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En raison du ralentissement du marché des transactions, abondamment décrit
ici, les montants de taxe sur les mutations de biens immobiliers s'effritent.
Appelés « frais de notaire », ils bénéficient essentiellement aux départements,
dont ils constituent une ressource considérable. L'année en cours confirme les
signaux d'alerte : les départements se trouveront fort démunis, et devront
compenser ce manque de ressources. Quel impact sur le marché de l'immobilier ?
Les droits de mutation représentent une manne financière pour les
départements
Si l'on regarde la répartition de la dette publique en France, on constate
qu'alors que l'Etat et la Sécurité Sociale sont à l'origine de déficits
croissants, la rigueur budgétaire semble de mise au niveau des collectivités
locales : leur endettement diminue ! L'association des maires de France a
d'ailleurs été prompte à s'attribuer un satisfecit concernant la vertu et la
bonne gestion de ses membres. Toutefois, sans diminuer le mérite de nos édiles,
il faut souligner que les ressources dont ils disposaient s'accroissaient
régulièrement à mesure que la bulle immobilière se gonflait. Ainsi, en 2000,
année pourtant faste avec 800 000 transactions, les départements ont perçu sur
l'immobilier ancien un total de 3,7 milliards d'euros. Grâce à
la bulle, le prix ont plus que doublé et au plus haut des prix, les revenus
départementaux se sont établis, 7 ans plus tard, à 11,4 milliards,
dont 9 prélevés sur l'immobilier d'habitation ! De faibles en 2000, ces revenus
ont fini par constituer un élément important du budget. Les communes ne
perçoivent qu'une faible part de cette manne financière, mais certains
départements en vivent largement. Si ces droits représentent une moyenne de 11%
de leurs revenus, les écarts sont très importants, et un département sur cinq
compte dessus pour plus de 20% de ses recettes, le record s'établissant
à 40%. Evidemment, les départements où l'immobilier est le plus cher
sont les plus exposés : depuis 2000, les autres revenus ont progressé à un
rythme bien plus doux, et bien plus en rapport avec les revenus des habitants.
Qu'attendre pour les années à venir ?
Les notaires anticipent d'abord un ralentissement des transactions. Celui-ci a
déjà eu lieu au cours du dernier trimestre 2008, et le budget des départements
s'en est ressenti. Mais sur un trimestre, l'impact réel a été limité. Les
notaires s'attendent à 500 000 transactions en 2009, et à un recul des prix
moyens de 10%, après 10% durant la crise. Cela devrait ramener l'assiette des
droits de mutation à un peu plus de la moitié de ce qu'elle était au plus
haut... Et le retour du dynamisme immobilier ne se faisant qu'au prix d'un
retour à la normale historique des prix, il serait très optimiste de tabler sur
une amélioration de la situation à court terme. Certains départements, frappés
précocement, ont pris le taureau par les cornes et ont pris des mesures
raidcales. Ainsi les Alpes-Maritimes, pour qui les droits sur les transactions
représentaient 30% de leur budget, ont été contraintes d'augmenter de 15% la
fiscalité locale, de recourir à l'emprunt pour financer la moitié de leurs
dépenses d'investissement, et d'adopter un sévère programme d'économie. Et ces
mesures ont été établies dans l'optique d'une baisse de 20% de ce poste de
recettes, une évaluation probablement optimiste ! Les Hautes-Alpes, avec
une hausse de 30% des impôts, emportent la palme de la hausse de la
fiscalité. Tous ces départements auraient gagné à être mieux gérés : dès 2005,
un rapport parlementaire de Ph. Marini invitait les départements à ne pas
compter durablement sur le bénéfice de ces droits, et à anticiper leur décrue.
Apparemment, peu ont suivi ce conseil avisé.
Les solutions pour les départements
Hormis la réduction drastique de leurs dépenses, qui n'est pas forcément
possible car il faut bien, au minimum, entretenir les bâtiments publics et
garder quelques collèges ouverts, il n'y a que deux voies possibles pour
augmenter les recettes locales. La première consiste à emprunter, dans l'espoir
d'arriver à rembourser plus tard, à la faveur d'un regain de fiscalité. Compte
tenu des nuages à l'horizon, il n'est pas certain que cette solution soit des
plus judicieuses, d'autant qu'elle alourdira les dépenses des années à venir.
