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Images sur la dérive du high frequency trading

Par Samuel Rondot

samuel rondot

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Mes récents articles sur le HFT (high frequency trading) m’ont valu un assez grand nombre d’emails.

En règle générale, il s’agit de personnes qui ignoraient complètement l’existence ou la force du phénomène et qui cherchent à comprendre un peu plus.

L’interrogation la plus fréquente est sur le bien fondé ou pas du HFT et sur son implication sur les marchés.

Notez bien qu’à titre personnel, je ne fais pas du HFT. Mais il se trouve que j’ai la chance de connaître plusieurs personnes dans cette industrie.

En revanche, même si j’en connais certains depuis longtemps, j’apprends plus de choses par un réseau de spécialistes sur internet que par mes propres contacts, c’est vous dire le secret qui y règne…

Cela explique aussi tous les rêves et inquiétudes que cela suscite car en réalité la chose la plus sûre, c’est que personne ne sait très exactement ce qu’il en est.

Heureusement, pour lever un coin du voile, il reste une unique source d’informations certaine que chacun peut analyser à sa guise : la publication obligatoire par les bourses, des cours cotés et des ordres qui arrivent sur le marché.

J’ai déjà signalé les avantages du flux Nanex à ce sujet dans un article précédent.

L’un des tous premiers sites à avoir rendu accessible l’information des HFT au grand public est ZeroHedge.

Si on peut trouver des informations pertinentes, on ne peut que regretter sa position permanente en faveur de la théorie du complot. Mais peut être est il difficile de rester partial devant un phénomène qui nous échappe autant que celui là.

Pour autant, ils viennent de se lancer avec Nanex dans un travail tout à fait pertinent en collectant tous les exemples qu’ils ont pu trouver sur cette année 2010 sur ce qu’ils appellent flash crash.

A première vue, la désignation va largement trop loin car quand on détaille leurs exemples, même si on ne peut nier qu’il s’agisse de HFT, de là à parler de crash quand un titre recule de 3 ou 4% ne serait ce qu’en quelques millisecondes, cela peut paraître disproportionné.

Cependant, parmi tous ces exemples, plusieurs sont caricaturaux de réels problèmes posés par le HFT et méritent d’être soulignés.

Je suis certain qu’après ça, le phénomène va être beaucoup plus parlant pour nombre de ceux qui découvrent cet univers.

Prenons d’abord le titre LHO pour Lasalle Hotel Properties.

Avec 1.7 milliards de capitalisation et plus de 900 000 titres échangés en moyenne chaque jour, bon nombre de titres sur la place de Paris seraient jaloux de cet intérêt.

Prenons donc le graphique réalisé par ZeroHedge le 16 février dernier à partir des données de Nanex :



On voit la clôture du titre à 16h heure locale. Chaque petite boule correspond à une cotation. Elles ont un code couleur qui donne le nombre.

On constate que dans les 3 dernières secondes avant la clôture ce jour là, une fréquence d’ordre très importante a provoqué la chute du titre de 20.80 $, jusqu’à 19.80$ avant de rebondir à 20.65$ pour la clôture.

C’est une baisse de 5% et un rebond de presque autant en l’espace de 3 secondes.

La première certitude c’est que c’est du HFT, high frequency trading, nul doute là dessus.

Cela soulève 2 questions essentielles :

1/ cette action était elle volontaire ?

Si ça ne l’est pas (ce qui est l’avis d’un grand nombre d’opérateurs), que se passera t’il le jour ou la machine qui a fait ça, sera rejoint par d’autres dans le même cas ?

C’est la raison pour laquelle les détracteurs appellent ça des flash crash.

2/ Si on se dit qu’a priori le HFT avait réellement une raison de faire ça, à qui profite le crime ?

D’un point de vue technique, si on cote vers le bas, c’est que c’est un vendeur qui va à la rencontre d’un acheteur. Donc, il est certain que celui qui provoque ce phénomène vend des titres.

Les admirateurs du HFT pensent qu’il est possible de faire cela sans que ça soit réellement le HFT qui soit vendeur.

J’explique, le HFT envoie des ordres qui montrent que le marché est très fragile, pour leurrer soit d’autres robots, soit d’autres opérateurs. A cette vitesse, il est déjà certain qu’on parle de robots sinon il faut que l’opérateur en question arrête la coke de suite.

Donc la théorie c’est qu’on envoie des ordres sur le marché pour faire croire que le titre subit une pression à la baisse et on pousse artificiellement le marché à la baisse par la réaction des autres robots.

On pourrait passer du temps à se demander qui sont les autres si ce n’est d’autres HFT pour agir à une telle vitesse, mais là n’est pas la question.

Donc un HFT plus malin que les autres serait capable de leurrer les autres robots pour ensuite pouvoir acheter à un meilleur prix.

