Les droits de mutation représentent une manne financière pour les départements
Qu'attendre pour les années à venir ?
Les notaires anticipent d'abord un ralentissement des transactions. Celui-ci a déjà eu lieu au cours du dernier trimestre 2008, et le budget des départements s'en est ressenti. Mais sur un trimestre, l'impact réel a été limité. Les notaires s'attendent à 500 000 transactions en 2009, et à un recul des prix moyens de 10%, après 10% durant la crise. Cela devrait ramener l'assiette des droits de mutation à un peu plus de la moitié de ce qu'elle était au plus haut... Et le retour du dynamisme immobilier ne se faisant qu'au prix d'un retour à la normale historique des prix, il serait très optimiste de tabler sur une amélioration de la situation à court terme. Certains départements, frappés précocement, ont pris le taureau par les cornes et ont pris des mesures raidcales. Ainsi les Alpes-Maritimes, pour qui les droits sur les transactions représentaient 30% de leur budget, ont été contraintes d'augmenter de 15% la fiscalité locale, de recourir à l'emprunt pour financer la moitié de leurs dépenses d'investissement, et d'adopter un sévère programme d'économie. Et ces mesures ont été établies dans l'optique d'une baisse de 20% de ce poste de recettes, une évaluation probablement optimiste ! Les Hautes-Alpes, avec une hausse de 30% des impôts, emportent la palme de la hausse de la fiscalité. Tous ces départements auraient gagné à être mieux gérés : dès 2005, un rapport parlementaire de Ph. Marini invitait les départements à ne pas compter durablement sur le bénéfice de ces droits, et à anticiper leur décrue. Apparemment, peu ont suivi ce conseil avisé.
Les solutions pour les départements
Hormis la réduction drastique de leurs dépenses, qui n'est pas forcément possible car il faut bien, au minimum, entretenir les bâtiments publics et garder quelques collèges ouverts, il n'y a que deux voies possibles pour augmenter les recettes locales. La première consiste à emprunter, dans l'espoir d'arriver à rembourser plus tard, à la faveur d'un regain de fiscalité. Compte tenu des nuages à l'horizon, il n'est pas certain que cette solution soit des plus judicieuses, d'autant qu'elle alourdira les dépenses des années à venir. Dans d'autres pays, confrontés au même problème, d'autres collectivités ont recouru à l'emprunt : la Californie, notamment, qui se trouve maintenant au bord de la faillite. Un tel sort n'attend pas nos départements : mais les sources de financements deviendront de plus en plus délicates à trouver. Le financement étatique se fait à un taux extrêmement bas, ce qui contribue à le rendre attractif, mais il n'est pas certain que le poids de l'endettement continue à satisfaire les créanciers. Et bien qu'excellent, le taux d'emprunt auquel peut prétendre une collectivité territoriale ne sera pas celui de l'Etat. On se souvient ainsi qu'en juin 2009, la région Pays-de-la-Loire envisage une émission obligataire dont le taux devrait être proche de 5%. Il ne s'agit pas, contrairement à l'emprunt national un temps évoqué par le gouvernement, de faire une souscription civique, mais cela correspond simplement au niveau d'exigence des investisseurs... L'augmentation des ressources par l'emprunt n'est donc pas si indolore qu'on pourrait l'espérer.
La hausse de la fiscalité locale présente l'avantage d'être plus sûre, puisque rares seront ceux qui déménageront faute de pouvoir s'acquitter de leurs impôts locaux. C'est pour cette raison que la plupart des départements qui ont choisi de réagir à la crise immobilière ont choisi, au moins partiellement, cette voie. De plus, si tous procèdent de la même manière, la concurrence fiscale n'aura pas lieu. C'est donc probablement un paramètre dont il faudra tenir compte...
Un effet sur le marché immobilier ?
L'impact de telles mesures sera probablement très faible initialement. La décrue des prix, bien amorcée, aura lieu sans avoir besoin de prétexte comme la crainte d'une hausse des impôts. Un peu comme le prix du carburant à la pompe, les banques rétives aux prêts pourront certainement s'en servir comme prétexte pour éviter de financer des dossier limite, mais cela ne contribuera que très marginalement à diminuer les capacité de financement des Français. La question intéressera, en revanche, au plus haut point les investisseurs locatifs. Si la question de la taxe d'habitation ne les concerne pas directement, celle de la taxe foncière risque de poser problème. Les rendements sont faibles, et peu incitatifs, ce qui fait que nombre d'investisseurs avisés se sont retirés du marché. Seuls sont revenus, depuis le printemps, la minorité appâtée par des carottes fiscales. Les autres attendent simplement... que la baisse des prix fasse remonter la rentabilité nette à des taux acceptables. En alourdissant significativement la taxe foncière, les départements risquent de rogner quelques dixièmes de pourcent, et de contraindre les investisseurs à attendre des baisses des prix supérieures à ce qu'ils attendaient initialement. La fiscalité locale pesant également sur les locataires, le rattrapage sur les loyers, orientés – et c'est une première depuis longtemps – à la baisse, ne sera pas une solution crédible... Et les grands perdants risquent d'être ceux qui auront investi dans les zones les plus touchées par la crise, notamment les villes-champignons de Robien et de Scellier depuis longtemps décriées par les associations, mais qui continuent de trouver preneur à ce jour, à la faveur... d'incitations fiscales !
Parallèlement, les lobbies des professions de l'immobilier invitent le gouvernement à relancer le marché par la suppression des droits de mutation. En baissant le prix, cette mesure permettrait, selon eux, de resolvabiliser les acquéreurs. Sans se prononcer sur le fond, même si pareilles mesures ont souvent constitué un effet d'aubaine pour les vendeurs qui ont augmenté leurs prix en proportion, il faut souligner que la suppression de cette taxe devra soit être compensée par l'Etat, soit, plus probablement, être compensée, ainsi que le suggèrent certains... par une augmentation de la taxe foncière. Les dépenses du département seraient alors payées non plus par ceux qui achètent dans le département mais par ceux qui y possèdent un logement. Une mesure qui devrait encore inquiéter les investisseurs et les inviter à une extrême prudence.
Marc SIMON