Crédit immobilier : faut-il emprunter maintenant ou attendre que la crise politique s'apaise ?
Actualité publiée le 06/10/25 17:32
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La reprise du crédit immobilier amorcée depuis plusieurs mois pourrait être freinée par l'instabilité politique. Mais pour les primo-accédants, la fenêtre reste encore ouverte… jusqu’à quand ?
Depuis plusieurs mois, un frémissement encourageant agite le marché du crédit immobilier. En août, la production de prêts à l’habitat a atteint 12,2 milliards d’euros selon la Banque de France, en hausse de 3,6 % sur un an. Ce regain d’activité est tiré en grande partie par les primo-accédants, qui représentent désormais 52 % des nouveaux crédits pour l’achat d’une résidence principale. Mais la démission surprise du Premier ministre Sébastien Lecornu et les incertitudes politiques qui s’ensuivent pourraient bien tout remettre en cause.
Alors que les taux semblaient stabilisés cet été, l’annonce du départ de Sébastien Lecornu a provoqué une onde de choc sur les marchés. L’OAT à 10 ans, baromètre des taux d’emprunt d’État, a grimpé jusqu’à 3,58 %, un niveau qui inquiète les professionnels. Les banques pourraient être contraintes de répercuter cette hausse sur les crédits immobiliers, menaçant directement le pouvoir d’achat des emprunteurs.
Les primo-accédants, toujours moteurs du marché
Le retour à la faveur des primo-accédants s’explique par plusieurs facteurs. Le recul progressif des taux depuis début 2025, mais aussi le renforcement des aides comme le prêt à taux zéro étendu à tout le territoire depuis avril, ont joué un rôle décisif. Surtout, les banques desserrent doucement les conditions d’accès au crédit.
"En 2022, au moment de la forte remontée des taux, elles demandaient généralement 20 % d'apport. Aujourd'hui, c'est un peu au cas par cas, souvent autour de 10 % mais cela peut être moins et certaines acceptent 5 %", explique Sandrine Allonier, porte-parole du courtier Vousfinancer.
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Les chiffres confirment cette tendance : la durée moyenne des prêts atteint 23 ans et 2 mois, voire 23 ans et 8 mois pour les primo-accédants. Un effort d’assouplissement qui montre que les établissements bancaires restent volontaires… tant que la situation politique ne se dégrade pas davantage.
Une remontée des taux redoutée à court terme
En août, le taux moyen des crédits était resté stable à 3,10 %. Mais en octobre, certaines banques ont commencé à relever leurs barèmes, portant la moyenne à 3,30 %. Le lien avec le climat politique est désormais évident.
"Une croissance de cet ordre n'est pas de nature à impacter la capacité d'emprunt. Au contraire, certaines personnes se disent que c'est le moment de passer à l'acte avant que ça ne remonte davantage", analyse Sandrine Allonier.
Cependant, elle prévient : "Jusqu'à présent on observait encore une relative stabilité car Emmanuel Macron avait nommé rapidement un gouvernement. Cela avait un peu rassuré les marchés. Là, on refait deux pas en arrière. Si on monte durablement à 4 % sur les taux d'emprunt d'État, les banques seront obligées de le répercuter sur le crédit."
Emprunter maintenant ou patienter : ce qu’en disent les experts
Face à cette instabilité, la tentation de repousser son projet d’achat est forte. Pourtant, plusieurs experts incitent à ne pas trop tarder.
"La pression haussière sur les taux (d’emprunt) français risque d’être accentuée par une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale, que le président de la République pourrait être contraint d’annoncer dans les prochains jours", prévient Edmond de Rothschild Asset Management.
Jordan Frarier, président de Foncia Transaction, reste serein : "Même si les taux remontent à 3,5 % sur 20 ans, je ne vois pas le marché se gripper, le prix d’achat moyen étant de seulement 170 000 euros dans notre réseau".
Même tonalité prudente mais confiante chez les courtiers Cafpi : "Les marchés obligataires réagissent souvent à chaud avant de se stabiliser." Leur directrice générale, Caroline Arnould, conseille d’anticiper : "En période d’incertitude, mieux vaut sécuriser son taux de crédit immobilier au plus vite. Le vrai risque, pour les acheteurs, c’est de perdre leur financement."
Du côté de la CNCEF Crédit, on met en garde contre l’immobilisme : "L’erreur serait que, dans ce contexte (d’instabilité politique), les ménages mettent à l’arrêt leurs projets d’achat immobilier", insiste l’association, rappelant que "On peut acheter avec des taux raisonnables et plus attractifs qu’il y a un an, et les banques continuent à prêter".
Un impératif renforcé par une réalité sociétale : "Devenir propriétaire avant la retraite, un impératif pour 73 % des Français", selon l’Institut Montaigne. Une dynamique que "la précédente ministre du Logement, Valérie Létard, avait bien compris", regrette la CNCEF.