Pour pouvoir acheter, il faut des vendeurs. Là encore, sur qui peut-on compter pour placer des ordres à une telle vitesse en réaction à un tel mouvement concentré dans le temps ?

On reprend pour synthétiser :

Un HFT malin fait croire que le titre est sous très forte pression vendeuse pour pousser d’autres acteurs que lui à vendre (car si lui vend, l’opération est inutile), et puis au moment où il le déciderait, il se met à acheter ceux qu’il a réussi à leurrer provoquant la remontée… et la marmotte elle met le chocolat dans le papier.

Je veux bien ne pas avoir trop de parti pris mais là, va quand même falloir que les défenseurs des HFT m’expliquent en quoi tout le monde sort grandit de cette histoire.

Je ne suis pas du tout mais alors pas du tout convaincu non plus que même le HFT qui a initié cela s’en soit sorti gagnant.

Ca nous ramène tout droit à la question, était ce un mouvement volontaire ou bien un comportement erratique et non contrôlé d’un robot.

Le problème c’est qu’en gardant l’esprit très ouvert, ce n’est pas en gardant le silence que les gens du HFT vont faire quoique ce soit pour nous rassurer.

Et à ceux qui diront que le silence prouve qu’ils font des gros sous et qu’ils veulent garder tout ça bien secret, il va aussi falloir qu’on m’explique la fermeture de toutes les officines de HFT cette année et la baisse assez nette de leur volume depuis 6 mois…

J’ai essayé de rentrer pas mal dans le détail avec cet exemple pour essayer de montrer sans parti pris quels pourraient être les véritables intérêts des différents acteurs.

Prenons maintenant un autre exemple, le titre RMBS le 4 janvier (Rambus inc, capitalisation de 2.3 milliard pour 1.2 millions de titres en moyenne depuis 3 mois).



Alors là on rigole plus du tout.

Coté à 23 toute la journée, on a pu voir entre 15h19 et 15h24, 5 séquences consécutives de quelques secondes où le titre a coté entre -12 et -35% avant de revenir à l’équilibre.

On peut toujours m’expliquer que les 4 premières séquences vers le bas ont cherché à provoquer le réveil et l’attention des autres robots et que dans la 5iéme le gros malin à l’origine de tout ça a ramassé le paquet, mais je demande sérieusement à voir le résultat net comptable.

Maintenant que vous avez vu le HFT à l’œuvre il reste 2 solutions :

Soit le HFT est légitime et ces mouvements créés par ces gens là ne présentent pas de danger à l’intégrité du marché et dans ce cas là, il faut apprendre à faire avec.

Soit le HFT ne fait pas ceci à dessein, mais c’est un effet non souhaité et très dangereux de leurs actes pas tous contrôlés et il faut faire très attention à ce qui se passe.

Mon opinion est que si les HFT font ça à dessin, il y aurait beaucoup plus de cas de figures.

Zerohedge avec Namex a essayé de recenser tous les cas en 2010 et il a un décompte d’un peu plus de 500 cas.

On élargit un peu le chiffre car ils ont pu en oublier.

Puis on le double car ils n’ont recensé que ceux à la baisse, y voyant un vrai danger pour le marché, alors qu’il y en a certainement autant à la hausse si ces faits sont volontaires.

Ca nous donne un total de 1500 cas à la louche sur le marché US pour toutes les actions et toutes les officines de HFT.

CA NE TIENT PAS LA ROUTE.

Il est impossible que le nombre de cas puisse parler en faveur des HFT. Ces mouvements ne peuvent pas être autres choses que des dégâts collatéraux liés à l’absence de contrôle de leurs outils.

Plusieurs voix se sont élevées bien avant le pic de la crise sur les CDS pour en dénoncer les méfaits. Ces voix ont été étouffées par la somme considérable d’argent qui était fait dessus.

Sauf que cette fois, il ne s’agit plus du tout de la même chose.

Ce ne sont plus les grandes banques sur d’obscures produits dont personne ne comprenait rien, on parle d’officines qui sont capables d’avoir un impact de 5%, 10, 35% voire même 100% dans certains cas extrêmes sur des cours de bourse.

Les politiques ont reproché la crise aux traders. Je peux vous assurer qu’il n’y a pas un seul trader qui ne soit pas gêné, à des degrés divers, par les agissements des HFT.

Pour moi il est certain que la crise des subprime était due aux organismes de régulations et que cette fois ci encore, c’est eux qui seront coupables de n’avoir rien fait.

Et ce qui m’inquiète le plus c’est que vous, lecteurs, si vous n’avez qu’une vague idée de ce qui se passe, ça me paraît normal. Mais j’ai une très désagréable sensation que c’est aussi le cas dans les bureaux feutrés des autorités de contrôle.

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