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Effets d'aubaine
Comment, me direz vous, peut-on affirmer qu'une subvention de 4 500$ par épave
recyclée, et 8 000$ par maison vendue, peut aboutir à un coût unitaire si élevé
?
Cela vient d'un effet des subventions vieux comme le monde appelé "effet
d'aubaine": la subvention est versée à tous les acheteurs du bien subventionné,
y compris ceux qui l'auraient acheté, de toute façon, subvention ou pas.
Deux études, l'une du site de trading auto Edmunds Garage, l'autre de l'énorme
Think Tank non partisan (centre gauche, aux standards américains) Brookings
Institution, montrent que si on rapporte le montant des subventions versées par
l'état - que ce soit sous forme de chèque ou de déduction fiscale - non
pas au nombre de véhicules ou de logements vendus, mais au nombre de ventes
supérieures à la tendance normale du marché, alors le coût de chaque vente
supplémentaire, pour les automobiles, se situe entre 11 000 et 45 000$ (selon
les hypothèses retenues pour les véhicules détruits et vendus), avec une moyenne
évaluée à 20 000, et 43 000$ par maison vendue aux primo accédants. Mais un
second programme de crédit d'impôt, cette fois ci ouvert à presque tous les
contribuables acheteurs de maison, de 15 000$ cumulé sur plusieurs années,
coutera au contribuable entre 133 000 (selon les hypothèses de ventes
additionnelles très optimistes de l'association des agents immobiliers, qui
soutiennent la mesure, pardi !) et 292 000$ par vente additionnelle d'après
les hypothèses plus "conservatrices" de Brookings.
Coûts vertigineux, résultats piteux
Si l'on ajoute que le marché auto américain, qui avait été artificiellement
boosté par le programme "Cash for Clunkers", est retombé encore plus bas
que ses niveaux d'avant prime à la casse, que les subventions ont certainement
permis aux vendeurs d'augmenter leurs marges sur les ventes "normales", et qu'il
en est surement de même pour les maisons, on peut considérer que la subvention a
été non seulement économiquement plus nuisible que ce que les simples calculs
marginaux d'effet d'aubaine laissent supposer. Mais elle a été très profitable à
certains lobbys. Une forme de redistribution comme une autre, après tout...
De nombreux et mauvais économistes ont conseillé au gouvernement Obama de tout
faire pour "soutenir" les cours de l'immobilier, afin d'éviter qu'une baisse
trop importante des marchés ne place les ménages endettés en "negative equity",
et donc ne les incite à se déclarer en faillite personnelle, ce qui implique des
sinistres accrus pour les banques américaines.
Je ne reviendrai pas sur le caractère stupide qu'il y a à considérer qu'un prix
élevé du logement soit une bonne nouvelle. Mais quand bien même l'on accepterait
cette prémisse, le programme a-t-il permis d'atteindre ses objectifs ? Il est
permis d'en douter. Les prix dans les marchés les plus bullaires (Californie,
Floride, Nevada, Arizona - 70% des sinistres à eux 4), malgré des baisses
vertigineuses, n'ont pas encore atteint leurs niveaux historiques hors période
de bulle (entre 3 et 4,5 fois les revenus médians des ménages pour les prix du
logement) et plusieurs cabinets prévoient une poursuite des baisses en 2010 et
2011... Quand je vous dis que les ennuis des banques américaines
sont loin d'être terminés !
Bref, les milliards de dollars versés tant pour "soutenir" l'automobile que
l'immobilier, et à travers l'immobilier, les banques, n'auront servi qu'à
retarder les inévitables ajustement structurels des secteurs de l'économie les
plus dépendants du crédit.
Nous nous apercevons donc empiriquement que les mesures de soutien sectorielles
par subvention à un secteur d'activité donné sont en fait d'insupportables
gaspillages, ce qui est bien connu des économistes depuis des années. Mais le
bon sens économique, c'est tellement peu vendeur, politiquement parlant.
Les contribuables du futur paieront
Naturellement, avec un déficit supérieur à 10% du PIB, partiellement financé par
de la création monétaire ex-nihilo, pardon, du "quantitative easing", les
contribuables futurs paieront la note, soit en impôts, soit en dépréciation
monétaire. Mais qu'importe la facture pour les générations futures. C'est
maintenant qu'Obama veut faire croire qu'il "fait quelque chose" pour
l'économie. Les élections de Mid Term sont dans un an !
Il n'y a aucune raison de croire que les programmes similaires mis en place en
Europe aboutissent à des résultats différents. Ah, la légendaire vision à long
terme des états...