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Allemagne / Etats-Unis : deux visions de l'économie que tout oppose

Par Michel Santi

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L’Allemagne et la Chine, dont les excédents commerciaux ces 12 derniers mois atteignent chacun approximativement 280 milliards de dollars, sont régulièrement accusées de ne pas mettre tout leur poids dans la mise en place de stimuli fiscaux généreux afin de relancer leurs économies.

Les nations à forts déficits attendent donc d’un pays comme l’Allemagne - dont l’excédent de la balance des paiements est de 7% du P.I.B. - des mesures dignes de ce nom visant à stimuler demande et consommation intérieure, réajustements indispensables pour soulager les nations déficitaires dans le sens d’un partage plus équitable des déséquilibres mondiaux.

En fait, ces pays exigent tout simplement une nouvelle donne, à savoir que les pays à surplus assument également leurs responsabilités par gros temps : Le régime de l’étalon Or ne s’était-il pas effondré au début des années 30 précisément car les pays à surplus - les Etats-Unis et la France - refusaient de jouer le jeu ?

L’Allemagne et la Chine sont effectivement soupçonnées de mettre en place des mesures de relance molles et peu convaincantes, préférant ainsi voir les pays à forts déficits comme les Etats-Unis ou la Grande Bretagne s’endetter encore davantage afin d’acheter leurs marchandises ! Pour autant, les stimuli américains et britanniques, au demeurant forts coûteux, fonctionneraient-ils vraiment mieux si l’Allemagne relançait décisivement son économie ?


Les visions allemandes et américaines/britanniques ne sont en réalité radicalement opposées que du fait de problématiques radicalement antagonistes à gérer : Ainsi, alors que l’expansion US est redevable à une consommation intérieure privée réalisée principalement à crédit et au prix de l’aggravation des déficits ( le fameux "deficit spending"), l’Allemagne doit la croissance de son P.I.B. depuis 1990 à ses exportations tandis que sa consommation domestique, elle, est restée stagnante !

La gestion Brown a ainsi mis son pays à genoux, le niveau de l’épargne Britannique s’étant effondré car le Chancelier de l’Echiquier de l’époque ne cessait de plaider pour un endettement toujours plus massif : le marché immobilier n’avait-il pas triplé de valeur en quelques années préalablement à son implosion actuelle ?

Brown - qui se targuait de pouvoir se passer de discipline budgétaire - prétendait également ne plus avoir besoin de réserves pour les périodes difficiles, car ayant "aboli" le cycle économique... En réalité, l’addiction des consommateurs - et des Gouvernements - US et britanniques à l’endettement et à l’argent facile terrifie et rebute le bon sens et la rigueur Allemande. De fait, Merkel ne s’était-elle pas fait ridiculiser quand, à l’occasion du G 8 de l’été 2007, elle avait réclamé transparence et contrôle sur les marchés financiers ? Les autorités Allemandes n’épargnent du reste pas leurs blâmes aujourd’hui à leurs collègues britanniques et américaines pour n’avoir pas restructuré leur système de taxation, de santé ainsi que leur réglementation financière lorsqu’elles en avaient encore les moyens.

Ainsi, pour avoir réussi à restructurer leur commerce et su créer les conditions d’un excédent budgétaire, des nations comme l’Allemagne - mais aussi les Pays-Bas, la Suisse ou l’Autriche – qui sont à présent dans une situation privilégiée se retrouvent, du même coup, sur le banc des accusés taxées de ne pas contribuer suffisamment à l’effort international !

L’Allemagne, qui s’estime punie aujourd’hui pour sa rigueur et pour son austérité d’hier, considère effectivement que les stimuli fiscaux et autres plans de relance ne feront qu’aggraver les déficits déjà gigantesques de ces pays sans apporter de remèdes à long terme au vrai problème, à savoir celui de l’équilibre budgétaire, clé pour elle de toute bonne gouvernance et aux implications forcément bénéfiques sur le système économique et financier.

A l’évidence, la crise systémique actuelle combinée à l’ampleur de la récession ne sera pas réglée à la sauvette par une aggravation de l’endettement et, du reste, les multiples plans - adoptés et appliqués à ce jour - et restés sans effet plaident pour une approche et pour une stratégie plus qualitative que quantitative de la part des Etats qui leur permettra, le moment venu, d’utiliser les munitions appropriées afin d’encourager et d’accompagner la reprise... Il est donc impératif de concentrer efforts et réserves afin de remédier et de manière définitive aux causes mêmes des implosions périodiques et destructrices de bulles spéculatives plutôt que de soulager provisoirement un symptôme.

La crise actuelle ayant été causée par l’éclatement de la bulle du crédit dans le secteur privé, est-ce justifié de la combattre en créant une nouvelle bulle, celle du crédit mais dans le secteur public ? N’est-ce pas ainsi repousser la résolution des problèmes délicats à demain, voire aux générations futures ?

Et quand le Ministre Allemand des Finances Steinbruck affirme qu’une baisse de la T.V.A. n’augmentera en rien la consommation de dvd ou même de voitures, il met clairement en doute le bien fondé du Keynésianisme - en tout cas tel qu’il est appliqué par nos politiques d’aujourd’hui - et de ses effets multiplicateurs ! Il est en effet permis de douter qu’en période de déflation - et donc d’affaissement des prix - une baisse supplémentaire de ces prix stimule la consommation, l’approche devant être alors manifestement centrée sur l’investissement plutôt que sur la consommation. En réalité, face à cette masse de stimuli chaotique et souvent incohérente, il est légitime de ne pas céder aux sirènes du populisme et douter réussir à sauver nos économies avec de l’argent que l’on n’a même pas !


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