Dans d'autres pays, confrontés au même problème, d'autres collectivités ont
recouru à l'emprunt : la Californie, notamment, qui se trouve maintenant au bord
de la faillite. Un tel sort n'attend pas nos départements : mais les sources de
financements deviendront de plus en plus délicates à trouver. Le financement
étatique se fait à un taux extrêmement bas, ce qui contribue à le rendre
attractif, mais il n'est pas certain que le poids de l'endettement continue à
satisfaire les créanciers. Et bien qu'excellent, le taux d'emprunt auquel peut
prétendre une collectivité territoriale ne sera pas celui de l'Etat. On se
souvient ainsi qu'en juin 2009, la région Pays-de-la-Loire envisage une émission
obligataire dont le taux devrait être proche de 5%. Il ne s'agit pas,
contrairement à l'emprunt national un temps évoqué par le gouvernement, de faire
une souscription civique, mais cela correspond simplement au niveau d'exigence
des investisseurs... L'augmentation des ressources par l'emprunt n'est donc pas
si indolore qu'on pourrait l'espérer.
La hausse de la fiscalité locale présente l'avantage d'être plus sûre, puisque
rares seront ceux qui déménageront faute de pouvoir s'acquitter de leurs impôts
locaux. C'est pour cette raison que la plupart des départements qui ont choisi
de réagir à la crise immobilière ont choisi, au moins partiellement, cette voie.
De plus, si tous procèdent de la même manière, la concurrence fiscale n'aura pas
lieu. C'est donc probablement un paramètre dont il faudra tenir compte...
Un effet sur le marché immobilier ?
L'impact de telles mesures sera probablement très faible initialement. La décrue
des prix, bien amorcée, aura lieu sans avoir besoin de prétexte comme la crainte
d'une hausse des impôts. Un peu comme le prix du carburant à la pompe, les
banques rétives aux prêts pourront certainement s'en servir comme prétexte pour
éviter de financer des dossier limite, mais cela ne contribuera que très
marginalement à diminuer les capacité de financement des Français. La question
intéressera, en revanche, au plus haut point les investisseurs locatifs. Si la
question de la taxe d'habitation ne les concerne pas directement, celle de la
taxe foncière risque de poser problème. Les rendements sont faibles, et peu
incitatifs, ce qui fait que nombre d'investisseurs avisés se sont retirés du
marché. Seuls sont revenus, depuis le printemps, la minorité appâtée par des
carottes fiscales. Les autres attendent simplement... que la baisse des prix
fasse remonter la rentabilité nette à des taux acceptables. En alourdissant
significativement la taxe foncière, les départements risquent de rogner quelques
dixièmes de pourcent, et de contraindre les investisseurs à attendre des baisses
des prix supérieures à ce qu'ils attendaient initialement. La fiscalité locale
pesant également sur les locataires, le rattrapage sur les loyers, orientés – et
c'est une première depuis longtemps – à la baisse, ne sera pas une solution
crédible... Et les grands perdants risquent d'être ceux qui auront investi dans
les zones les plus touchées par la crise, notamment les villes-champignons de
Robien et de Scellier depuis longtemps décriées par les associations, mais qui
continuent de trouver preneur à ce jour, à la faveur... d'incitations fiscales !
Parallèlement, les lobbies des professions de l'immobilier invitent le
gouvernement à relancer le marché par la suppression des droits de mutation. En
baissant le prix, cette mesure permettrait, selon eux, de resolvabiliser les
acquéreurs. Sans se prononcer sur le fond, même si pareilles mesures ont souvent
constitué un effet d'aubaine pour les vendeurs qui ont augmenté leurs prix en
proportion, il faut souligner que la suppression de cette taxe devra soit être
compensée par l'Etat, soit, plus probablement, être compensée, ainsi que le
suggèrent certains... par une augmentation de la taxe foncière. Les dépenses du
département seraient alors payées non plus par ceux qui achètent dans le
département mais par ceux qui y possèdent un logement. Une mesure qui devrait
encore inquiéter les investisseurs et les inviter à une extrême prudence.