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Le pétrole, le trade du siècle

Par Samuel Rondot;

samuel rondot

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Nous savons tous que le pétrole va se raréfier dans les années à venir. Sans être des géologues ni des experts, l’équation est simple, d’un coté on consomme toujours autant (voir de plus en plus), de l’autre les réserves se tassent et cela fait longtemps qu’on n’a pas fait de découverte de nouveau gisement conséquent.

Il ne fait donc aucun doute que le prix du pétrole est amené à exploser à la hausse dans les prochaines années.

Alors pourquoi ne sommes nous pas tous en train de faire le trade du siècle en achetant du pétrole pour le long terme et le revendre avec fortune pour notre retraite ?

Passons rapidement sur l’aspect technique, pour travailler la hausse du pétrole il y a 2 produits, le contrat de future coté à New York, il suffit d’un compte chez un courtier future pour acheter un contrat, ou les CFD pétrole, contrat perpétuel sur le pétrole qui demande moins de capitaux de départ.

La première réponse est technique.

Un contrat future représente une somme d’argent en plus de représenter le produit coté. Il faut donc payer des intérêts liés à l’emprunt de cette somme sur la durée du contrat (chaque future à une date de péremption). C’est ce que nous appelons « la base ».

La théorie voudrait que si on place l’équivalent de la somme représentée par le contrat en monétaire, cela nous rapporte de l’argent, il est donc logique qu’on rembourse cette base au marché (à celui qui vend ce contrat donc).

Plus on considère une échéance de contrat future lointaine plus la base est forte.

Aujourd'hui l'échéance la plus lointaine qu'on peut trader c'est décembre 2012 a 81.9 contre 72.5 l'échéance actuelle (au moment ou j’écris ces lignes).

Cela fait 13% d'intérêts pour 2 ans et 3 mois, c'est cher payé mais ça reste acceptable.
A la limite on peut payer 83.6 sur décembre 2013 (le volume est très faible) mais ça ne fait que 2.3% pour une année de plus, c'est un meilleur deal.

Bref techniquement on peut se payer une échéance à 3 ans sans avoir à gérer le passage d’une échéance à l’autre tous les mois (le pétrole est un contrat mensuel sur le marché). Au bout des 3 années, il suffira de reconduire son trade sur une nouvelle échéance lointaine.

Le deuxième problème éventuel c’est ce qu’on appelle le risque de couverture.
Si le contrat pétrole rebaisse à 40$ avant de monter à 500$ il faut disposer de suffisamment de couverture pour faire face à cette perte latente en attendant le mouvement de hausse inéluctable.

Un dollar sur le contrat du pétrole c'est 1000 dollars sur le compte !
Donc si on prévoit de couvrir 40 dollars de perte (passage du contrat de 72$ aujourd’hui à 32$ dollar, ca parait quand même un maximum envisageable) nous avons besoin d’une couverture de 40 000$ (40* 1000) et un chouillat de plus pour couvrir le déposit (pour pouvoir trader, les courtiers demandent un déposit qui est différent en fonction de chaque contrat).

Disons qu’avec 50 000$ sur le compte à l’ouverture du trade on est tranquille.

Outre le fait qu’il faut disposer d’une telle somme (elle serait 10 fois moindre si on utilisait les CFD) ce n’est pas vraiment un frein, il subsiste encore un point.

Considérons le risque devise.

Le pétrole trade en dollar on va gagner en dollar. Si à l’avenir, le dollar contre euro se prend une méga gifle, c'est les bénéfices de l’opération pétrole qui sont amputés d'autant.

Prenons par exemple un euro pour 2 dollar (on parle de mouvement sur plusieurs années) au final, 36% de gain est amputé à cause de la devise (passage de 1.47 en ce moment à 2). Avec un scénario fou à 2.5 cela donne 70% de moins (quand même).

Si on fait une cote mal taillé entre ces deux hypothèses on va avoir notre gain amputé de 50% environ si le dollar continue de s’effriter sérieusement contre les autres devises mondiales.

Revenons à notre trade et prenons le cas ou le pétrole double dans cette durée pour revenir un peu au dessus de ses plus hauts vers 150$ : notre gain est de 75 000$, à cela s’ajoute les 50 000$ qu’on a mis au départ sur le compte pour initier le trade soit 125 000$.

Mais avec la glissade du dollar, il ne reste plus que la moitié en dollar d'aujourd'hui, soit 63 000 dollars constants (en valeur de ceux d’aujourd’hui) pour un investissement de 50 000 soit 26% de profit .....

Un dernier risque est aussi à considérer.
Celui que le rebond (économique et celui des marchés) ne soit que technique et que les cassandres finissent par avoir raison avec une nouvelle baisse forte des marchés qui impacterait forcément le dollar peut être vers 35$ comme au pire de cette année.
Dans ce cas, dans les 3 ans on n’a aucune chance de voir notre bon baril à 160$ alors que le dollar à 2 ou 2.5 est bien plus probable…

Admettons le, trader le pétrole malgré la quasi certitude de déséquilibre entre l’offre et la demande, à horizon 3 ans, c'est injouable.

Et à horizon 5 ou 10 ans, qu’en est il ?

La devise est le point clé, car la fragilité macro économique du dollar due à cette montagne de dettes accumulées par les US peut mettre ce plan par terre en moins de deux.

Les plus initiés vont me répondre qu’il n’y a qu'à acheter le pétrole en euro, il existe maintenant des bourses qui font ca.

Et oui sauf que le cours de ces bourses se calquent très exactement sur celui du Nymex multiplié par le cours du dollar. C'est comme pour l'or en euro, la cotation de référence c'est celle des Us et après nous subissons.

Pour moi, c'est la raison principale pour laquelle le baril ne vaut pas déjà 150 ou 200$.
Le facteur risque associé est tellement énorme (je parierai bien plus facilement sur un dollar à 2 même en cas de reprise économique car c’est certainement leur seul moyen d'assumer leur dette en faisant payer les autres (les débiteurs étrangers), que sur une envolée du dollar qui va demander une sérieuse confiance dans le retour de la croissance).

Le pire scénario ? On peut se retrouver dans quelques années avec effectivement une hausse du pétrole mais une telle chute du dollar que pour nous européens le cours réel du pétrole en dollar pourrait même baisser.

La bourse à travers l’évolution des cours ne fait que dévoiler le déséquilibre des attentes des opérateurs et donc leurs attentes. En ce moment, ils sont bien plus nombreux à parier sur une baisse du dollar que sur une hausse du pétrole.

En bourse, le trade sans risque n’existe pas. Et si parfois on peut trouver un trade avec très peu de risque le potentiel de profit associé sera extrêmement faible.
C’est d’ailleurs l’une des rares choses inéluctables avec la bourse.

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