Nouveau paradigme : De 1 composant futuriste à n composants éprouvés

La pénurie de composants actuelle, et surtout la réaction des autorités françaises à cette pénurie, laisse visiblement les opérateurs français, Soitec et STM en tête, plutôt de marbre.

De toutes façons, le gouvernement, même en s'appuyant sur le niveau fédéral de l'Europe, n'a aucun moyen d'inverser les tendances d'un marché totalement mondialisé : L'Europe n'est pas un marché de masse, pour aucune sorte de composants (ni composants de téléphone, ni composants de voiture, ni composants industriels). Aucune chance d'obtenir donc l'installation d'usines de composants "généralistes" en Europe. Il faut donc respecter l'équilibre que le marché s'est trouvé, et aider les spécialistes européens à défendre voire étendre leurs positions acquises, de haute lutte, dans des marchés de niche.

L'articulation stratégique qu'il faut surveiller, tant ses conséquences seraient critiques pour Soitec, c'est celle de l'abandon, au moins temporaire, de la course à la puissance pure, la puissance supplémentaire obtenue uniquement par le "shrink" de la gravure, cette course un peu stupide au nanomètre marginal.

La pénurie essentielle porte essentiellement sur les composants les plus puissants, ceux qui justifient de changer de téléphone chaque année, qui permettent de miner du bitcoin, ou de jouer à la PS 6 heures par jour. Que des choses essentielles, donc ...

Cet abandon de la course à la puissance, au moins cette mise en pause, serait critique pour le part de marché industrielle de toutes les "flavors" of SOI. En effet deux facteurs industriels démultiplient bien d'avantage la puissance, à un coût moindre, et de manière mieux maitrisée :

A- L'installation de n composants éprouvés en remplacement d'1 composant surpuissant : Exemple 6 capteurs photo, chacun spécialisé sur une bande de fréquence, plutôt qu'un "tout en un" nécessairement trop contraint.
Autre exemple : 32 CPU côte à côte (ou 48, ou 96), qui partagent la charge de manière synchronisée, plutôt qu'1 CPU surpuissante qui chauffe trop.
La sortie de la GPU (pour la gestion des graphiques), extraite de la CPU d'origine, est déjà une réponse allant dans ce sens.
La banalisation des IP de type ARM va également dans le même sens.

B- L'acceptation du principe de la complexification "inévitable" du support (par rapport au silicon brut) sur lequel ces composants s'appuient. Cela permet que d'avantage de fonctions électriques et diélectriques soient traitées "de base", par le support lui même (échauffement, dissipation, réactivité, et gestion du trade-off entre ces dimensions)

Les composants "voiture" sont beaucoup plus susceptibles d'adapter ces tendances stratégiques, que les composants "téléphones" où la place est extrêmement contrainte : Il n'y pas de contrainte dans une voiture, quand il s'agit de trouver une place pour des composants (évidemment la batterie, ou la pile à hydrogène, c'est un autre problème).
Les composants "automatismes" sont également très susceptibles d'adopter ces nouvelles tendances : Ils ont en effet un rapport complètement différent à la puissance requise : Un scanner de conduite effectue déjà plusieurs dizaines de cycles complets par seconde, il n'a pas vraiment besoin de continuer la course à la puissance, il déclenche une réaction au centième de seconde, soit déjà infiniment mieux que le conducteur humain. La course à la puissance pour ces composants ne reprendra véritablement que quand la complexité des fonctions qu'ils rendent auront gagné plusieurs degrés de magnitude (conduite totalement autonome, navigation en 3D de type drone, en escadrille ...). Dans le cas d'un composant "de confort", qui mesure la température, ou détecte une présence, la réaction au centième de seconde est déjà positivement ridicule.

Tout ca pour dire que la situation présente est potentiellement riche pour Soitec, sans que le gouvernement ne mette un sou, qu'il n'a pas de toutes façons.

Le changement de paradigme en cours dans les systèmes électroniques est furieusement en faveur de Soitec :

1 composant gravé en 2 nm, c'est cool, mais 6 composants en 28nm qui travaillent ensemble c'est tellement mieux ...

- pour une raison financière : 6 composants pas chers et éprouvés c'est beaucoup mieux que 1 composant exorbitant et futuriste
- pour une raison technique : La puissance des algorithmes (gratuitement démultipliés et librement upgradables) fait mieux que compenser pour les capacités techniques de cet ensemble de composants, par rapport à 1 composant surpuissant isolé.

Pour les ventes de Soitec, au final : 6 composants éprouvés et efficaces c'est beaucoup plus de mm2 de wafers Soi en 28nm, 22nm, bientôt 12nm, qu'1 composant en 2nm en FinFet.

Voir sur la question spécifique des capteurs photos (mais le principe reste le même pour la RF, les processeurs, les li-radars, et pour tous les objets électroniques du quotidien) :
https://www.quechoisir.org/actualite-appareil-photo-des-smartphones-la-course-folle-aux-capteurs-n91030