Moins de règles pour réguler mieux: en finir avec les accords de Bâle
et remettre les banques sous la coupe d'un marché libre
Basel Les accords de Bâle (I et II) sont au centre de polémiques sur la solidité
du système bancaire mondial. Entrés en vigueur en 1992 (Bâle I), modifiés au 1er
janvier 2007 (II), ils étaient censés protéger les banques d'un risque de
faillites en cascade. Une banque qui respectait les ratios définis par les
accord de Bâle (Cooke 1992, puis Mc Donough 2007) était supposée suffisamment
solide, et le système bancaire gouverné par de tels ratios était supposé stable.
La crise actuelle vient de montrer à quel point cette approche mathématique de
la gestion des banques s'est révélée inefficace. Car à n'en point douter, les
fonds propres des banques étaient insuffisants pour couvrir efficacement les
risques de pertes liés au dégonflement de la bulle de crédit que nous vivons.
Voyons pourquoi, au delà du constat empirique, l'approche des accords de Bâle
est mauvaise pour prétendre maîtriser le risque financier couru par les banques.
Un modèle One size fits all pour toutes les banques
Les ratios Bâle I et II ont été élaborés par un comité regroupant les
gouverneurs des banques centrales du G10, en liaison avec les acteurs du secteur
de la finance. Nous y reviendrons. Bien que les conclusions du comité n'aient en
théorie pas de valeur légale, elles ont de facto été transcrites dans le droit
de la plupart des autorités de supervision bancaire dans le monde.
Ces ratios, dans leur dernière version (Mc Donough, une évolution paramétrique des ratios de Cooke sans changement de philosophie) stipulent que les "fonds propres" des banques doivent représenter 8% de leurs actifs "pondérés des risques". Tous ces guillemets méritent bien quelques explications.
Les "fonds propres" en question ne représentent pas que les capitaux propres, mais la somme de ces capitaux (TIER 1) et ce que l'on appelle les "dettes subordonnées" (TIER 2), autrement dit les dettes dont le remboursement est subordonné au remboursement de toutes les autres dettes, bref, que les directions financières les considèrent comme du "quasi-capital". Les capitaux propres des banques proprement dits ne sont pas soumis à un ratio particulier, mais certains superviseurs nationaux comme la FDIC américaine imposent un minimum de 3%, voire 4% si l'actif de la banque présente certains profils de risque. Joyeuse dérive de la "créativité comptable" en vérité, qui consiste à assimiler de la dette à du capital, au motif que le créancier prend un risque intermédiaire entre celui du créancier "non subordonné" et celui de l'actionnaire. La dette subordonnée n'en reste pas moins remboursable et doit être considérée comme telle au bilan !
Bref, le ratio de fonds propres par rapport à l'actif "pondéré" retenu par les accords de Bâle, est caractéristique d'un modèle économique à très fort effet de levier ("leverage"), c'est à dire à très fort niveau d'endettement, synonyme de risque de faillite élevé en cas de tempête conjoncturelle, comme nous le voyons en ce moment.
La norme impose en outre que ces fonds propres soient calculés à partir d'un actif "pondéré du risque". Autrement dit, plus un actif est risqué, et plus l'exigence de fonds propres est augmentée selon des coefficients parfaitement fixes, rigides, et arbitraires, définis dans ces documents PDF de la banque des règlements internationaux dont je recommande la lecture aux plus insomniaques d'entre vous.
Ces coefficients dépendent de la notation émise par les agences agréées au niveau mondial, donc, en fait, par la SEC américaine, (S&P, Moody's, Fitch, principalement), sur les produits émis par les institutions financières. J'y reviendrai.
Autrement dit, toutes les banques se voient imposer un business model hyper-leveragé encadré par les mêmes normes inflexibles, et leur actif est pondéré par des coefficients dont la manque de progressivité induit des effets de seuil dont nous verrons les effets dévastateurs.
La première conséquence de l'encadrement de l'activité des banques par le ratio de Bâle II est de réduire la capacité réelle d'analyse des risques pris par les banques. En effet, le respect du ratio vient se substituer à l'analyse fine des risques contenus dans le portefeuille d'actifs d'une banque. Et surtout, l'application de ratios technocratiques à l'actif détenu par la banque donne à croire que le ratio prend en compte correctement le risque intrinsèque à chaque classe d'actifs et dispense d'une analyse plus fine de l'investisseur.
