Hausse des droits de douane, économie sous pression : la Fed choisit l'immobilisme
Actualité publiée le 08/05/25 08:45
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Il ne fallait pas s’attendre à un coup de théâtre. Le mercredi 7 mai, la Réserve fédérale américaine a décidé de laisser inchangés ses taux d’intérêt, malgré les tensions commerciales déclenchées par Donald Trump. La décision, prise à l’unanimité, traduit une inquiétude profonde face à une économie américaine plongée dans une zone de flou. « Il y a tellement d'incertitudes », a reconnu Jerome Powell, président de la Fed, lors d’une conférence de presse à Washington.
Ce statu quo, attendu par les marchés, maintient les taux dans leur fourchette actuelle, entre 4,25 % et 4,50 %, inchangée depuis décembre. Si la Banque centrale choisit la prudence, c’est parce que l’environnement a basculé depuis sa dernière réunion de mars. À l’origine du séisme : une salve de nouveaux droits de douane imposés par Trump, qui a déclaré le 2 avril son « jour de la libération » en érigeant un mur tarifaire contre les importations.
Pourquoi la Fed reste immobile malgré la pression
La politique agressive du président américain a figé les relations commerciales avec la Chine et fait vaciller les équilibres économiques mondiaux. Même si la Maison Blanche a depuis évoqué des « deals » en préparation, aucun accord n’a pour l’instant été annoncé. Le flou demeure, et c’est précisément ce qui freine toute action de la Fed.
La rencontre prévue ce week-end en Suisse entre responsables chinois et américains laisse entrevoir une amorce de dialogue. Mais rien ne garantit qu’un apaisement soit trouvé rapidement. Dans ce contexte mouvant, Jerome Powell n’entend pas céder aux coups de menton présidentiels. « Les déclarations présidentielles n'affectent pas du tout notre travail », a-t-il martelé, précisant que la Fed se concentrait uniquement sur les données économiques, les perspectives et la balance des risques.
Une posture saluée par certains observateurs, comme Charlie Ripley, stratège chez Allianz Investment Management : « Que cela plaise ou non, le leitmotiv du président de la Fed a toujours été de prendre des décisions réfléchies à partir de données économiques incontestables. La patience est une vertu et la Fed en a apparemment beaucoup en réserve. »
Quels sont les indicateurs scrutés par la Fed ?
À première vue, les chiffres officiels ne justifient pas une baisse des taux. Le chômage reste contenu à 4,2 % en avril, et l’inflation annuelle mesurée en mars est légèrement au-dessus de la cible de 2 %, à 2,3 %. Mais ces indicateurs pourraient ne pas refléter la réalité à venir. « Ces données témoignent d'une situation passée. Et toutes les informations qui remontent par ailleurs sont plutôt mauvaises », prévient Rodney Ramcharan, ancien économiste de la Fed aujourd’hui professeur en Californie.
Le climat des affaires se détériore : les signaux en provenance des entreprises, comme la baisse de moral des consommateurs, suggèrent un essoufflement à venir. La Fed redoute un scénario délicat : une économie confrontée simultanément à une montée du chômage et une inflation persistante.
Dans ce cas de figure, la banque centrale serait piégée. Pour contrer l’inflation, elle devrait logiquement augmenter ses taux. Mais face à une dégradation du marché du travail, c’est l’inverse qui s’imposerait. Un vrai casse-tête monétaire.
Quel avenir pour la politique monétaire américaine ?
La Fed sait qu’elle marche sur une ligne de crête. Toute décision hâtive pourrait aggraver les tensions économiques ou compromettre une reprise fragile. En restant en retrait, elle garde ses options ouvertes, au prix d’une confrontation frontale avec la Maison Blanche.
Donald Trump ne cache plus son agacement. Il pousse pour une baisse rapide des taux, qui permettrait d’amortir l’impact de ses propres mesures protectionnistes. Mais Powell s’y refuse. « C'est vraiment un choix compliqué », reconnaît Ramcharan, pointant le risque de déclencher une spirale inflationniste si la Fed cède trop vite.
Pour l’instant, les marchés restent confiants : la Bourse de New York a terminé la séance en hausse. Mais le moindre faux pas, le moindre mot mal interprété de Powell, pourrait raviver la volatilité. Dans les semaines à venir, ce sont les négociations commerciales à venir et les prochains indicateurs économiques qui diront si la Fed peut continuer à patienter… ou si elle devra bientôt bouger.