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Immobilier : le syndrome du nuage de Tchernobyl

Par Marc Simon

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Depuis 2 ans maintenant, le secteur immobilier mondial vit une période perturbée. Et c’est un euphémisme tant le retournement du marché a été rapide et violent dans le monde. Faut-il aussi rappeler que c’est l’éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis, il est vrai largement amplifié et internationalisé par la sphère financière, qui est à l’origine de cette grande crise financière et économique planétaire. En France, après plus de 10 années de hausse soutenue et ininterrompue des prix entre 1996 et 2007, avec, à la clé, une forte décorrélation entre le niveau des prix immobilier et celui du pouvoir d’achat des ménages, le marché a lui aussi amorcé un retournement.

L’été 2008 marque ainsi le début d’une correction immobilière, d’abord caractérisée par une chute des transactions suivie d’une baisse des prix comme en témoignent les nombreux chiffres sortis ces derniers mois.

La tendance à moyen terme n’autorise pas à l’optimisme, plombée par des indicateurs qui s’enfoncent dans le rouge : montée du chômage et pouvoir d’achat en baisse, confiance en berne, banques plus méfiantes pour prêter ou accorder des prêts relais …

Dans ce marasme ambiant, il est pourtant une partie des français qui semble vouloir ignorer ou tout du moins minorer les difficultés du secteur immobilier. D’aucuns diront que la méthode Coué est préférable au défaitisme. Je dirais plutôt que ces visions sont guidées par des intérêts personnels, faisant passer pour des réalités les désirs de certains. Peut-être est-ce là un comportement très français.

Souvenez-vous en 1986, après la catastrophe de la centrale nucléaire de Tchernobyl, un nuage radioactif s’était formé au dessus de l’Europe menaçant les différents pays du vieux continent. Heureusement, nous avait-on alors dit, le nuage s’était arrêté aux frontières de la France, épargnant ainsi les citoyens de l’hexagone. Les autres pays pouvaient être touchés, pas la France. C’est ça, le micro climat de notre pays.

Ce syndrome du nuage de Tchernobyl touchant tout le monde sauf les français, semble déteindre sur le cas de l’immobilier français à en croire les différents échos que j’ai pu entendre dans mon entourage ou dans certains médias.

Cette « Tchernobylite obtue » immobilière est assez saisissante. Il suffit de reprendre les nombreux propos tenus fin 2008 et en 2009 par certains ‘professionnels de l’immobilier’ et reliés par les médias pour s’en convaincre. Ces professionnels de l’immobilier (présidents de fédérations et réseaux immobiliers, agents immobiliers), qui ont l’objectivité toute relative de personnes qui n’ont pas intérêt à scier la branche sur laquelle ils sont assis, se sont pour la plupart relayés pour tenir des discours fort optimistes, en tous cas peu en rapport avec la réalité du terrain. Et, avec en toile de fond, l’argument de la spécificité du marché français, différent notamment de ceux des Etats-Unis et de l’Espagne pour ne retenir que les plus emblématiques, et où les excès ont été nombreux : crédits à des ménages insolvables et à taux variables (les Subprimes américain), construction immobilière excessive dans certaines régions sans rapport avec la demande, … des arguments bien rodés et où il n’y a d’ailleurs pas grand-chose à redire : effectivement les crédits américains ne peuvent être comparés aux crédits français (en France : taux fixe pour la plupart des crédits et les banques ont été plus raisonnables), l’offre de biens excède largement la demande dans beaucoup d’endroits en Espagne. Et d’ajouter qu’en France, l’offre est encore très sous-dimensionnée.

Mais est-ce à dire que cela suffit pour affirmer que le marché immobilier français est à l’abri des turbulences mondiales ou peu impacté, à l’image du nuage de Tchernobyl s’étant arrêté aux frontières du pays. L’argument de l’offre inférieure à la demande est souvent l’Argument par excellence pour justifier de la préservation de l’immobilier français. Comme s’il suffisait d’un seul paramètre pour définir la direction d’un secteur… Les économistes et autres experts immobiliers en sont pour leurs frais, eux qui s’évertuent à essayer d’expliquer et anticiper le marché immobilier avec tout un tas d’indicateurs et graphiques compliqués. Etant donné qu’il nous est dit et répété que le nombre de logements risque de rester très insuffisant en France (globalement) pour longtemps encore (à noter la baisse importante des constructions depuis fin 2008), le raisonnement voudrait alors que les prix soient orientés à la hausse sur le long terme. Un vendeur propose à un acheteur un appartement de 100m2 à Paris, peu importe le prix, à 1 milliard d’Euros par exemple : pas de problème, avec la pénurie de biens, l’acheteur est obligée de dire « oui », mais finalement ça ne sera pas douloureux car il pourra le revendre plus tard encore plus cher. C’est bien connu, les arbres montent jusqu’au ciel. Le raisonnement est bien sûr extrême, mais montre surtout l’absurdité de croire que le critère offre/demande est suffisant pour expliquer la tendance du marché. Gageons que cela soit en fait évident pour tout le monde, même si au travers des discours que j’ai pu entendre on peut parfois en douter.

Il est aussi à noter que la pénurie de logements annoncée en France est une vérité toute relative. Si la situation française globale est sans commune mesure avec sa voisine l’Espagne, certaines régions semblent montrer des surplus de logements aux vues des stocks annoncés.

Notons enfin l’opportunité offerte par l’effet saisonnier des mois printaniers où les transactions sont dynamisées par la perspective de la rentrée de septembre, et que les professionnels de l’immobilier s’empressent de s’approprier pour essayer de justifier de la fin de la crise et du redémarrage du marché, comme s’il suffisait de le dire, et comme s’il fallait se laisser convaincre, qu’après 10 années de forte hausse, le marché allait s’assainir en tout juste une année (baisse de l’été 2008 jusqu’au printemps 2009), un peu comme dans les années 90 où déjà à l’époque certains médias avaient voulus nous faire croire la même chose. A en croire la Fnaim, avec la hausse des prix annoncée durant le 2ème trimestre 2009, on va repartir comme en 40. Chaussez vos crampons, il y a encore plus haut que le sommet de l’Everest.

Le nuage immobilier s’arrêtant aux frontières de la France est une affirmation aujourd’hui non soutenable compte tenu du retournement bien réel constaté sur le terrain. N’en déplaise à certains, la Tchernobylite obtue reste tenace tout au moins pour les régions dans lesquelles ils vivent.

Seriez-vous surpris d’apprendre qu’un Lillois dira que ça baisse effectivement partout en France sauf à Lille ou dans son quartier, idem pour un Beaunois à propos de Beaune, tout comme pour un Lyonnais à propos de Lyon. Les villages gaulois résistants aux Romains sont plus nombreux que ne pensait Astérix. Ces exemples ne sont ni arbitraires ni pris au hasard, j’en ai été le témoin. Le cerveau humain est peut-être sélectif, il sait surtout s’adapter aux désirs de chacun.

Le micro climat immobilier parisien fait aussi parti des exceptions du marché français : l’offre y est ici réellement insuffisante, et donc la région est à l’abri de la crise. Au fait, il parait que c’était aussi le cas dans les années 90, pourtant on connait le résultat : près de 40% de baisse des prix entre 1990 et 1996.

Comme diraient certains, ne nous laissons pas manipuler par les médias, et j’ajoute par les professionnels de l’immobilier. Soyons clairvoyant et faisons preuve de bon sens. Et surtout n’oubliez pas que le marché a toujours raison au bout du compte. Seule incertitude : quand sera-t-on au bout du compte ?

Marc Simon

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