Par conséquent, la réglementation tend à gommer la perception des différences qualitatives entre les portefeuilles de créances et d'investissement des banques. Aussi les prêteurs sont ils moins à même de faire la différence entre "bonnes" et "mauvaises" expositions au risque, et donc de moduler le taux auquel ils acceptent de prêter aux banques en fonction des risques réels figurant au bilan.
Bref, l'application des accords de Bâle comporte, de par son principe, un mécanisme tendant à sous-estimer le risque encouru par les banques. Encore un mécanisme auto-correcteur des marchés délibérément endommagé par une réglementation étatique inadéquate.
Bâle II et l'explosion des produits dérivés
Ce phénomène déjà néfaste en lui même a été amplifié par un second aspect : Bâle I et II (et les réglementations similaires en vigueur dans l'assurance) ont fortement augmenté l'incitation, pour les banques, à garnir leur portefeuille d'actifs de produits dérivés permettant de "transformer" -- je devrais dire"déguiser" -- un actif apparemment risqué (comme une collection de prêts "subprime", qui serait à la base mal notée) en une collection d'obligations de niveau de risque différent, dont une majorité notée « AAA » ou similaire que les banques pourront acheter sans être pénalisées au niveau de leur capital.
Pour les banques, posséder des "tranches" AAA est important: en effet, l'étude des ratios réglementaires montre qu'une perte d'un niveau de notation sur une classe d'actifs peut augmenter mécaniquement l'exigence de fonds propres des banques concernées de plus de 20 ou 30% du total des actifs considérés.
Or, la détention de fonds propres élevés est, dans toutes les économies occidentales, pénalisée fiscalement par rapport à la détention de dettes : les intérêts versés aux créanciers sont déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, alors que les dividendes versés aux actionnaires ne le sont pas. Sans cette distorsion fiscale flagrante, le recours à des taux de levier importants serait bien moins justifié, comme l'ont montré les travaux des prix Nobel d'économie Miller et Modigliani.
Par conséquent, obtenir une note élevée pour ses actifs est essentiel pour une banque (et une compagnie d'assurances).
Or, deuxième difficulté, une banque ou un assureur ne peuvent pas se contenter d'offrir des produits notés AAA "bruts" car alors le rendement qu'ils offriraient à leurs investisseurs serait trop proche de celui des obligations d'état et les rendrait inutiles sur le marché financier: pas besoin d'un banquier surpayé pour acheter des obligations du trésor allemand à l'époque d'internet !
Voilà pourquoi la mise au point de produits dérivés de plus en plus complexes a trouvé si facilement des débouchés auprès des investisseurs institutionnels.
Le premier résultat de tout ceci est qu'une obligation qui rémunèrerait un
investisseur à 6% en tant que véhicule d'investissement direct va offrir une
rémunération "moyenne" inférieure aux investisseurs qui achètent des CDO. Or, si
l'ingéniérie financière nécessaire à l'émission de produits dérivés "à tranches"
prélève, admettons, 0,5% de marge d'intermédiation, alors la rémunération
globale du pool d'obligations à risque tombe à 5,5%. Et quoi qu'en disent les
matheux qui nous expliquent que le modèle économique de la titrisation est
scientifiquement validé, le risque représenté par un actif est moins bien
couvert à 5,5% qu'à 6%, car tout taux d'intérêt demandé à un emprunteur se doit
de comprendre une marge de sécurité représentative du risque de défaut de
paiement de l'emprunteur en question. Plus la marge de sécurité est faible,
moins le risque est couvert.
Le second résultat est que ces produits dérivés éloignent l'investisseur de la
connaissance du véhicule d'investissement direct qui le composent, et donc
rendent difficile l'évaluation du risque reél sous-jacent, voire même la valeur
réelle du produit dérivé lorsque les défaillances d'emprunteurs individuels dont
les prêts composent le fond se multiplient, comme cela est le cas actuellement.
Par conséquent, il est facile de reprocher aux investisseurs institutionnels de
s'en être remis aveuglément aux agences de notation pour évaluer leurs actifs.
Mais comment auraient-ils pu faire autrement ? Même les banques d'affaires qui
émettent les produits dérivés en question, parfois eux même composés... D'autres
produits dérivés (des dérivés de dérivés, donc !), sont incapables de lister les
investissements directs contenus dans le produit dérivé.
