante, cette fois ci au pied du mur et dans la douleur...