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Steve Jobs inaugure l’ère numérique 3.0 : "My numeric life everywhere"

Par Vincent Benard;

vincent benard

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J'écoutais ce matin en léger différé la Keynote de Steve Jobs lors de la conférence annuelle des développeurs de solutions pour Apple* (WWDC) à San Francisco. Et bien que je reste habituellement assez distant quant au contenu de ces shows certes millimétrés et d'un professionalisme remarquable, mais où l'innovation est parfois un peu sufaite, cette fois ci, j'ai eu l'impression de vivre en direct non pas la naissance -celle ci s'est produite depuis les débuts du web- mais à "l'explosion mature", en quelque sorte, de l'ère numérique, la naissance du Web 3.0, "My numeric life everywhere"**. Rien de moins.

*disclosure : no position, comme on dit Outre Atlantique
** un lecteur me fait remarquer que "digital life" est plus correct que "numeric life". Dont acte.

iSteve présente iCloud

Après que les vice-présidents d'Apple aient présenté les deux évolutions de ses systèmes d'exploitation pour Mac (OSX "Lion") et iphone/ipad (IOS 5), évolutions sympatiques mais pas fondamentales de produits existants, Steve Jobs en personne a présenté la vision du "cloud computing" grand public d'Apple.

A première vue, rien de révolutionnaire. Ceux qui fantasmaient sur un "Musical Facebook Killer" et autres rumeurs délirantes et habituelles d'avant Keynote en seront pour leurs frais.

Pourtant, iCloud change beaucoup de choses. D'abord, pour la première fois, le "cloud" n'est pas un machin abstrait pour DSI. C'est la première application vraiment concrète à grande échelle de ce concept orientée pour le grand public.

Les "petits trucs" qui changent tout

En apparence, c'est "juste" un grand système de synchronisation géant de tous vos fichiers sur tous vos appareils informatiques, "no additional charge" - Autrement dit, vous achetez une fois, et votre document électronique, livre, musique, magazine, logiciel, ou produit multimédia composite est disponible sans manipulation sur tous vos terminaux. Vous utilisez celui qui vous convient le mieux en fonction de votre envie du moment, et vous n'êtes plus obligé d'attacher vos appareils à un ordinateur pour effectuer cette synchronisation.

Ca ne fait pas le café, mais, selon l'iCeo, "it just works". Aussi simple que ça. Et le service est gratuit pour tout acheteur de produits sur l'un des stores en ligne d'Apple (itunes, ibookstore, appstore... à quand iTV ?).

EEt surtout, si vous changez d'Ipad, ou d'Iphone, ou que sais-je encore, vous retrouvez vos produits numériques intacts sur votre nouvel appareil. Enfin, en option, moyennant un abonnement de 25$ /an, iCloud permet de convertir des fichiers musicaux "obtenus autrement", de qualité variable en morceaux légaux de qualité audio supérieure. Comment tirer profit du piratage en 1 leçon...

Les cygnes noirs renvoyés dans le nuage

L'iCloud version Apple fait tomber les derniers arguments qui s'opposaient encore à un basculement massif de l'industrie du produit culturel et de ses clients vers le "presque tout numérique". /p>

Nassim Taleb, dans son best seller "le cygne noir", évoquait, en parlant du Kindle d'Amazon, (L'iPad n'était pas encore sorti) la commodité et l'excellent rapport prix/service, mais aussi l'insécurité que représentait la détention de son patrimoine numérique sur un Kindle. Une chute de l'appareil et une sauvegarde pas bien faite, et hop, la bibliothèque était perdue. Avec l'icloud, le cygne noir disparait dans le nuage ! Bon, OK, le centre serveur flambant neuf d'Apple (en Caroline du Nord) peut être vaporisé par une guerre nucléaire ou un séisme de magnitude 9,7 demain, et les sauvegardes d'Apple peuvent avoir été mises sous séquestre par la CIA, mais avouez que là, il ne s'agirait plus d'un cygne noir mais d'un canard à cinq pattes, à deux têtes et à poils.

Jamais la gestion d'une bibliothèque numérique n'avait été rendue aussi simple, et sécurisante pour son possesseur. J'anticipe donc une amplification majeure du décolage de l'édition électronique, qu'il s'agisse de produits classiques numérisés (livres, musique, et sans doute demain vidéothèque) ou composites (information multicontenus, jeux de piste multimédia, produits de téléenseignement, etc...).

LLe piratage ? Pourquoi s'embêter à pirater alors que pour une fraction du prix d'un livre physique, vous avez un produit légal réutilisable sur 10 appareils (le maximum fixé par Apple semble-t-il), d'une simplicité d'approvisionnement et d'utilisation inégalable, et récupérable en cas de pépin ?

Certes, le piratage ne disparaitra pas, mais gageons que nombre d'utilisateurs de téléchargements "border line" ne le feront surtout que pour essayer certains produits mais seront également de gros consommateurs de téléchargement légal via les boutiques Apple, ou celles des concurrents qui ne tarderont pas à copier le leader, parce que les avantages du produit légal vaudront très largement son (petit) prix.

Quelques mois après qu'Amazon ait annoncé que ses ventes électroniques surpassaient ses ventes de livres physiques, les chiffres annoncés par Apple avant iCloud sont déjà impressionnants : 200 millions de terminaux (iphone, ipad, ipod) en circulation, 15 milliards de morceaux de musique vendus, 130 millions de livres électroniques vendus en 14 mois !

Pronostic : l'édition numérique va devenir hégémonique rapidement

Tous les pronostics sont faits pour rendre ridicule le pronostiqueur, mais tant pis, je me lance. Aux USA, où, malgré la crise, la technophilie du public ne se dément pas, je prévois que l'iCloud (disponible à l'automne) va donner un coup d'accélérateur brutal au déclin de l'édition physique, notamment en matière de presse et de livres, et provoquer une explosion massive des ventes numériques pourtant déjà bien portantes. /p>

J'imagine assez bien un modèle ou les auteurs s'essaient majoritairement à l'auto-édition électronique, contractualisent le cas échéant non pas l'édition mais la promotion de l'ouvrage, et où, via des systèmes d'impression à la demande de type Lulu ou Blurb, ils mettent à disposition des lecteurs des copies physiques à la demande, nettement plus chères (mais "margeant" moins), avec plusieurs choix de qualité de reliure ou de papier, pour satisfaire une demande "papier" de "niche".

LLes éditeurs classiques qui ne voudront pas faire de numérique "par peur du piratage" ou "pour ne pas faire de concurrence aux canaux de distribution traditionnels" sont MORTS. Pas tout de suite, mais dans 5 ans, peut être moins. Le livre classique ne disparaitra pas mais devra être conçu comme un produit complémentaire de l'édition électronique qui constituera l'essentiel du marché. Les réseaux de vente classique devront se réinventer rapidement, ou disparaître.

L'Europe du Nord suivra presque aussitôt et la France aura deux ans de retard, comme toujours. Mais à l'époque d'Internet, il n'est pas exclu que notre jet lag soit plus court que d'habitude.

"My Numeric Life Everywhere" : l'ère numérique 3.0 va commencer cet automne.


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