Cela dit, il y a également un problème avec la réglementation des agences de
notation.
Agences de notation : un oligopole paresseux, juge et partie ?
En effet, pour être agence de notation aux USA, et donc dans le monde, il faut
obtenir un statut spécial délivré par la SEC, organe du gouvernement. Ironie du
sort, c'est donc la SEC qui a indirectement instauré cet oligopole de fait. Elle
a en effet accordé un statut spécial aux agences en 1975 après qu'elle leur eut
confié l'analyse crédit des titres des banques et des courtiers pour déterminer
leurs charges en capital.
De fait, le statut conféré par l'état de NRSRO est désormais devenu
incontournable pour les investisseurs et les émetteurs. 7 licences furent
accordées depuis 1975, et les fusions acquisitions ont réduit le nombre
d'agences à 3. Mais ce n'est pas tout. En rendant obligatoire l'usage des
notations des agences agréées pour codifier l'actif détenu par les banques, les
législateurs qui ont intégré les accords de Bâle dans leur droit ont de fait
transformé ces trois agences en monopole indéboulonnable.
En effet, au lieu de permettre à des nouveaux entrants de remettre en cause la
routine des agences établies, l'état conforte leur monopole en rendant
obligatoire l'usage de leurs notes dans l'évaluation des portefeuilles des
principaux acteurs de la finance, et n'accorde de nouvelles licences qu'à des
nouvelles agences ayant pu faire leurs preuves, ce qui est quasi impossible
puisque personne n'a intérêt à payer des agences de notation non agréées pour
l'évaluation des actifs détenus...
Il en résulte que de nombreux témoins (dont un adjoint de JC Trichet lors d'un
colloque à Bruxelles) affirment publiquement que les agences de notation sont
devenues routinières, paresseuses, et ont étudié de façon très superficielles
certains produits financiers pourtant notés AAA ou AA+, au motif que l'émetteur
de ces produits avait une réputation qui se suffisait à elle même...
Ce n'est pas tout. Les grandes banques émettrices de CBO ou CDO ont pris pour
habitude de consulter en amont les agences de notation pour déterminer comment
composer un pool de produits plus ou moins risqués et comment le découper en
tranches "sénior", intermédiaires (parfois appelées poétiquement "mezzanine"...)
et "junior" afin de permettre aux tranches sénior, voire
intermédiaires, d'obtenir une note maximale. Autrement dit, les agences de
notation, en prodiguant des conseils d'ingénierie financière, devenaient juge et
partie...
Comment Bâle I et II ont ils été élaborés ?
A la décharge du comité de Bâle, l'on peut comprendre la préoccupation de mettre
en place un niveau plancher de fonds propres, puisque la dette est avantagée
fiscalement par rapport au capital. En effet, un fort effet de levier permet
d'accroître la rentabilité nette des fonds propres, en contrepartie d'un risque
de défaut plus élevé. Une telle configuration peut pousser certains PDG de
grandes banques, peu ou pas actionnaires de leur entreprise, sans gros
actionnaire pour leur opposer un réel contre-pouvoir, à privilégier un niveau de
risque élevé, et à se verser de gros bonus tant que le risque paie, surtout si
l'ardoise finale peut être laissée au contribuable. Imposer un niveau de fonds
propres minimum fait sens, dans un tel contexte. L'inconvénient est que le
niveau fixé, au lieu d'être un minimum, devient la norme: si le niveau des fonds
propres a été mal déterminé au départ, compte tenu de la variation des
conditions de marché futures, alors les ennuis commencent. Or rien ne dit que le
niveau de fonds propres retenu soit "le bon niveau" à tout instant de la vie des
banques.
Pourquoi 8% ? Pourquoi inclure la dette subordonnée dans la définition des fonds
propres ? Pourquoi figer une fois pour toute le niveau de risque représenté par
telle ou telle classe d'actif ?
On me rétorquera que le comité de bâle s'est appuyé sur les professionnels pour
élaborer ces ratios. Rigoureusement exact, sauf que lorsque mille banquiers sont
autour d'une table, y a-t-il la moindre probabilité pour que ces mille arrivent
à un consensus ? Ou alors est il probable que les meilleurs lobbyistes
convaincront les représentants des banques centrales à privilégier des modèles
convenant à un type de banque au détriment des autres ? Tout porte à croire que
les banques les plus leveragées ont fait prévaloir leur point de vue sur les
autres...
