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Rapport Oxfam, un plaidoyer bien loin des réalités


Actualité publiée le 18/01/22 16:51

D’après le rapport Oxfam publié lundi 17 janvier, les cinq premières fortunes du pays, « ont doublé leur richesse depuis le début de la pandémie : elles ont gagné 173 milliards d’euros. C’est près de ce que l’État a dépensé pour faire face au Covid-19 en un an ». Une déclaration trompeuse qui interroge sur la véracité des chiffres émis par l’ONG et sur l’origine de ces hausses de fortune.

Comparaison n’est pas raison. Certains extraits du dernier rapport Oxfam pourraient laisser entendre que les gains des cinq premières fortunes du pays (Bernard Arnault-LVMH, Françoise Bettencourt Meyers-l’Oréal, François Pinault-Kering, Alain et Gérard Wertheimer-Chanel) proviennent des dépenses publiques. Selon Quentin Parrinello, porte-parole d’Oxfam France, la pandémie aurait même été une aubaine pour ces dernières : « S’ils se sont enrichis, ce n’est pas grâce à la main invisible du marché, ni par les choix stratégiques brillants, mais principalement en raison de l’argent public versé sans condition par les gouvernements et les banques centrales dont ils ont pu profiter grâce à une montée en flèche des cours des actions ». Décryptage.

Les Français peu investis en action

L’argent distribué par l’État français aux agents économiques privés nationaux a-t-il été transféré directement en bourse, gonflant ainsi la valorisation des participations des 5 plus grandes fortunes du pays ? Très peu probable, les Français sont, en effet, très peu investis en action par rapport aux États-Unis par exemple. De 7 millions avant la crise des subprimes en 2008, le nombre d’actionnaires individuels français n’a pas cessé de diminuer jusqu’en juin 2021. Les actions cotées pèsent ainsi historiquement peu dans le portefeuille des Français : en 2019, elles représentaient à peine 4,9 % de l’épargne financière des ménages du pays. Même le coup de pouce fiscal du gouvernement en 2018 n’a pas réussi à changer les habitudes d’épargne. La fin de la diminution du nombre de détenteurs d’actions, observée récemment par l’AMF, pourrait avant tout s’expliquer par un effet d’aubaine dû au krach pandémique, un lointain passé au regard des valorisations actuelles du CAC 40.

Les Français ont-ils acheté en masse les produits proposés par les grandes maisons précitées ? La demande en France est relativement faible pour les produits de luxe, comme l’indiquent les structures des ventes des 4 maisons attaquées : en 2020, la part de la France dans les ventes de LVMH ne correspondait qu’à 7,5 % du total. Même constat pour L’Oréal, dont les ventes en Europe de l’Ouest représentaient 26,8 %, et pour Kering (27,9 %). Quant à Chanel, pour la zone de l’Europe de l’Ouest, le recul de l’activité en 2020 était estimé à 36,5 %. Peu de chance donc que les investisseurs français aient reçu de l’argent public ayant servi à enrichir les 5 plus grosses fortunes françaises via la consommation de produits de luxe. D’où vient donc l’argent qui a permis de faire gonfler les bilans des cinq plus grandes fortunes françaises ?

Des entreprises qui bénéficient de la confiance des investisseurs étrangers

Le porte-parole d’Oxfam dénonce un état de fait : l’inflation boursière causée par l’action volontariste des Banques centrales. Ces dernières interviennent en effet directement sur les marchés financiers afin de racheter des actifs et éviter, quand il le faut, une crise économique mondiale. La Banque centrale européenne (BCE) a ainsi agi sur le marché secondaire de titres obligataires souverains et privés dès 2020 pour lutter contre les effets de la pandémie, mais pas sur les marchés boursiers. C’est l’investisseur qui a reçu les liquidités, provenant de la vente de ses titres obligataires, qui a décidé d’y investir.

Ce dernier, comme tout agent économique rationnel, cherche un placement offrant le meilleur rapport gain/risque. C’est d’ailleurs sur ce principe de rationalité économique que repose la justification des programmes de rachat d’actifs d’une Banque centrale. Cette dernière estime que seul l’agent recherchant le profit peut placer son argent au meilleur endroit. Ces derniers semblent avoir choisi librement, entre autres, les entreprises détenues par les 5 plus grandes fortunes françaises.

Un tel placement se justifie pourtant lorsque l’on s’attarde sur les courbes de croissance et de rentabilité de ces 4 maisons : résultat opérationnel courant du premier semestre 2021 4 fois supérieur à celui de 2020 pour LVMH, chiffre d’affaires du groupe Kering en progrès de +12,2 % en comparable au troisième trimestre 2021 par rapport au troisième trimestre 2020, un premier semestre 2022 de croissance exceptionnel pour L’Oréal (+20,7 %) et un taux de rentabilité du groupe Chanel estimé à 25 % après impôts. Pourquoi alors Oxfam France cible-t-elle les 5 plus grandes fortunes françaises ?

Un problème de redistribution qui ne résiste pas à la réalité fiscale

La pandémie a accentué les inégalités partout dans le monde, comme l’indique le Word Inequality Report 2022 publié en décembre 2021. Pour contrer cet état de fait, Oxfam France, « appelle à un changement radical de politique fiscale » et « mets sur la table des candidats à la présidentielle 15 réformes chiffrées permettant de récolter au moins 65 milliards d’euros supplémentaires par an », qui consistent à taxer les plus fortunés, en particulier selon leur capital.

Mais taxer les plus riches d’un coup de baguette magique peut être dangereux pour les finances publiques. En effet, la majorité de ces fortunes étant investie dans des entreprises, l’impôt calculé sur la base du capital peut, par voie de conséquence, excéder les revenus. Comme tout agent économique rationnel, les plus fortunés vont donc limiter leur exposition à cet impôt, en particulier par l’exil fiscal, et les recettes perçues de façon directe (ou en lien avec leurs investissements créateurs d’emplois) vont se tarir. C’est d’ailleurs en faisant l’exact inverse que, selon France Stratégie, l’Hexagone a inversé la tendance en 2018 : cette année-là, le pays a assisté à l’effondrement de l’exil fiscal, est devenu le premier pays d’accueil des investissements étrangers en Europe et a vu les dividendes versés par les entreprises du CAC 40 à ses actionnaires — 60 % de Français en 2021 — exploser.

Avec les déclarations d’Oxfam et ses préconisations, ce sont ainsi les contribuables les moins bien lotis qui pourraient assumer un fardeau plus lourd, c’est-à-dire l’état de fait actuel que l’ONG dénonce.

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