Le baril dévisse sous les 60 dollars, l'Opep relance massivement sa production
Actualité publiée le 05/05/25 08:33
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En pleine torpeur printanière, c’est une déflagration qui secoue les marchés pétroliers. Samedi 3 mai, l’Opep+ a annoncé une hausse majeure de sa production de brut dès le mois de juin. Une décision inattendue, alors même que les cours sont déjà à leur plus bas niveau depuis 2021. Résultat immédiat : ce lundi matin, le baril de WTI américain plongeait de 3,8 % à 56,08 dollars, et le Brent perdait 3,5 %, à 59,17 dollars. L’annonce a surpris les opérateurs autant qu’elle a assommé les marchés.
Derrière ce revirement stratégique, l’Arabie saoudite et la Russie ont décidé de sortir de terre 411.000 barils par jour, une hausse équivalente à celle déjà prévue pour mai. Pourtant, le plan initial prévoyait une reprise beaucoup plus progressive, avec seulement 137.000 barils supplémentaires. Ce changement de cap brutal traduit une volonté : reprendre la main sur le marché mondial, quitte à aggraver la chute des prix.
Pourquoi l’Opep+ relance sa production malgré la baisse des prix ?
"L’Opep+ a lancé une bombe sur le marché pétrolier", résume Jorge Leon, analyste chez Rystad Energy. Depuis plusieurs mois, le cartel semblait engagé dans une politique de réduction de l’offre. Mais la stratégie a basculé. Objectif : regagner des parts de marché perdues ces dernières années, notamment face à la production américaine et aux pays membres qui trichent sur leurs quotas.
D’après plusieurs sources citées par Reuters, l’Arabie saoudite aurait décidé de punir certains partenaires comme l’Irak ou le Kazakhstan, accusés de ne pas respecter les limites imposées. Ryad a également répondu à la pression exercée par Washington : Donald Trump réclame une production plus forte pour faire chuter les prix à la pompe. Une revendication politique qui trouve un écho dans un contexte de tensions commerciales croissantes.
En avril 2025, les cours du brut ont atteint leur plus bas niveau depuis quatre ans. La guerre commerciale alimentée par la Maison Blanche ralentit la croissance mondiale, affaiblit la demande et alimente la dégringolade des prix. Morgan Stanley a d’ailleurs abaissé ses prévisions pour le Brent à 62,50 dollars sur les deux derniers trimestres de l’année, contre 67,50 auparavant.
Quelles conséquences sur les prix du pétrole dans les mois à venir ?
Les analystes sont formels : la production actuelle est déjà trop élevée par rapport à la demande. Et ce déséquilibre ne fait que s’aggraver. « L’augmentation de l’Opep+ ne peut tout simplement pas être absorbée », avertit Ajay Parmar, responsable de l’analyse pétrolière chez ICIS. Selon lui, la croissance de la demande est trop faible, notamment à cause des récents droits de douane américains.
L’onde de choc ne s’arrête pas là. L’Opep+ prévoit déjà de réitérer la hausse de 411.000 barils/jour en juillet, et pourrait approuver des augmentations similaires pour août, septembre et octobre. Les restrictions volontaires mises en place par huit membres du groupe (à hauteur de 2,2 millions de barils/jour) pourraient même être totalement levées dès novembre, soit un an avant le calendrier initial. Un scénario qui inquiète les marchés.
Pour Giovanni Staunovo, analyste chez UBS, "le marché accueille cette annonce très négativement, car les exportations ne montrent aucun respect renouvelé des quotas". La spirale est enclenchée. Plus l’offre augmente, plus les prix chutent. Et dans un monde déjà fragilisé par les tensions commerciales et une croissance en berne, le pétrole pourrait rester durablement bradé.