En outre, comment éviter que les coefficients arbitrairement fixés, s'ils sont
pertinents à un moment donné, le soient encore 10 ans plus tard ? Les conditions
de marché évoluent sans cesse, comment les conditions de fonds propres attachées
à chaque classe d'actif pourraient elles être gravées dans le marbre ?
En finir avec les accords de Bâle : Pour une réforme conjointe de la
réglementation et de la fiscalité bancaire qui oblige les acteurs de marché à
penser par eux mêmes
A la lueur de ce qui précède, se dessine la direction que devrait prendre la
réglementation bancaire. Il ne faut pas, comme l'on l'entend un peu partout,
"plus de règles", car l'efficacité d'une règle ne se juge pas au poids du papier
qui sert à l'écrire.
Il faut des règles différentes dans leur philosophie, qui favorisent
l'adaptation des acteurs de marché, et notamment ceux qui prêtent de l'argent,
au niveau de risque réel pris par les banques.
La réglementation des banques doit donc arrêter toute référence à un niveau de
fonds propres obligatoires, et toute référence à des ratios arbitraires de
valorisation du portefeuille d'actif. En contrepartie, elle doit explicitement
contraindre les acteurs de la finance à révéler non seulement la composition de
leurs portefeuilles d'actifs, mais aussi la composition des produits composés (#
dérivés) en "véhicules d'investissement primaires", autrement dit, en prêts à
intérêts, en actions, en obligations, en pierre, en or, ou que sais-je encore,
pourvu que ce placement soit bien celui qui produise de la valeur, et non une
capsule de plusieurs de ces placements.
A partir de là, c'est à chaque investisseur de se faire une idée de la valeur du
portefeuille, et de la pertinence qu'il y a à investir dans une banque, un
fonds, une assurance, etc..., en capital, ou en souscrivant à ses emprunts, et à
déterminer le taux auquel il est disposé à prêter son argent en fonction de sa
propre évaluation des risques disséminés dans le portefeuille de la banque.
C'est difficile ? Peut être, mais pourquoi faire perdurer l'illusion que des
rendements attractifs peuvent être obtenus sans que soient consentis un minimum
d'efforts ?
Dans cette configuration, c'est à chaque investisseur d'avoir recours à un
organisme d'évaluation s'il ne peut faire ce travail lui même. L'évaluation
n'ayant plus de valeur réglementaire, le marché de l'évaluation ne serait plus
verrouillé par des agences de notation qui ont perdu la main, et de nouveaux
entrants pourraient venir bousculer la hiérarchie établie. Il est probable que
les assureurs ou les assureurs crédit, dont l'évaluation des risques est le
métier, pourraient introduire une saine concurrence dans ce domaine.
De plus, l'attrait pour les produits de titrisation de créances (CDO, CBO,
etc...) devrait être considérablement amoindri. Certes, il ne s'agit pas
d'interdire les produits dérivés, mais de faire en sorte que leur part de marché
reste celle de niches destinées à répondre à des besoins bien précis, comme par
exemple la diversification des risques géographiques. Toutefois, les produits
dérivés mis sur le marché ainsi rénové resteraient simples (un seul niveau de
dérivation grand maximum, peu de recours au système des tranches) car personne
n'aurait intérêt à payer une ingénierie financière complexe dont le seul but
était de créer une illusion sur la solidité réelle des actifs encapsulés pour
donner aux banques le droit de les posséder sans pénalité au niveau de leur
capital.
De fait, si une banque avait, dans un tel système, possédé trop de prêts dits «
subprimes », elle n'aurait pas pu le dissimuler, ni même l'ignorer ! Elle aurait
vu le taux demandé par ses financiers augmenter dès que les premières
inquiétudes se seraient matérialisées sur la solvabilité des prêteurs. Il est
probable que les premiers coups de semonce, voire la première faillite de petit
établissement surexposé aux mauvais crédits, auraient contraints d'urgence les
gestionnaires d'actifs à limiter leur exposition à ce type de produit, ce qui
aurait grandement réduit la taille de la bulle immobilière. En outre, la revente
de ces actifs « pourris » pour assainir les bilans des banques fragilisées
aurait été facilitée, du fait de la transparence des placements opérés par les
banques à leur actif.
Pour qu'un tel système fonctionne, nous l'avons vu, il faut en finir avec la
distorsion fiscale opérée entre dette et capital: pas plus que les dividendes
versés aux actionnaires, les intérêts versés aux créanciers ne doivent être
déductible de la base imposable des entreprises en général, et des banques en
particulier. En contrepartie de cet élargissement d'assiette, le taux
d'imposition sur les sociétés doit être fortement réduit, et ni les dividendes,
ni les intérêts, ne doivent subir de seconde taxation en arrivant dans le
portefeuille du particulier. Ainsi, celui ci décidera en toute connaissance de
cause s'il choisira d'investir son épargne en capital ou de prêter son argent à
des entreprises, en modulant l'intérêt demandé en fonction des risques pris par
l'institution émettrice de la dette.
Naturellement, les banques étant très fortement leveragées aujourd'hui, la
transition de notre régime de taxation actuel à celui que nous proposons ici
serait à étudier avec soin, peut être sur plusieurs années. Mais une telle
proposition est de nature à replacer la saine formation de capital au centre des
stratégies d'entreprises, notamment financières.
Ainsi, la recherche d'effets de levier maximaux n'aurait plus lieu d'être,
puisque la distorsion fiscale ne viendrait plus perturber le choix des
entreprises comme des investisseurs (cf. conséquences du théorème de
Miller-Modigliani). En outre, certaines banques pourraient utiliser leur niveau
élevé de véritables capitaux propres comme un argument commercial pour attirer
de nouvelles clientèles. Pourquoi ne pas, d'ailleurs, obliger une banque à faire
figurer son ratio "fonds propres/ Total du bilan" des derniers comptes certifiés
sur toute documentation à caractère commercial ?
Une telle réglementation, légère, facile à comprendre par tous, peu coûteuse,
aurait pour effet de laisser le marché élaborer seul, par approximations
successives, le coût des ressources utilisées par une banque en fonction des
risques auxquel elle choisit de s'exposer, et de son niveau de levier.
En outre, le rôle de l'état régulateur serait ici strictement limité à son
pouvoir régalien, celui de s'assurer de la transparence et de l'honnêteté des
informations délivrées par les banques, de trancher les litiges, et de
sanctionner les manquements à ces principes de base. L'exemple des insuffisances
de la SEC ou du trésor dans diverses affaires récentes (Madoff, banques
d'affaires, Fannie et Freddie...) montre que lorsque l'état veut imposer à ses
agences à la fois un rôle régalien et des objectifs politiques
interventionnistes, la fonction régalienne pâtit de la seconde, l'Etat ne
pouvant être à la fois juge et partie.
Une telle réglementation réduirait sans aucun doute le risque systémique, car
elles créerait de meilleures incitations à la détention de fonds propres élevés,
et éviterait que toutes les banques ne présentent des profils trop proches les
unes des autres par la faute de la réglementation, ce qui est dangereux lorsque
le profil fixé par ladite réglementation se révèle trop fragile... Dans tout
écosystème, c'est la diversité qui garantit le mieux la survie.
En outre, elle permettrait d'isoler plus rapidement les actifs dits "toxiques"
des banques en cas de crise, et donc d'engendrer, en cas de problème, un
processus vertueux de liquidation de ces actifs auprès d'investisseurs
spécialisés dans ce type de liquidation. Comme dans la nature, les spéculateurs
"charognards" pourraient effectuer un travail d'assainissement fort utile des
actifs les plus incertains, rendant inutile toute intervention ultérieure de
l'état, et donc toute nouvelle ponction sur le contribuable.
Quelles que soient leurs compétences, les experts du comité de Bâle doivent
admettre qu'ils ne sont pas les mieux placés pour expliquer à chaque banque dans
le monde la meilleure façon d'exercer ce métier ! C'est aux mécanismes de
marché, pourvu qu'on les laisse fonctionner sans y mêler des règles étatiques
qui tendent à les détraquer, de récompenser les meilleures et de forcer les
moins fiables à s'améliorer ou à disparaître, et ce sont ces mêmes mécanismes de
marché qui sont à même de déclencher les crises dues à de mauvaises décisions
suffisamment tôt pour qu'elles restent limitées dans leur étendue et ne créent
pas de risque systémique socialement et politiquement inacceptable.